Donald Trump a raison. Si, si. Lorsqu’il a affirmé dimanche être «attristé de voir Elon Musk dérailler complètement et se transformer en véritable catastrophe», les différents conseils d’administration et employés de ses entreprises ont dû penser la même chose. Alors qu’ils le priaient de redescendre de sa petite parenthèse enchantée au sommet du pouvoir, l’homme le plus riche du monde semble leur avoir dressé un majestueux doigt d’honneur avant de s’engouffrer davantage dans le marécage politique américain qu’il maîtrise mal.
En créant son propre parti ce week-end, pour entériner son désaccord avec son ancien meilleur ami et hurler que Donald Trump «ruine notre pays par le gaspillage et la corruption», il part sans doute du principe que les déçus seront suffisamment nombreux pour le suivre dans ce qu’il considère comme «la liberté».
Si quelques-uns sont sans doute séduits par la testostérone financière qui lui sert à la fois d’arsenal, de gilet pare-balles et de susucre, il manquera à Elon Musk ce qui fait la solidité et le succès de Trump depuis 2015: l’art de la démagogie. Le «Parti de l’Amérique», baptisé ainsi comme si la totalité de la population américaine attendait le patron de Tesla depuis des siècles pour se sentir enfin représentée, va devoir cravacher sec pour se faire une place dans le cœur des real Americans du Midwest (pour ne citer qu’eux).
Non pas que Donald Trump soit particulièrement proche des classes sociales les moins favorisées, mais il a toujours su leur faire miroiter une connexion, pourtant inexistante. Le milliardaire de Mar-a-Lago est sans doute le politicien moderne le plus adroit lorsqu’il s’agit de manier la démagogie. Et, ce, sans jamais sortir involontairement de son rôle fantasmé d’opium d’un peuple qui ne se fait plus tant d’illusions.
A l’inverse, Elon Musk a d’abord révélé sa profonde instabilité psychologique, en faisant irruption dans les jupes du président. La politique n’évoluant pas sous les mêmes règles que le business, ses échecs et réguliers coups de sang se sont inscrits sur les courbes boursières de ses différentes sociétés et la cote de popularité de ses joujoux électriques.
Il a beau jurer, aujourd’hui, «qu’une force extrêmement concentrée à un endroit précis du champ de bataille» a de sérieuses chances de «briser le système unipartite», ses délires de «liberté» (économique) devraient se contenter de séduire quelques nababs de la Silicon Valley et une poignée d’opportunistes qui estimeront n’avoir pas eu droit au traitement qu’ils méritaient avec Donald Trump.
Si Elon Musk a déjà réussi à lancer des fusées dans l’espace et populariser des voitures électriques à travers le monde, le chemin pour fonder un nouveau parti est semé d’embûches, particulièrement aux Etats-Unis, où le bipartisme est ancré dans le cerveau électoral des Américains. Et le patron de SpaceX n’est pas le premier milliardaire à penser qu’il peut bouleverser la politique en sortant le carnet de chèques. Les obstacles institutionnels vont se dresser face à lui, bien avant qu’il puisse prendre concrètement le pouls des Américains sur un tel projet.
Enfin, si ses idées sont parfois bien accueillies, Elon Musk n’est pas l’être humain le plus populaire de pays. Et, de loin pas. Une étude réalisée le mois dernier révèle que «seulement 30% des électeurs ont une opinion favorable du milliardaire de la tech, tandis que 57% en ont une opinion défavorable», rappelait notamment The Independant.
Elon Musk, fantasque personnage digne des méchants de la franchise Marvel, est beaucoup plus franc et direct que Donald Trump. Aujourd’hui, pas grand monde ne semble prêt à avaler l’idée que l’homme le plus riche du monde en a quelque chose à ficher du peuple américain. En revanche, même s'il est sans doute trop tard pour prendre des cours du soir de démagogie électorale, le magnat aura suffisamment de pouvoir et d'argent pour mettre quelques bâtons dans les roues du président et brandit déjà ses premières menaces en vue des Midterms, l’année prochaine.