La radio télévision suisse alémanique (SRF) est souvent défendue par certains politiciens qui prônent la nécessité d’avoir un tel média en Suisse. Mais cette fois-ci, le soutien laisse place à la colère et au mécontentement, à des degrés différents.
En cause, la page 130 du rapport annuel que la société suisse de télévision (SSR) vient de publier. La rémunération de la direction est mentionnée: Les primes sont presque identiques à celles de l'année dernière.
Ce qui veut dire que le directeur de la SSR, Gilles Marchand, a gagné au total 533 000 francs, soit 1000 francs de moins qu'en 2019. Tandis que les sept autres membres de la direction ont reçu en moyenne 390 000. Vu que Nathalie Wappler, directrice de la SRF, est à la tête d'une grande unité, son salaire est plus élevé. Il se pourrait qu’elle ait reçu environ 450 000 en 2020, soit autant qu'un conseiller fédéral.
En 2020, pour 600 de ses quelque 6000 employés, la SSR a bénéficié des prestations de chômage partiel. Cette mesure a été controversée. L'association des employeurs, la fédération syndicale, l'association professionnelle, ainsi que le secrétariat d'État à l'économie (Seco) étaient d'avis que les entreprises proches de l'Etat ne devaient pas pouvoir demander le chômage partiel.
Contrairement aux entreprises privées, elles ne sont pas menacées de faillite en cas de crise grave. La SSR s’est vue octroyée 1,25 milliard de francs par an provenant du prélèvement budgétaire.
Les employés des entreprises publiques cotisent également à l'assurance chômage – c'est l’argument que donne la SSR. Leurs demandes de chômage partiel ont finalement été acceptées. Pourtant, la radiodiffusion publique a terminé l'année avec un déficit de 13 millions de francs.
La SSR a récemment fait les gros titres et pas uniquement pour leurs bonnes actions. Les nombreuses affaires de harcèlement sexuel au sein de la Radio télévision suisse (RTS) a fini par rattraper son ancien directeur général, Gilles Marchand. L'affaire n'est d'ailleurs pas encore terminée, un deuxième rapport en juin pourrait mettre en lumière d'autres comportements répréhensibles de la part de la direction des télévisions de Suisse romande.
Pendant ce temps, la télévision suisse essaie de s’en sortir comme elle peut avec la technologie de leurs nouveaux studios. SRF doit dépenser 400 000 francs par mois pour les réparations. Côté politique, cet embarras a conduit le président du Centre (ex-PDC), Gerhard Pfister, à qualifier la SRF de «foutoir».
La part de marché de la SSR a baissé l'an dernier à 30,7% (année précédente 31,5%), malgré le grand intérêt du public pour les reportages sur la crise de la pandémie. Au siège de la ville de Zürich, on parle des Jeux olympiques d'été et des championnats européens de football, qui ont tous deux été reportés et n'ont donc pas réussi à garantir la présence du public. A cause de la baisse des recettes publicitaires, la SSR prévoir de réduire ses coûts en supprimant près de 250 emplois.
L'année n'a donc pas été bonne, à part peut-être concernant le lancement de la plateforme de streaming Play Suisse. Comment se fait-il alors que les salaires du cadre SSR sont les mêmes qu'en 2019? La conseillère nationale socialiste Edith Graf-Litscher explique qu'en tant qu'entreprise de service public d'importance systémique, la SSR a une fonction de modèle. Il serait donc approprié que la direction de la SSR apporte sa contribution au programme d'économies en 2020 en renonçant à une composante salariale variable appropriée. Les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF), en tant que leader du système de transport ferroviaire, avaient donné l'exemple: les cadres supérieurs, y compris la direction générale, renonçaient à environ dix pour cent de leurs composantes salariales variables.
Le Syndicat suisse des mass media (SSM) est arrivé à la même conclusion que le conseiller national Graf-Litscher, mais critique plus fermement. Le secrétaire général Jérôme Hayoz estime qu'une renonciation à une partie des composantes variables du salaire – comme cela a été fait aux CFF – aurait été la moindre des choses pour la direction de la SSR. «Le statu quo est le témoignage d'une équipe de direction qui n'a toujours pas compris l'ampleur des défis et des crises actuels. Le fait que les bonus continuent d'être versés de manière si généreuse est également un gros coup à encaisser pour tous ceux qui ont été licenciés ces dernières années ou qui subissent une pression accrue au travail en raison des suppressions d'emplois», déclare Hayoz.
Les employés, eux aussi, déclarent avoir reçu une prime de 200 francs Le conseiller national UDC Gregor Rutz qualifie que les salaires versés sont «totalement excessifs». Tout d'abord, la SSR n'est pas en concurrence avec le secteur privé, elle dispose de revenus sûrs et ne supporte pratiquement aucun risque d’entreprise. Deuxièmement, il est incompréhensible que, durant une année de crise, les membres de la direction reçoivent des primes d'un montant identique à celui de l'année précédente. Troisièmement, les paiements de primes devraient généralement être reconsidérés dans une entreprise publique ayant un mandat de service de base.
Contrairement à Gregor Rutz, Martin Candinas, conseiller national (Le Centre), n’a pas l’habitude de critiquer la SSR et en vue des derniers évènements il ajoute:
Toutefois, intervenir n'est certainement pas une affaire politique, mais celle du Conseil d'administration de la SSR, estime Candinas.
Le porte-parole de la SSR, Edi Estermann, souligne que la composante variable du salaire est liée à des objectifs individuels et non à des chiffres clés de l'entreprise tels que le bénéfice, les quotas ou autres. Il a déclaré que les résultats annuels 2020 de la SSR avaient été affectés par les coûts de restructuration nécessaires:
Estermann note que la crise du Covid a entraîné des charges extraordinaires pour de nombreux employés et cadres de la SSR en 2020. Les collaborateurs ont reçu une prime de 200 francs par personne à la fin de l'année 2020, en signe de reconnaissance pour leur haut niveau d'engagement. «Une réduction simultanée de la composante variable du salaire des cadres enverrait un mauvais signal».
Texte traduit de l'allemand par Sejla Besic, l'article original ici.