Des civils ukrainiens s'entraînent au maniement des armes, à Odessa, en juin.keystone
Depuis début juin, les attaques et les actes de sabotage contre les occupants russes se multiplient dans le sud de l'Ukraine. L'expert en stratégie Mauro Mantovani, de l'Académie militaire de l'EPFZ, explique les méthodes utilisées par les partisans ukrainiens pour affaiblir le moral des troupes russes.
Hans-Caspar Kellenberger / ch media
L'offensive russe en Ukraine, lancée fin février, n'a pas eu les résultats escomptés. Pour autant, une partie importante du sud et de l'est du pays sont aux mains des troupes de Poutine. En face, l'armée ukrainienne a lancé une contre-offensive pour reconquérir les territoires occupés, notamment dans le sud du pays.
Quelques petites localités de l'oblast (région) de Kherson auraient déjà été reconquises. L'objectif de l'armée ukrainienne est de repousser les troupes russes au-delà du fleuve Dnipro.
Etat de l'invasion russe en Ukraine au 2 août 2022 (en bleu: les contre-offensives ukrainiennes selon Kiev).institute for the study of war
Pendant ce temps, les forces russes tentent de renforcer leurs positions à Kherson et Zaporijia, où se trouve la plus grande centrale nucléaire d'Europe.
La vie sous occupation russe à Zaporijia:
Les troupes ukrainiennes et les «partisans» rendent la tâche très compliquée. Ces groupes de résistants mènent des actions de combat et de sabotage derrière la ligne de front dans les territoires occupés
«Les partisans sont souvent bien formés militairement»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
Les actes de sabotage se multiplient
Dans les villes occupées comme Berdiansk, Kherson ou Melitopol, les attentats et les actes de sabotage contre les soldats russes et les infrastructures militaires se multiplient depuis début juin, selon les informations du think tank américain «Institute for the Study of War» (ISW).
Des civils ukrainiens s'entraînent au maniement des armes.keystone
Selon l'ISW, il est probable que de petites équipes de spécialistes militaires forment des cellules de résistance dans le sud du pays. C'est également l'avis de Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire (ACAMIL) de l’ETPZ:
«Les partisans sont souvent des soldats de l'armée régulière qui ont été dispersés lors des combats ou ont fui pour éviter d'être capturés. Il peut s'agir aussi de vétérans. Dans les deux cas, ils sont bien entraînés sur le plan militaire.»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
L'expert en stratégie Mauro Mantovani est professeur à l'Académie militaire de l'EPFZ.dr
La multiplication des actes de sabotage au cours des deux derniers mois a-t-elle été prévue en anticipation de la contre-offensive ukrainienne? Selon Mauro Mantovani, les mouvements de résistance ont toujours plusieurs buts:
«Il s'agit de montrer aux alliés, ici l'Occident, que la volonté de combattre est toujours présente. La population des territoires occupés est encouragée à prendre les armes. Quant aux attaques contre les représentants du régime d'occupation, elles servent d'avertissement aux personnes au sein de la population locale qui seraient tentées de collaborer avec l'ennemi.»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
Et bien sûr, la résistance a pour but de s'en prendre directement à l'ennemi. Car un affaiblissement militaire de l'adversaire derrière les lignes de front augmente les chances de succès lors d'une contre-offensive avec des forces régulières.
«Les attaques visent à infliger des dommages physiques à l'armée russe en éliminant des bases militaires ou des nœuds logistiques»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
Les Russes ne sont pas en sécurité
Avec des actions de résistance et des attaques contre les soldats russes, la peur est implémentée au sein de l'armée d'occupation.
«Les partisans donnent le sentiment aux soldats russes de n'être en sécurité nulle part et leurs font comprendre qu'ils ne sont pas considérés comme des libérateurs par la population»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
Avantage psychologique
Suite aux attentats et aux actes de sabotage des partisans, l'armée russe doit réparer les dommages physiques et détacher des contingents de troupes pour assurer la sécurité des lignes d'approvisionnement derrière le front. «Ces deux éléments aggravent le manque de personnel dans l'armée russe», explique Mauro Mantonavi. L’aspect psychologique est aussi touché:
«Le moral de l'armée russe, déjà manifestement bas, est encore affaibli par les partisans»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
Les actions des partisans peuvent donner à l'Ukraine un avantage stratégique, tant sur le plan militaire que psychologique. C'est d'ailleurs sur ce dernier point que repose le terme choisi de «partisans»:
«Le terme fait allusion aux groupes de partisans qui ont combattu les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Le message a une double signification: les partisans soutenaient la lutte contre le fascisme et d'autre part il s'agissait d'une alliance russo-ukrainienne.»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
Un contre-message destiné aux soldats russes, biberonnés à la propagande poutinienne dans laquelle la Russie combat un gouvernement ukrainien fasciste.
La population soutient les partisans: le petit Valik Vladimorovitch joue au soldat.keystone
Répression croissante par les occupants russes
«Malheureusement, comme toutes les armées d’occupation de l’Histoire, les troupes russes réagiront par des représailles contre la population civile au fur et à mesure que l'activité des partisans s'intensifiera», analyse Maura Mantovani.
«Le nombre de partisans actifs dans les territoires occupés par la Russie ne devrait pas être surestimé»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
En effet, le chef des partisans ukrainiens Volodymyr Jemtchougov a récemment déclaré que plus de 250 personnes soupçonnées de faire partie de la résistance avaient été arrêtées dans l'oblast de Kherson.
Mauro Mantovani rappelle toutefois que si les unités de résistance peuvent participer à aider dans la défense de leur territoire, ce sont bien les forces armées classiques qui peuvent provoquer un tournant dans une guerre.
«Les unités de partisans ne connaissent généralement un recrutement plus important que lorsque la situation de guerre change en leur faveur»
Mauro Mantovani, professeur à l’Académie militaire de l’EPFZ
C'était par exemple le cas en Yougoslavie pendant la Seconde Guerre mondiale.
Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz
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