Acquitté de crime contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI), l'ex-président Laurent Gbagbo est rentré, jeudi 17 juin, en Côte d'Ivoire après dix ans d'absence. Cela dans une atmosphère tendue.
Laurent Gbagbo, 76 ans, vivait à Bruxelles depuis son acquittement par la CPI, en janvier 2019, confirmé en appel le 31 mars 2021.
Gbagbo, au pouvoir depuis 2000, avait été arrêté en avril 2011 à Abidjan, puis transféré à la CPI à La Haye. Ses proches assurent qu'il rentre sans esprit de vengeance, mais pour œuvrer à la politique de «réconciliation nationale».
A l'opposé, ses adversaires estiment qu'il a précipité son pays dans le chaos en refusant sa défaite face à Alassane Ouattara, à la présidentielle de 2010. Ce refus a provoqué une grave crise post-électorale, pendant laquelle 3000 personnes ont été tuées.
Laurent Gbagbo reste sous le coup d'une condamnation, en Côte d'Ivoire, à 20 ans de prison pour le «braquage» de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) pendant la crise de 2010-2011, mais le gouvernement a laissé entendre qu'elle serait abandonnée.
C'est son acquittement définitif, le 31 mars, qui a rendu possible ce retour, de même que le feu vert donné par son rival, le président Alassane Ouattara, au nom de la «réconciliation nationale».
Avant son départ de Bruxelles, son avocate Habiba Touré, qui a voyagé avec lui, a déclaré à l'AFP qu'il était «content, enthousiaste et veut jouer sa partition pour essayer de réconcilier les Ivoiriens. Il a besoin de parler à son peuple».
Gbagbo a été acclamé à sa descente d'avion par des centaines de personnes, celles qui avaient pu avoir accès à l'aéroport, ses proches, les responsables de son parti, le Front populaire ivoirien (FPI) et le personnel de l'aéroport et de compagnies aériennes, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Peu avant l'atterrissage de Gbagbo, ces mêmes journalistes ont entendu des tirs et vu des fumées de gaz lacrymogènes, tout près de l'aéroport.
L'ampleur de l'accueil de l'ex-président a été au coeur des récentes négociations entre le pouvoir et le FPI: le premier souhaitant qu'il soit sans «triomphalisme», le second qu'il soit populaire en permettant au plus grand nombre de ses partisans d'être présents dans les rues d'Abidjan. L'enjeu était la sécurité de Gbagbo lui-même, mais aussi d'éviter tout débordement ou violence.
A Yopougon, quartier populaire d'Abidjan considéré comme pro-Gbagbo, on attend son retour avec impatience, mais «on veut le voir pour le croire», dit un habitant du quartier, portant un maillot sur lequel est écrit: «Gbagbo acquitté, merci Seigneur».
La Côte d'Ivoire est encore meurtrie par deux décennies de violences politico-ethniques, les dernières remontant à la dernière présidentielle, en 2020, qui ont fait une centaine de morts.
La Côte d'Ivoire «doit se retrouver», estime Assoa Adou, secrétaire général du FPI, car «elle est aujourd'hui en danger de déstabilisation par des djihadistes» après des attaques contre l'armée, qui ont récemment tué quatre militaires dans le Nord, à la frontière avec le Burkina Faso. (ats/jah)