Cette année 2015 restera à jamais dans les esprits. La France a été marquée à deux reprises par une série d'attentats islamistes perpétrés au cœur de Paris.
Il y a eu l'attaque de Charlie Hebdo en janvier qui a fait 12 victimes. Puis dans la foulée, une policière et quatre clients d'un magasin casher. Quelques mois plus tard, le 13 novembre, une série d'attaques simultanées font 130 victimes.
La violence inouïe de ces attaques a fortement marqué les corps et les esprits. Quelques jours avant l'ouverture d'un procès hors norme, voici ma sélection très subjective de 7 chansons hommage.
On commence avec l'un de mes préférés de la liste. Je ne vous dirai pas qui sont les autres, histoire que je ne vous influence pas (trop) pour le vote final. Car oui, il faut bien un peu de Suisse romande dans tout ça: à défaut de chanteurs qui ont chanté les victimes du Bataclan, nous avons des votations.
Mais venons-en à Gauvain Sers, il en vaut la peine. Ce jeune chanteur est la réincarnation du Renaud des années 70, avec un je ne sais quoi de provincial en plus. Celui qui a dédié l'un de ses singles remarqués aux «oubliés» de la province est surtout ancré dans le contemporain, comme en témoignent ses titres Entre république et nation et Mon fils est parti au djihad, dont il est inutile de vous expliquer le sujet. Appréciez seulement.
Avec Gauvain Sers qui est arrivé en nouveau Renaud, celui-ci est devenu l'ancien Gauvain Sers. Il n'empêche, l'aventure Renaud n'est pas terminée et c'est bien la première chose qu'a prouvée l'artiste à la voix de plus en plus rocailleuse avec son album de 2016. Qui aurait cru qu'il embrasserait un jour un policier? Son attachement à la solidarité, lui, était déjà bien connu. Autant hyper casher qu'ultra-sincère.
Qu'ils reposent à Jérusalem
Sur la terre de leurs pères
Au soleil d'Israël
Je veux leur dédier ce poème
Leur dire qu'ils nous sont chers
Qu'on n'oubliera jamais
Et puis, dans la même génération, il y a Johnny, eh oui. Son dernier album publié de son vivant, De l'amour, se termine par la chanson Un dimanche de janvier. Une fois de plus, c'est le rassemblement de la nation en solidarité avec les victimes qui est au cœur de ce texte signé Jeanne Cherhal et mis en musique par Yodelice.
Là
Nous avions marché en silence
Au milieu de la foule immense
Et le vent à notre place
Chantait sans fin sur la place
Mais depuis dans nos villes
Et nos villages fatigués
Oh dis-le-moi, que nous reste-t-il
Du dimanche de janvier?
On entend comme un parfum de Cabrel dans les arpèges et les accents de cette ballade. Mais c'est son côté soft et solennel qui ressort de son interprétation par Johnny à l'occasion de l'hommage populaire aux victimes des attentats un an après les faits, place de la République:
On passe à un autre style avec Nekfeu, même si son rap a finalement une saveur assez pop. Ce sont les mots qui nous intéressent et, dans le cas présent, le Bataclan n'est pas au centre du propos. Le souvenir du pire arrive incognito et on comprend tout de suite:
Je n’ai que des cauchemars et la nuit je dors mal
Car mon pote est mort là comme si c’était normal
Mon pote est mort là sans même me dire «Au revoir»
Et, de son propre mot, un peu comme Johnny, il se fait «à l'idée». Tout en y posant son regard politique, qu'on pourra partager ou non. Là n'est pas l'important.
Vient le torturé et tendre Saez, et c'est du lourd, du très lourd.
Je suis la France puis nous sommes les enfants du libre
Ici ça fait longtemps qu'on brûle plus les livres
Des violences, enfants de nos sociétés malades
De nos arts pris sous les terreurs des fusillades
A Cabu, à Tignous, à Charb, à Wolinski
A tous les autres et puis aux fils de mon pays
A nos enfants, misère, qui savent même plus lire
Il est temps mon pays, oui, de redevenir
Sur fond d'un piano et d'un cuivre, la voix de Louane ne fait même plus penser à La Famille Bélier. Un exemple parfait de la difficulté à définir clairement la différence entre la variétoche et la grande chanson française. Restent ici le thème, grave, et le traitement, doux. Les mots, directs et efficaces. Racine et Trenet sont même cités quelque part.
A ceux qui se sont battus
Pour que Paris reste libre
Que Paris reste Paris
La tête haute
On garde les trois dernières lettres du nom précédent et on débouche sur Slimane, autre chanteur à succès dans la veine variété française du moment.
Alors on danse encore
Sur les mêmes musiques, les mêmes pas
On s'embrasse encore plus fort
Comme si c'était là la dernière fois
Aussi loin que tu pars
Ton sourire en écho
Ton sourire en écho
Reste là sur ma peau
Et ça fonctionne, ça prend, car décidément toutes les chansons écoutées pour cette liste, où il a fallu faire des choix, ont des choses à nous dire et des émotions à nous procurer. Non? En tout cas, je peine à imaginer meilleurs moyens que l'art et le verbe pour incarner la continuité et l'affirmation de la vie et des valeurs occidentales.