Le 1er mai, c'était l'apparition de trop, même pour le parlement italien. Deux Russes qui figurent sur la liste des sanctions de l'UE ont été autorisés à expliquer en détails leurs positions à la télévision italienne: le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et Vladimir Soloviev, journaliste de télévision russe et principal propagandiste officieux de Poutine.
L'interview de 43 minutes de Sergueï Lavrov sur «Rete4», une chaine privée de l'ancien Premier ministre et magnat des médias Silvio Berlusconi, a fait la Une de la presse internationale.
Le ministre de Poutine a pu diffuser ses thèses grossières (l'Ukraine est gouvernée par des nazis, les juifs sont les antisémites les plus zélés) sur la chaîne de Berlusconi avec pour ainsi dire, peu d'opposition. Le président russe Poutine se serait ensuite excusé auprès du Premier ministre israélien pour les propos tenus par Lavrov.
Mais l'intervention de Lavrov était tout sauf exceptionnelle: depuis le début de la guerre en Ukraine, les opinions pro-russes bénéficient d'une tribune remarquablement grande à la télévision italienne, à tel point que la commission parlementaire de sécurité s'en est mêlée.
En effet, les parlementaires enquêteraient actuellement pour savoir si la forte présence de «commentateurs étrangers» dans les talk-shows italiens est en réalité une campagne de propagande russe bien coordonnée. Carlo Fuortes, le chef de la chaîne publique italienne RAI, est également convoqué. Les studios de la chaîne publique voient également entrer et sortir en ce moment un nombre étonnamment élevé de personnes figurant sur la liste des salaires du Kremlin.
Il y a par exemple la journaliste russe Nadana Fridrikhson qui travaille à plein temps pour la chaîne de télévision Zvezda, gérée par le ministère russe de la Défense. Elle avait déclaré à plusieurs reprises à la télévision italienne que «l'opération spéciale russe» avait pour but de mettre fin à la guerre «lancée par le régime soutenu par les Etats-Unis à Kiev».
Deuxième exemple, celui de la porte-parole de la politique étrangère, Maria Zakharova, qui a diffusé à la télévision italienne des théories du complot sur le massacre de Boutcha. Tout en continuant à être invitée dans des talk-shows.
Le fait que les chaînes italiennes invitent régulièrement des personnes qui diffusent une dangereuse propagande du Kremlin n'étonne pas Francesco Costa. Le rédacteur en chef adjoint du journal en ligne il Post déclare:
C'est particulièrement évident dans les talk-shows: «L'objectif de ces émissions est de provoquer le plus grand scandale possible afin que davantage de téléspectateurs les regardent la fois suivante». En conséquence de cette course au scandale, les experts établis annulent de plus en plus souvent leur participation à ces talk-shows, car ils ne veulent plus réfuter les mêmes arguments fallacieux.
Costa affirme que ce problème est particulièrement important en Italie en comparaison à d'autres pays:
Mais pourquoi? Cela s'explique par le fait que la télévision reste le principal canal d'information en Italie. On y voit donc beaucoup de talk-shows politiques. Ce format d'émission est bon marché à produire et donne l'impression d'être actuel, même si la qualité des contenus est souvent douteuse.
Reste à voir si la justification de Costa explique à elle seule la forte présence d'invités proches du Kremlin dans les talk-shows, ou si la commission parlementaire découvrira d'autres raisons lors de ses auditions. Il s'agira par exemple d'examiner comment les rédactions choisissent leurs invités et s'il y a des accords avec l'ambassade russe.
Il est d'ores et déjà clair que l'enquête ne débouchera pas sur une interdiction, du moins pour les chaînes privées, mais au mieux sur une recommandation. Enfin, la liberté de la presse est également valable en Italie. Même lorsque Moscou l'utilise habilement à ses propres fins.
Traduit et adapté de l'allemand par sia.