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Fribourg-Gottéron et le LHC, une rivalité de longue date

«Quand les Genevois et les Lausannois montent à Fribourg, ils se sentent un peu supérieurs», constate Hubert Audriaz, figure légendaire de la ville de Fribourg.
«Quand les Genevois et les Lausannois montent à Fribourg, ils se sentent un peu supérieurs», constate Hubert Audriaz, figure légendaire de la ville de Fribourg. image: keystone

Gottéron - LHC, la vieille rivalité des «bouseux» et des «p'tits mecs»

Le quart de finale des play-offs entre les Fribourgeois et les Vaudois (2-1 dans la série) tient toutes ses promesses. Dragons et Lions sont en train d'écrire les plus belles pages de leur histoire commune, qui pourrait prendre une nouvelle tournure.
30.03.2022, 19:0831.03.2022, 10:36
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C'est la première fois que Fribourg-Gottéron et le Lausanne HC s'affrontent en play-offs. Dès que les Lausannois ont éliminé Ambri en pré play-offs, toute la Suisse romande s'est enthousiasmée pour ce duel inédit. D'abord, parce qu'il oppose deux clubs légendaires du hockey romand. Ensuite, et surtout, parce que Dragons et Lions ont fait le spectacle sur et en dehors de la glace pendant la saison régulière.

Dans leurs patinoires flambant neuves, à nouveau transformées en chaudrons depuis la fin des mesures sanitaires, ils ont dominé leurs adversaires comme rarement (Gottéron a terminé à une excellente 2e place, alors que le LHC a atteint les play-offs pour la 6e fois de son histoire seulement).

Après trois matchs, les promesses sont tenues. Fribourgeois et Vaudois se livrent une lutte acharnée – parfois jusqu'à l'épuisement, comme mardi avec la victoire fribourgeoise à la... 105e minute – pour remporter chaque point de la série. Tout ça devant des spectateurs bouillants, qui se ruent sur les billets: les trois premiers actes ont affiché complet, et le quatrième, jeudi à Lausanne, se jouera aussi à guichets fermés. A n'en pas douter, l'atmosphère ne serait pas autant électrique si les deux équipes ne partageaient pas une grosse rivalité.

Des p'tits mecs et une étable

Son intensité est liée à sa longévité. Même s'ils n'ont pas toujours évolué dans la même division, Gottéron et le LHC se croisent en championnat depuis les années 1950. «Lausanne, c’était les p'tits mecs, et nous on était les gars de la Basse-Ville», rigole Hubert Audriaz, figure légendaire de la ville de Fribourg, qui a porté le maillot des Dragons une saison en 1962-1963. A sa manière, l'octogénaire décrit une réalité sociologique qui a construit, pour une grande partie, l'opposition sur la glace entre Fribourg et Lausanne. «Quand les Genevois et les Lausannois montent à Fribourg, ils se sentent un peu supérieurs», constate l'artiste.

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Hubert Audriaz est une personnalité légendaire de Fribourg. Image: KEYSTONE

Le mépris citadin pour les gens de la campagne, Philippe Ducarroz l'a aussi ressenti. «Les Lausannois font sentir aux Fribourgeois qu'ils sont des paysans», constate le journaliste sportif et grand spécialiste du hockey sur glace. Aujourd'hui âgé de 57 ans, il se souvient très bien d'un moment en particulier, quand il était encore enfant, dans le public. «Le LHC jouait encore à Montchoisi. Ce jour-là, Gottéron a renversé le match et l'a gagné en l'espace de quelques secondes grâce à un but de la légende Jean Lussier», rembobine-t-il.

«Dans les tribunes, j'ai entendu des fans lausannois, frustrés, traiter les Fribourgeois de "bouseux". Comme gamin d'origine fribourgeoise, ça m'avait frappé»
Philippe Ducarroz, journaliste sportif

Quelques décennies plus tard, les préjugés n'ont pas disparu. Ils avaient fait leur retour en force en 2004, sur une banderole des fans du LHC. Lors du barrage promotion/relégation contre Bienne, plus précisément. Forcés d'assister aux matchs à domicile de leur équipe à... Saint-Léonard, à cause de la Coupe Davis à Malley, ils avaient comparé l'enceinte fribourgeoise à une «étable».

Et quand on sait que de Châtel-Saint-Denis à Morat, Gottéron est un marqueur identitaire fort, on ne peut pas s'étonner d'une réaction épidermique en face. «Le club est un véritable étendard du canton de Fribourg, parce qu'il représente ce qu'il s'y fait de mieux, tous secteurs économiques ou culturels confondus», appuie Philippe Ducarroz. Oui, ceux qui chambrent, côté vaudois, ont visé juste. Et ils ont de quoi en remettre une couche: «Ils ironisent sur le fait que Gottéron, soi-disant symbole fribourgeois, n'a même pas un seul trophée dans sa vitrine», complète l'expert.

Une charge horrible, une photo truquée et un peu de poésie

Mais il serait faux de résumer la rivalité Gottéron - LHC à une guerre des classes et une opposition ville-campagne supposées. Il y a bien évidemment la proximité géographique des deux clubs (76 km par l'autoroute), qui permet à de nombreux fans d'aller soutenir leur équipe dans l'arène du rival et d'y faire, du coup, monter la température. Il y a aussi la suprématie romande en jeu, sorte de championnat dans le championnat pour les cinq formations francophones de National League.

Première confrontation de l'Histoire en play-offs entre Gottéron et le LHC, et déjà des matchs mythiques.
Première confrontation de l'Histoire en play-offs entre Gottéron et le LHC, et déjà des matchs mythiques. image:: keystone

Mais un antagonisme se renforce aussi lors d'événements précis. Celui entre les Dragons et les Lions n'échappe pas à la règle. «Beaucoup de joueurs ont été transférés d'un club à l'autre», rappelle Philippe Ducarroz. «Et certains de ces transferts ont déplu aux fans. Notamment à ceux de Fribourg, quand les légendes Jean Lussier et Slava Bykov sont parties à Lausanne.»

Les relations se sont méchamment dégradées il y a 17 ans, en mars 2005, lors de la finale des play-out. Le contexte anxiogène – la survie en première division comme enjeu – a poussé joueurs, dirigeants et spectateurs à franchir les limites. Il y a d'abord eu cette horrible charge à la tête du Fribourgeois Jeff Shantz sur l'attaquant du LHC Eric Landry, lors du 3e acte. Et puis le scandale qui en a découlé: le club vaudois a publié un communiqué de presse avec une photo truquée. Une personne proche du club a amplifié la blessure sur le visage de Landry – pourtant déjà suffisamment amoché – en rajoutant des points de suture et des hématomes.

La photo truquée

HANDOUT, BILD VON LAUSANNE HOCKEY ZUR VERFUEGUNG GESTELLT - Der Lausanner Eishockeyspieler und Topscorer Eric Landry praesentiert seine Verletzung im Gesicht, nachdem er am Vortag beim 3. Playoutspiel ...
Image: LAUSANNE HOCKEY CLUB

L'originale

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image: twitter

Il n'en faut pas plus pour entraîner une escalade de l'agressivité sur et en dehors de la glace. «Quelquefois, j’ai peur pour ma santé. J’aimerais pouvoir continuer à aller me promener avec mes filles», avouait, en pleine série, le défenseur de Gottéron Freddy Bobilier dans La Liberté.

Le journaliste spécialisé, Emmanuel Favre, n'a pas mâché ses mots au moment d'évoquer, cette semaine dans La Tribune de Genève, ses souvenirs de ce duel:

«Nous avons vu tout ce que le sport amène de plus moche, tout ce qu’il y a de plus dégueulasse! Les équipes faisaient pression sur les arbitres, elles se répondaient à coups de vidéo (...)»
Emmanuel Favre, journaliste spécialisé

Un dernier épisode marquant a eu lieu en octobre 2017. Lors d'un match contre Zoug, les ultras du LHC ont déployé une banderole insultante contre le capitaine de Fribourg, Julien Sprunger. Ils le traitaient de «pute», en même temps qu'ils s'offusquaient de voir leur jeune joueur Axel Simic (19 ans à ce moment) – Fribourgeois d'origine – avouer dans les colonnes de La Gruyère que son idole était Sprunger, icône du grand rival.

Pas (encore?) les meilleurs ennemis

Mais tant les Fribourgeois que les Lausannois ont des meilleurs ennemis. «Pour les supporters du LHC, le combat pour la suprématie du Léman face à Genève-Servette est le plus virulent», observe Nathalie Senn. La Vaudoise a eu l'occasion de le constater en 2007, lorsqu'elle a réalisé son travail de Bachelor sur les fans des Lions.

Pour Lausanne, le vrai derby est celui contre Genève-Servette.
Pour Lausanne, le vrai derby est celui contre Genève-Servette.image: keystone

Pour Gottéron, le grand méchant à (a)battre se trouve dans la capitale fédérale. «A Fribourg, le vrai derby se dispute contre Berne», tranchait Slava Bykov dans Le Temps, en 2001. Les deux villes sont distantes de seulement 35 km et ont été fondées par la même famille, les Zähringen, d'où le nom de «derby des Zähringen». Philippe Ducarroz fait remarquer, à juste titre:

«Un vrai derby a toujours un nom, or le duel entre Lausanne et Fribourg n'en a pas. C'est la preuve que ce n'est pas vraiment un derby»
Philippe Ducarroz

L'expert ne nie pas la rivalité entre les deux équipes, mais pour lui, «elle est artificielle, alimentée notamment par les médias et certains groupes ultras.» Il en est convaincu, elle perdra son intensité quand l'un des deux clubs aura de moins bons résultats. «Au contraire, si Berne tombait en troisième division, l'antagonisme avec Fribourg garderait la même virulence», s'avance-t-il.

Il a certainement raison. Mais Gottéron et le LHC vont peut-être continuer à écrire les plus intenses pages de leur histoire commune ces prochains jours, et qui sait quelle tournure prendra cette relation. Resterait alors à trouver un nom à leur confrontation. On est curieux de lire vos idées! 😉

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