Le conflit en Ukraine nous a rappelé qu'une guerre ne se limite pas aux combats sur le champ de bataille, mais entraîne une longue liste de tragédies. L'une d'entre elles est sans doute la destruction de l'environnement.
Le risque de pollution et contamination des sols, de l'air et de l'eau est bien connu, l'Ukraine étant un pays fortement industrialisé. De multiples incidents impliquant des usines chimiques, pétrolières ou métallurgiques ont déjà eu lieu, indiquait début juillet l'Organisation des nations unies (ONU) dans un rapport qui mettait en garde contre «l'héritage toxique» laissé par le conflit.
Autre conséquence néfaste signalée par les Nations unies: une «augmentation significative des incendies» dans plusieurs zones naturelles. Les données récoltées par le Système européen d'information sur les feux de forêt (Effis) le montrent clairement.
Depuis le mois de janvier 2022, plus de 380 000 hectares de végétation sont déjà partis en fumée dans le pays, rapporte l'Effis. C'est plus que la surface du canton de Vaud et, surtout, près de 27 fois plus que la moyenne mesurée au cours des 15 dernières années.
Signe évident de l'influence de la guerre, la courbe commence à monter vers début mars, soit quelques jours après le début de l'invasion russe. Le nombre d'incendies hebdomadaires a également explosé à partir de la même période. Le 26 mars, l'Effis signalait un pic de 783 feux de forêt.
«Nous constatons un impact environnemental négatif important lié au conflit en Ukraine», confirme à watson Stefan Smith, chef du service des catastrophes et des conflits au sein du Programme des nations unies pour l'environnement (Unep).
«Mais ce que nous voyons pour l'instant, ce sont les données brutes», nuance-t-il. «Il est donc prématuré de dire "ceci est causé par cela". Pour ce faire, il va falloir mener des évaluations sur le terrain.»
Reste que l'augmentation des feux est réelle. Nickolai Denisov, directeur adjoint de Zoï environment network, organisation à but non lucratif basée à Genève, fait le même constat en se basant sur une analyse préliminaire du Centre régional de surveillance des incendies d'Europe de l'Est (ECFF):
«Bien que les données du Effis prennent en compte tous les incendies depuis le début de l'année, à l'intérieur comme à l'extérieur des zones de combat, nos chiffres corroborent généralement son analyse», poursuit Denisov.
L'augmentation des incendies n'a rien d'un hasard. «La destruction de l'environnement est un phénomène qui se produit dans presque tous les conflits, qu'il s'agisse d'une tactique délibérée ou d'une conséquence naturelle des combats eux-mêmes», explique Stefan Smith. «D'une manière ou d'une autre, cela arrive.»
Lorsque la destruction suit un plan délibéré, on parle de la politique de la terre brûlée, qui consiste à détruire l'environnement afin de priver l'ennemi de sources d'eau, de logements, d'abris, de nourriture ou de bois de chauffage. Les zones boisées peuvent être particulièrement touchées par ces attaques.
L'usage massif de l'agent orange pendant la guerre du Vietnam en est l'un des exemples les plus célèbres. L'armée américaine a déversé des millions de litres de cet herbicide pour anéantir la forêt où se réfugiaient les ennemis et détruire les récoltes.
Sans s'exprimer directement au sujet des incendies, Stefan Smith ajoute: «Nous constatons qu'en Ukraine, les zones boisées sont utilisées pour cacher les positions d'artillerie et les chars».
Déterminer l'exacte étendue des dégâts va être la tâche de l'Unep: «Notre mission consiste à établir quels sont les dommages causés, comment les contenir et, enfin, comprendre comment y remédier», résume Stefan Smith.
En attendant, une chose est déjà sûre: les conséquences de ces incendies vont être tragiques. Et la nature en est la première victime. Dans son rapport, l'ONU indiquait que les feux ont ravagé des réserves naturelles et des zones protégées.
Il faut savoir que l'Ukraine est très riche en biodiversité. Le pays concentre à lui seul 35% de la faune et de la flore du continent et compte 39 parcs nationaux et 50 zones humides d'importance internationale, selon L'express.
Les problèmes ne s'arrêtent pas là. «L'écosystème n'est pas quelque chose d'abstrait qui ne concerne que la nature, il est étroitement lié à la santé et à la qualité de vie des gens», analyse Stefan Smith.
Et d'ajouter: «Des communautés et des régions entières sont construites autour de certains moyens de subsistance, comme le bois ou la production agricole, qui risquent de disparaître». La déforestation pose également des problèmes très pratiques. «Lorsque l'électricité ou les sources d'énergie sont coupées en hiver, certaines personnes pourraient être obligées de sortir et de couper des arbres pour cuisiner ou chauffer leur maison», poursuit-il.
Dans son rapport de juillet, l'ONU appelait à «mettre fin à cette destruction insensée». Mais, même maintenant, les défis posés par la reconstruction vont être énormes, estime Stefan Smith.
«Le pays ne doit pas "seulement" reconstruire les villes, les routes et les ponts; les zones naturelles et vertes doivent également être restaurées», complète-t-il.