La situation en matière de politique de sécurité est critique: la Russie mène une guerre sanglante en Ukraine et le président russe Vladimir Poutine s'attaque également à l'ordre mondial actuel avec son invasion. Il y a donc suffisamment de raisons pour que l'Otan réagisse de manière unie face à ces menaces.
Mais cette unité commence à se fissurer. La Turquie, défavorable à cette idée, est le seul membre de l'organisation à bloquer l'adhésion de la Finlande et de la Suède. Avec l'élargissement de l'Otan, le président turc Recep Tayyip Erdogan dispose soudain d'un moyen de pression avec lequel il peut faire chanter l'alliance militaire pour atteindre ses propres objectifs politiques.
Dans le contexte actuel, la colère gronde contre le président turc en Occident. Après tout, le conflit s'inscrit dans la lignée des nombreux différends qui ont opposé la Turquie au reste de l'Otan ces dernières années.
Mais la grande majorité des pays de l'Alliance ont-ils la possibilité de contourner le blocage d'Erdogan? Peut-elle même, en cas d'urgence, expulser la Turquie de l'alliance?
La réponse est clairement non. Le traité de l'Atlantique Nord ne prévoit pas l'expulsion d'un Etat membre, ils ne peuvent se retirer de l'alliance que volontairement.
En conséquence, le reste de l'Otan devra payer un lourd tribut à la Turquie pour qu'elle accepte la Finlande et la Suède. Et ce, même si les deux pays scandinaves renforceraient l'alliance militaire. Mais Erdogan sait aussi que la menace de Poutine est si grande, qu'il peut faire monter le prix de son accord. Il sait aussi que les partenaires occidentaux de l'Otan le paieront probablement.
L'Otan aurait dû s'attendre à ce conflit. Pourquoi Erdogan devrait-il accepter l'adhésion de deux pays qui ont partiellement imposé des sanctions à la Turquie? Ces sanctions devront disparaître et les Etats-Unis seront probablement amenés à réfléchir à la réintégration de la Turquie dans le programme F-35.
Pour rappel, la Turquie a été exclue de l'achat des avions de combat américains après qu'elle ait acheté des systèmes de défense antiaérienne S-400 à la Russie en 2019.
Mais le gouvernement turc en demande plus, et c'est avant tout un signal envoyé à sa propre population. Erdogan ne veut pas se laisser faire par l'Occident et cela passe particulièrement bien dans son électorat conservateur. Chose importante pour le président en difficulté, un an avant les prochaines élections.
En outre, la Turquie souhaite plutôt jouer le rôle de médiateur entre l'Occident et Poutine, car le pays a besoin des matières premières russes. C'est aussi pourquoi la tentative de chantage d'Erdogan est aussi un message à Moscou.
Jusqu'à présent, les chefs d'Etat et de gouvernement de nombreux membres de l'Otan ont réagi plutôt sobrement au blocage. Il y a plusieurs raisons à cela:
Par conséquent, aucun des pays membres ne souhaite que la Turquie quitte véritablement l'Otan. Erdogan a toutes les cartes en main.