J'ai cru m'étouffer avec l'eau de ma douche ce matin en écoutant l'annonce par la RTS du sujet de leur émission «Tout un monde»: «Selon l'ethnologue et spécialiste de l'Afghanistan Victoria Fontan, les talibans seraient des islamistes modérés». L'intervenante est vice-présidente des affaires académiques à l'université américaine d'Afghanistan.
Outre l'aspect contradictoire, ou pour le moins bizarre, de l'expression «islamistes modérés», une telle présentation de la situation actuelle est l'exemple parfait de l'obsession qui consiste à relativiser la dimension civilisationnelle de la prise de pouvoir des Talibans à Kaboul. L'anti-occidentalisme irriguant l'idéologie des Talibans, formés à un islam littéral, n'a rien de modéré. Par définition, il est radical.
Alors oui, il existe divers courants au sein de l'islamisme et même des talibans. Des enjeux de générations, mais aussi d'intérêts et de stratégie complexifient la discussion. Victoria Fontan l'a bien expliqué une fois interviewée. Mais cela aurait mérité une «bande-annonce» en l'occurence plus modérée. Nous parlons, faut-il le rappeler, de fondamentalistes qui n'hésitent pas à tuer des femmes sans burka, tirer sur des opposants politiques et emprisonner des musiciens.
De même, l'espoir exprimé ce 17 août par le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian – et d'autres observateurs – de voir apparaître «un gouvernement inclusif et représentatif qui réponde aux aspirations de la population» m'inspire une réaction que le tabloïd New York Posts a bien résumée dans le titre de son article:
A ce fait tragique s'ajoute un autre: il n'est pas surprenant qu'islamisme et féminisme ne fassent pas bon ménage. Il est en revanche consternant – à défaut d'être à proprement parler étonnant – que les associations féministes très médiatisées ces derniers mois en Suisse romande, «Grève féministe Genève», «Grève féministe Neuchâtel» etc. n'aient toujours rien posté sur leurs canaux officiels à propos de Kaboul.
Et c'est d'autant plus préoccupant avec le cas de l'association «Les foulards violets». Car pour se dissocier clairement des islamistes, il faudrait que les «musulmanes féministes» fussent au premier front sur la question des femmes victimes des talibans au nom de l'islam. Leur silence radio est aussi instructif qu'assourdissant. Pas de doute qu'il donnera de l'eau au moulin des féministes anti-immigration exprimant leur solidarité avec les femmes victimes d'idéologies rétrogrades.