«Bonjour, docteur, je souhaiterais savoir comment va votre équipe en cette fin d'année?». Loin d'imaginer des soignants lancer des cotillons ou danser gaiement durant le réveillon, watson leur a demandé comment ils vivaient cette fin d'année et s'ils pouvaient s'accorder une pause entre Noël et Nouvel An.
C'est en ces termes prudents que débute notre conversation avec Jérôme Pugin, chef des soins intensifs des HUG. Lundi 20 décembre, son service qui a une capacité habituel de 30 lits comptait 19 patients positifs au Covid et 17 négatifs, soit 6 lits de plus que la normale.
Même constat du côté des hôpitaux du Nord vaudois qui précisent que des transferts de malades du Covid ont déjà été effectués vers d'autres hôpitaux depuis le début du mois de décembre. Ainsi la coordination romande des soins intensifs a dû être réactivée depuis plusieurs semaines selon l'hôpital d'Yverdon. C'est donc une fin d'année extrêmement tendue et chargée que vivent les soignants.
Heures supplémentaires, fatigue, impression de ne pas voir le bout du tunnel, le personnel tient tant bien que mal. Ainsi pour Julien Ombelli, médecin-chef des urgences à l'hôpital d'Yverdon-les-Bains, le terme de lassitude n'est pas assez fort pour exprimer l'état d'épuisement en cette fin d'année.
Car les absences sont récurrentes lorsque l'on travaille dans un rythme aussi soutenu ponctué d'incertitudes sur les effectifs. Un membre du personnel soignant qui souhaite rester anonyme confirme:
Le problème n'est toutefois pas nouveau, mais il a été accentué par la crise Covid. Selon le soignant du CHUV, les burnout sont nombreux et les maladies ponctuelles aussi. La fatigue et l'angoisse de ne pas «pouvoir tenir jusqu'à la fin de la journée» s'accumulent, créant un stress constant. Un problème relativement connu par le centre hospitalier vaudois, mais qui semble insoluble encore aujourd'hui.
À entendre les soignants, cette fin d'année 2021 ressemble cruellement à l'année passée, une différence notable doit cependant être relevée: le maintien des congés de Noël et Nouvel An. Une pause bienvenue dans cette période mouvementée. Alors que du côté des HUG les congés à Noël ou Nouvel an ont pu être maintenus grâce notamment à un renfort de personnel. L'hôpital Riviera Chablais, lui, fait preuve de pragmatisme.
Des infirmières et médecins en congé pour éviter un épuisement physique et psychique, les établissements hospitaliers semblent avoir appris de l'expérience de 2020. Saluant le maintien des congés et autres vacances, notre soignant du CHUV souligne toutefois avoir reçu une demande de disponibilités (sur la base du volontariat) de la part de sa hiérarchie.
Mais qu'est-ce qui a fondamentalement changé cette année dans le quotidien du personnel hospitalier ? Julien Ombiel, chef des urgences de l'hôpital d'Yverdon répond sans hésitation.
Les soignants doivent aussi affronter certaines «aigreurs» envers les personnes non vaccinées qui sont hospitalisées aux soins intensifs. Selon Jérôme Pugin, ces ressentiments sont rares, mais avec le stress, il arrive qu'ils ressortent dans les conversations.
Pour Julien Ombelli, médecin-chef des urgences à Yverdon, le personnel soignant n'a pas de ressentiment envers les personnes non-vaccinées.
Et d'ajouter que les infirmiers et médecins sont régulièrement pris à partie par les patients et leur entourage.
Le soignant que nous avons contacté au CHUV abonde et confirme que ses collègues essaient de ne pas être dans le jugement. «Quand on est fatigué, certaines paroles peuvent sortir, mais on fait attention, car il faut aussi dire que certains de nos collègues ne sont pas vaccinés. Je rappelle que la vaccination n'est pas obligatoire et je ne vais pas leur mettre la pression à ce sujet. On a tous à coeur de bien faire notre métier et c'est ce qui compte au final».