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Suisse: J'ai passé une nuit en prison et j'ai appris 5 choses

Die Baustelle des Zuercher Polizei- und Justizzentrums PJZ, fotografiert am 9. Juni 2021 in Zuerich. (KEYSTONE/Gaetan Bally)
Juin 2021: la Gefängnis Zürich West est construite dans le sillage du nouveau centre de police et de justice, à proximité du Hardbrücke.image: KEYSTONE

J'ai passé une nuit en prison en Suisse et j'ai appris 5 choses

La nouvelle prison de l’ouest de Zurich a testé son fonctionnement. Environ 170 volontaires se sont laissés enfermer. J'y ai passé une nuit, et voilà ce qui m’a particulièrement frappée.
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03.04.2022, 08:03
Vanessa Hann
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Plus de 800 volontaires se sont inscrits pour se faire enfermer dans la Gefängnis Zürich West (GZW). Le test a eu lieu du 24 au 27 mars, dans des conditions aussi proches que possible de la réalité. La nouvelle prison doit ouvrir le 4 avril.

Environ 170 personnes ont été sélectionnées pour être «prisonnières» pendant un ou plusieurs jours. J’ai été l’une d’elles. Je me suis inscrite pour deux jours, je ne savais pas combien de temps j'allais effectivement passer en prison. Le vendredi midi, à 12 heures précises, je me suis rendue. Voici ce qui m’a le plus frappée pendant mon séjour.

Tu es immédiatement isolé

«Vous ne resterez pas plus d'une demi-heure ici», m'a expliqué la surveillante après m'avoir retiré mon sac à dos, mon téléphone portable, mes bijoux et tout ce que j'avais sur moi. Puis elle a fermé la porte de la cellule d'attente. C'est la première étape du processus d'admission.

Seule et n'ayant plus que mes vêtements sur moi, j'étais assise là. La pièce était étroite, environ quatre mètres carrés et demi. Une sorte de banquette et une table en béton dépassaient du mur.

Du haut plafond, une lumière froide et crue éclairait la cellule peinte en blanc. Il n'y avait rien pour m'occuper visuellement: pas d'images, pas de cartes de paysage, pas même une lettre d'information. Je n'avais pas non plus eu le droit d'emporter un livre.

Au début, j'ai trouvé cet espace sans téléphone portable et sans distractions très agréable. Mais j'ai vite eu l'impression d'être brutalement et complètement coupée du monde extérieur. Aucune horloge ni fenêtre ne m'indiquait combien de temps s'était écoulé depuis mon arrivée.

A un moment donné, j'ai entendu qu'on amenait un homme dans la cellule voisine. Un peu plus tard, les surveillants sont venus le chercher. Je suis devenue nerveuse. Pourquoi venaient-ils le chercher avant moi? M'avaient-ils oubliée? Puis la lumière s'est éteinte, ce qui m'a rendue encore plus nerveuse. J'ai appuyé sur le bouton rouge du système d'alarme.

«Allô?»

«Hello, j'ai l'impression d'être ici depuis bien plus de 30 minutes. Est-ce que ça va durer encore longtemps?»

«Je vais envoyer quelqu'un.»

Le petit volet blanc de la lourde porte s'est ouvert et deux yeux m'ont regardée. «Comment vous appelez-vous?» J’ai dit mon nom. «Eh bien», répondit l'homme, «nous ne vous trouvons pas dans le système. Je reviens tout de suite.»

Je n'ai aucune idée du temps que j'ai passé dans cette cellule d'attente. Cela m'a paru désagréablement long.

Puis, la porte s'est ouverte et un surveillant a dit avec une gentillesse extraordinaire: «Voilà, nous allons maintenant passer à la fouille corporelle.»

Tu reçois un préservatif, mais pas de tampons

«J'enlève tout?», ai-je demandé à la surveillante.

«Seulement si vous voulez.»

Si j'avais été une vraie détenue, je n'aurais pas eu le choix lors de la fouille au corps. J'ai gardé mes sous-vêtements et j'ai suivi les instructions de la surveillante: secouer les cheveux, ouvrir la bouche, tendre les bras, lever les mains, écarter les doigts, me retourner et, pour finir, m'accroupir profondément. J'étais contente de ne pas devoir être complètement nue. «Pour nous aussi, cette partie est désagréable», a dit la surveillante.

Elle m'a donné un pull gris, un training et des chaussettes noires, ainsi que des Crocs vert pétant.

J'ai appris plus tard par les autres pseudo-détenues qu'elles devaient porter des dessous masculins. Elles n'avaient pas le droit de garder leurs propres sous-vêtements, et comme il n'y en avait pas pour les femmes, elles ont reçu des boxers.

En arrivant dans ma cellule, j’ai compris que la prison était plutôt conçue pour les hommes. On m'a mis des draps, une serviette et une boîte en plastique dans les mains. Celle-ci contenait des couverts, deux gobelets en plastique, une brosse à dents, du dentifrice, un savon de Marseille et, à mon grand étonnement, un préservatif. «Est-ce qu'on va en avoir besoin?», ai-je demandé, légèrement amusée. «Ils sont pour les hommes», a expliqué le surveillant d’un air naturel. Des fois qu'ils se rapprocheraient pendant la douche.

Pourquoi n'y avait-il pas de tampons dans la boîte? Le surveillant a haussé les épaules: «Directives d'en haut.»

J'en aurais pourtant eu l'utilité. J'ai eu mes règles pendant mon séjour en prison et lorsque j'ai demandé un analgésique et des tampons, la surveillante a eu l'air un peu perdue. Ils n'avaient que ça, m'a-t-elle dit d’un air désolé, en me tendant trois serviettes hygiéniques et quelques sachets de thé noir.

Note de la rédaction: selon la direction de la justice zurichoise, les femmes détenues reçoivent des articles menstruels sur demande.

Les divertissements sont restreints

Je partageais ma chambre avec une tatoueuse du nom de Monique. Elle avait quelques années de plus que moi et m'appelait affectueusement sa «camarade de cellule».

Elle dessinait bien, et quand j'ai vu son croquis de notre chambre, j'ai demandé par habitude si je pouvais prendre une photo de son dessin. «Tu peux, mais avec quoi?», a répondu Monique, un sourire aux lèvres. Mon inconscient n'avait pas encore intégré que je ne pouvais pas simplement sortir mon téléphone portable.

Voilà à peu près à quoi ressemblait notre cellule. Monique a photographié le dessin après sa sortie.
Voilà à peu près à quoi ressemblait notre cellule. Monique a photographié le dessin après sa sortie.dessin: monique

Nous devions rester à l'intérieur de la cellule. Pour nous occuper, nous pouvions emprunter des livres à une sorte de chariot-kiosque qui proposait aussi des boissons, des snacks salés et sucrés et des cigarettes dans des récipients en plastique. Mais il fallait choisir: fumer ou grignoter, on ne pouvait pas avoir les deux.

Habituellement, les détenus reçoivent sept francs par jour avec lesquels ils peuvent s'acheter ces choses. Sur cette somme, un franc part déjà pour la télévision qui se trouve dans la cellule.

Il n'y avait cependant pas de chaînes suisses comme SRF ou TeleZüri. C'est intentionnel, explique le surveillant. Les détenus ne sont pas censés voir comment leurs méfaits sont rapportés à la télévision. C'est pourquoi ils n'ont pas accès aux reportages locaux ou nationaux.

La fenêtre de notre cellule donnait sur une mini-cour intérieure. De là, on voyait les autres chambres et une petite pelouse avec des plantes.

C'est une de ces courettes que l'on voyait depuis notre cellule. A part un petit oiseau, rien n’y bougeait.
C'est une de ces courettes que l'on voyait depuis notre cellule. A part un petit oiseau, rien n’y bougeait.image: watson/keystone

Quand soudain un oiseau s'est envolé dans la cour, ma camarade de cellule a sauté à la fenêtre avec enthousiasme. «Regarde, une bergeronnette des ruisseaux!» Apparemment, Monique était une ornithologue amatrice. Nous avons observé le petit animal jusqu'à ce qu'un surveillant entre dans la cellule et déclare: «Vous pouvez vous préparer pour aller dans la cour.»

La cour de promenade, c'est génial

Une heure par jour, les détenus de la GZW peuvent prendre l'air. C'est ce qui est prévu dans le programme quotidien. Les femmes et les hommes y vont séparément.

La cour se trouve en hauteur sur le bâtiment: on peut voir la gare de Hardbrücke ainsi que le club Hive en contrebas à travers les fentes étroites et vitrées des murs et, au loin, le Zürichberg. Le sol est en caoutchouc vulcanisé vert, le même matériau que les terrains de basket en plein air. Il y a des bancs, des cendriers et deux tables de ping-pong. Un surveillant nous a apporté des raquettes et des balles.

Pouvoir faire de l'exercice en plein air et discuter avec plus d'une personne, c'était génial. Nous avons bavardé, nous nous sommes promenées, nous avons joué à la ronde et nous avons profité des rayons de soleil qui filtraient à travers le grillage tendu au-dessus de nos têtes.

Loin des clichés

Bien que certaines choses soient à améliorer, j'ai été agréablement surprise. D'une part, je m'attendais à m'ennuyer beaucoup plus en prison. Cela n'a pas été le cas, mais c’était probablement lié à l'excitation, qui disparaîtrait passés les premiers jours de détention.

D'autre part, la GZW n'a rien à voir avec les images que l'on a d'autres pays ou d'établissements plus anciens. Elle est moderne, des vitres en plexiglas remplacent les barreaux et la ventilation assure un air agréable, bien qu'il soit permis de fumer dans les cellules.

Les surveillants et surveillantes ont été remarquables: emphatiques et aimables, ils acceptaient les commentaires. Espérons qu'ils conservent cette attitude lorsque les choses sérieuses commenceront, le 4 avril.

Evidemment, tout cela n'est que la perspective privilégiée de quelqu'un qui sait que son séjour en prison ne va pas durer.

Ce n'est pas non plus là qu’atterrissent les gros bonnets, a expliqué une surveillante. A la GZW sont détenues les personnes qui sont arrêtées provisoirement ou placées en détention préventive.

Seule la «bouffe de prison» a été à la hauteur de sa réputation. Le risotto de midi était fade et avait l'air d'avoir été mangé deux fois (dixit Monique). Les spaghettis à la sauce gorgonzola du souper partaient sans doute d’une bonne intention, mais le fromage moisi est l'un des aliments les plus polarisants qui soient: soit on aime, soit on déteste. Une bonne vielle sauce tomate ou pesto correspondrait davantage au goût du plus grand nombre.

Ma sortie le samedi matin s'est déroulée rapidement et sans complications. Au total, j'ai passé environ 21 heures en prison, dont une nuit réparatrice sur un lit un peu dur. Lorsque je suis sortie, j'ai apprécié deux choses en particulier: l'air frais et le fait que la batterie de mon téléphone portable soit vide.

Note de la rédaction: selon la direction de la justice zurichoise, il n'est permis de fumer que dans certaines cellules.

Test de fonctionnement de la Gefängnis Zürich West
Avant de mettre en service sa nouvelle prison le 4 avril 2022, le canton de Zurich a voulu la tester avec des volontaires. L'objectif était que l'exploitation de la prison dans le nouveau bâtiment puisse être simulée au plus près de la réalité. Les processus ont ainsi pu être adaptés avant que les choses ne deviennent sérieuses.

Les volontaires pouvaient interrompre le test à tout moment. De plus, ils n'étaient pas obligés de se soumettre à certaines procédures, comme la fouille corporelle.

Traduit de l'allemand par Tanja Maeder

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