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Festival de Cannes: le cunni a la cote

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Le cunni, cette nouvelle star du Festival de Cannes

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Image: Shutterstock
De nombreux films sélectionnés mettent en scène les plaisirs du sexe oral. Et ce, de manière aussi poétique que respectueuse.
17.07.2021, 16:57
Anaïs Bordages / slate
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Il va peut-être falloir leur créer leur propre palme: cette année à Cannes, les cunnilingus sont partout. Comme souvent, beaucoup de films sélectionnés lors de cette 74e édition du Festival semblent communiquer entre eux, se répondant de manière troublante. Parmi les thématiques récurrentes, on trouve les vaches (deux documentaires sur le sujet en sélection), les films musicaux, la fin de vie, ou encore une certaine rage envers la France de Macron. Mais la plus grande star de cette édition 2021, c'est sans doute le cunni.

Scène absurde et antisensuelle

Le festival a ouvert le bal en grande pompe dès la soirée d'ouverture, avec Annette de Leos Carax. Dans ce film musical aux thèmes très sombres, Adam Driver fait un cunnilingus à Marion Cotillard, et surgit brièvement d'entre ses jambes pour pousser la chanson (les paroles? «We love each other so much»). La scène est absurde et antisensuelle, comme pour signifier le destin funeste qui attend le couple.

Dans The Souvenir part II, de Joanna Hogg, on assiste à l'émancipation créative et sexuelle de l'héroïne Julie, après un traumatisme sentimental immense. La jeune femme finit au lit avec un jeune et séduisant acteur, qui n'est pas du tout rebuté lorsqu'elle lui annonce avoir ses règles. Après lui avoir picoré le bonbon, l'homme remonte à la surface et embrasse la jeune femme à pleine bouche, cette denière se retrouvant donc recouverte de ses propres menstruations.

Vidéo: YouTube/A24

Cunnilingus de rupture

Une autre Julie a droit à sa propre séquence de plaisir oral dans Julie (en 12 chapitres) de Joachim Trier, le réalisateur d'Oslo 31 Août. Cette fois-ci, il s'agit plutôt d'un cunnilingus de rupture, bref mais tout aussi joli. Et le parallèle avec The Souvenir part II ne s'arrête pas là, puisque dans ce film aussi, l'héroïne se tartine le visage façon «peinture de guerre» avec son sang de règles -pour sa défense, elle avait pris des champis.

Maria, bergère incarnée par Noomi Rapace, reçoit également une petite douceur orale dans Lamb, film de genre islandais sur un couple qui retrouve le bonheur en s'occupant d'un mouton... un peu spécial. On croise aussi des cunnis dans L'Histoire de ma femme avec Léa Seydoux, ou encore dans Olympiades, le nouveau film de Jacques Audiard.

Mais la plus longue scène de gamahuchage arrive avec Benedetta, nouvelle oeuvre grand-guignolesque de Paul Verhoeven, sur deux nonnes lesbiennes au XVIIe siècle. Dans une scène à la fois drôle et sensuelle, Daphné Patakia procure à Virginie Efira son premier orgasme en lui taillant la pelisse. Dommage que ce plaisir soit défendu: plus Benedetta pratique le lesbianisme, plus elle semble se rapprocher de Dieu.

Cunnis controversés

Apercevoir des cunnis dans les oeuvres présentées à Cannes n'a rien de nouveau, même s'il faut reconnaître que les caresses buccales sont particulièrement bien représentées cette année. Ce qui change, c'est aussi la manière dont celles-ci sont filmées et ce qu'elles cherchent à raconter.

Au fil des ans, le festival a connu son lot de gâteries iconiques et parfois controversées: outre Red Road, 9 Songs ou encore Shortbus, on pense plus récemment à Love de Gaspar Noé, et ses longues scènes de sexe planantes.

On se souvient aussi de la très longue scène non-simulée de cunni dans les toilettes d'une boîte de nuit, aperçue dans Mektoub My Love: Intermezzo d'Abdellatif Kechiche, présenté en 2019. D'une durée impressionnante de treize minutes et filmée de manière très crue, la scène frappe par sa violence et sa bestialité, avec un consentement très flou. Comme cette scène, le film dans son intégralité a été critiqué pour son voyeurisme et la chosification lourde des actrices.

Pire, les circonstances du tournage sont mises en cause: un témoin affirme dans Midi Libre que les acteurs et actrices auraient été fortement alcoolisés avant de tourner la scène. «[Abdellatif Kechiche] voulait absolument arriver à avoir une scène de sexe non simulée, ce à quoi les acteurs n'étaient pas disposés. Mais à force d'insister, au fil des heures et alors que de l'alcool était régulièrement consommé sur place, il a réussi à obtenir ce qu'il voulait.» Quant à l'agent de l'actrice Ophélie Bau, elle suggère que cette dernière a été mise très mal à l'aise par la scène, et n'a pas été autorisée à visionner la séquence avant la projection à Cannes. Le soir de la montée des marches, la jeune actrice avait quitté la projection avant la fin du film, et n'avait pas participé à la conférence de presse du lendemain.

Des scènes sensuelles et respectueuses

Si l'exemple d'Intermezzo reste extrême, les scènes de sexe provocatrices sont légion à Cannes. Historiquement, dans les films du festival, les scènes à caractère intime sont très fréquemment des scènes de viol ou de violence sexuelle, de Viridiana à Irréversible en passant par Le Knack... et comment l'avoir. La sélection de cette année n'a pas dérogé à la tradition, avec notamment deux viols d'un profond mauvais goût dans le film Oranges Sanguines, ou une tentative de viol dans Flag Day.

Même quand il s'agit de capturer le plaisir et le sexe consenti, un bon nombre de scènes de sexe restent filmées sous le prisme d'un male gaze ou d'un regard libidineux, qui place rapidement le spectateur dans une position malaisante ou lubrique. Si certaines cinéastes comme Céline Sciamma et Justine Triet ont montré que l'on pouvait filmer l'intimité (et les cunnis) différemment, voir de telles scènes observées sous un prisme féminin, ou véritablement queer, reste encore une chose rare à Cannes, a fortiori en compétition.

Il n'y pas qu'à Cannes qu'on se fait plaiz'

A la fois mystique et facétieux

Cette année, la relève est prête. Les scènes de cunni de 2021 ne sont ni violentes, ni dérangeantes; elles sont douces, inventives, poétiques et dénuées de voyeurisme malsain. Dans la plupart d'entre elles, la caméra reste à distance, instaurant un certain respect pour les personnages, et les acteurs et actrices. Dans The Souvenir part II, la cinéaste Joanna Hogg brise le tabou du sexe pendant les règles, et reste focalisée sur le visage de Julie en train de jouir plutôt que sur l'acte en lui-même.

Cette année, les scènes de cunni sont douces, inventives, poétiques et dénuées de voyeurisme malsain.

Dans Benedetta, le cunnilingus est à la fois mystique et facétieux, avec un regard neutre qui ne cherche pas à assouvir de plaisir voyeuriste, ni du côté du réalisateur, ni du côté du public. Dans Annette, le cunni en chanson est surtout là pour accentuer le ton camp et volontairement ridicule du film. Dans Lamb, il symbolise le retour à la vie d'une femme jusqu'alors emprisonnée par la tristesse. Et dans Julie (en 12 chapitres), il est discret mais empreint de mélancolie, venant marquer la fin d'une belle relation amoureuse.

Après une édition du festival de Cannes 2019 marquée par les scènes intimes révolutionnaires de Portrait de la jeune fille en feu ou Sybil, espérons que les cunnis de 2021 seront annonciateurs d'un regard neuf, et plus féminin, sur le sexe au cinéma.

Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

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