L'horreur n'en finit pas. L'armée russe n'avance pas comme l'espérait Vladimir Poutine. Elle utilise donc des armes de plus en plus brutales. On signale des attaques avec le missile hypersonique Kh-47M2 Kinjal, qui signifie «poignard» en russe. Ce poignard mesure environ huit mètres de long et vole extrêmement vite. Dans un discours à la nation en mars 2018, Poutine a présenté les missiles Kinjal comme l'une des nombreuses super-armes russes.
Lors des manœuvres de février précédant l'attaque contre l'Ukraine, ces missiles hypersoniques ont été testés. Ils sont tirés à haute altitude depuis un avion, un intercepteur de type MiG-31. Ce n'est qu'à une distance sûre de l'avion que le moteur-fusée du Kinjal s'allume, jusqu'à 20 kilomètres d'altitude. Selon les informations russes, le missile atteindrait alors une vitesse dix fois supérieure à celle du son, ce que confirme Alexander Bollfrass du Center for Security Studies (CSS) de l'EPFZ. A partir d'un MiG-31, le missile Kinjal a encore une portée de 2000 kilomètres.
La vitesse dix fois supersonique n'est toutefois «pas aussi impressionnante qu’elle peut le paraître», selon l'expert militaire de l'EPFZ.
C'est pourquoi les experts en fusées rejettent catégoriquement l'appellation «hypersonique», qu'ils considèrent comme une marque trompeuse. Il y a quelque chose de plus décisif, souligne le chercheur:
La défense aérienne actuelle de l'Ukraine n'y parviendrait pas. La Russie aurait initialement construit le système de missiles Kinjal dans le but de contourner la défense antimissile tactique américaine. «Cela fait de cette arme une menace non seulement pour les bases militaires en Europe, mais aussi pour les forces navales américaines», explique l'expert de l'EPFZ. Le think tank américain Center for Strategic and International Studies (CSIS) a déclaré que le Kinjal pourrait attaquer des infrastructures importantes en Europe, des aérodromes et également des navires de l'Otan sur l'Atlantique.
Les Ukrainiens n'ont aucune défense contre les missiles hypersoniques russes. Les Etats-Unis pourraient peut-être défendre leurs bases et leurs navires, mais selon Bollfrass, les chances ne sont pas bonnes. Toutefois, même en utilisant le Kinjal, la Russie ne pourrait pas être sûre que chaque missile parvienne à sa cible.
De manière générale, le Kinjal est aussi nuisible pour les Ukrainiens que n'importe quel autre missile envoyé par les Russes sur les villes et les bases militaires du pays. Le fait qu'il soit tiré depuis un avion n'aggrave pas les conséquences au sol. C'est pourquoi il n'y a pas de réelle logique militaire à l'utilisation de missiles hypersoniques.
«Une explication serait que l'arsenal de missiles conventionnels s'épuise. Une autre serait que Poutine veut faire une démonstration du nouveau système d'armes. Il enverrait ainsi un signal aux gouvernements européens dont l'infrastructure militaire pourrait être prise pour cible par le Kinjal, en cas de guerre entre l'Otan et la Russie», explique Bollfrass.
Le super projectile russe peut transporter jusqu'à 480 kilogrammes d'explosifs. On ne sait pas encore quelle était la puissance des missiles hypersoniques utilisés. «Moscou a menti sur tous les aspects de la guerre», déclare Bollfrass. On ne peut donc pas se fier aux informations russes; les affirmations concernant le Kinjal n'ont pas été vérifiées de manière indépendante.
Mais ce n'est pas tout. Selon Alexander Bollfrass, la Russie dispose d'une multitude de types d'armes qui n'ont pas encore été utilisées en Ukraine. C'est pourquoi l'expert de l'EPFZ se méfie de la campagne de désinformation russe qui veut que des armes nucléaires, biologiques et autres équipements de destruction massive soient fabriqués en Ukraine. Les affirmations de Poutine sont absurdes, mais selon Bollfrass, cela pourrait lui permettre d’utiliser les armes en question et d’ensuite faire porter le chapeau à l’Ukraine.
Des missiles similaires au Kinjal sont également développés dans d'autres pays. Ce n'est pas le cas des Etats-Unis. En revanche, la Chine investit beaucoup dans le développement et les essais de systèmes de missiles hypersoniques. «Pour la même raison que la Russie: pour surmonter la défense antimissile américaine», explique Alexander Bollfrass.
Traduit de l'allemand par Tanja Maeder