4000. C'est le nombre de personnes et d'entités que Facebook considère comme «dangereuses» dans le monde. Si on savait depuis longtemps qu'un tel document existait, on ne savait pas ce qu'il contenait exactement. Mardi, le portail d'investigation The Intercept a levé le voile sur cette fameuse liste noire.
Parmi les organisations blacklistées par le réseau social on retrouve: des groupes terroristes, islamistes et néonazis. Mais aussi:
Les entités dont se méfient Facebook et qui sont donc bloqués par le réseau social sont classés en catégories telles que: «terreur», «haine», «organisations criminelles» ou encore «mouvement social militarisé».
Pour chaque entité, on trouve des informations supplémentaires telles que le pays d'origine et le type du groupe, par exemple une milice armée ou un groupe de musique aux paroles incendiaires. Facebook enregistre également à quelle organisation supérieure telle ou telle organisation est associée.
Et dans cette liste, on retrouve également la Suisse. Il s'agit plus précisément des groupes de rock d'extrême droite «Sturmtruppen» basé à Bâle et «Indiziert» de Burgdorf, dans le canton de Berne. Ce dernier était actif dans le parti d'extrême droite National Orientierter Schweizer (PNOS). Tous deux sont répertoriés par Facebook dans la catégorie «haine».
Les groupes et les personnes répertoriés sont divisés par Facebook en catégories de danger de 1 à 3, dévoile The Intercept. Par exemple, toute personne qui faire un commentaire positif sur un groupe ayant la cote de danger la plus élevée doit, dans les cas extrêmes, s'attendre à ce que son commentaire soit supprimé. De cette manière, Facebook dit vouloir empêcher les organisations dangereuses de diffuser leur message sans filet de sécurité.
Pour l'auteur de l'article, Sam Biddle, la manière dont Facebook traite les organisations occidentales et musulmanes est illégale. Par exemple, la catégorie «terrorisme» qui représente plus de la moitié de l'ensemble de la liste, «comprend presque exclusivement des personnes et des organisations musulmanes et moyen-orientales». Les milices armées d'extrême droite aux Etats-Unis, en revanche, se situent dans la troisième catégorie de menace, qui fait l'objet du moins de restrictions. Cela signifie que les utilisateurs de Facebook aux Etats-Unis peuvent discuter des milices armées, alors que dans d'autres régions du monde, les groupes armés sont considérés comme «terroristes».
Pour les critiques, cette liste comprend un nombre disproportionné de noms musulmans, sud-asiatiques et moyen-orientaux. Selon Biddle, la liste comprend également des centaines de chaînes de télévision et d'hommes politiques considérés comme «dangereux» par les Etats-Unis et leurs alliés. Dans l'ensemble, la liste serait donc biaisée car elle avantagerait directement le gouvernement américain.
Biddle estime également que le document peut expliquer la politique de modération parfois étrange de Facebook et Instagram. Par exemple, en mai de cette année, il a été signalé qu'Instagram semblait bloquer arbitrairement les publications qui mentionnaient la mosquée al-Aksa de Jérusalem. Facebook s'est ensuite expliqué en disant que le nom de la mosquée avait été associé par inadvertance à des groupes terroristes. La liste aujourd'hui rendue publique inclut effectivement plusieurs groupes dont le nom «al-Aqsa» est considéré comme dangereux.
On ne sait pas exactement comment la liste a été compilée. Selon The Intercept, environ 1000 entrées peuvent être retracées dans une ancienne liste anti-terroriste du gouvernement américain sous George W. Bush.
Facebook a gardé la liste secrète jusqu'à présent car une publication aurait permis organisations et aux personnes blacklistées de contourner le blocage. The Intercept justifie la publication de cette liste par une «préoccupation publique concernant la partialité de Facebook dans sa politique de modération». Avec cette publication, chacun peut désormais juger par lui-même si Facebook agit de manière appropriée.
Dans une interview, le géant bleu a répété qu'il ne voulait pas de «terroristes, de groupes haineux ou d'organisations criminelles» sur sa plateforme: «C'est pourquoi nous les interdisons et supprimons les contenus qui les louent, les représentent ou les soutiennent».
Article traduit et adapté de l'allemand par Hélène Krähenbühl. La version originale, ici.