C'est ce qui s'appelle faire une apparition remarquée. Manuel Valls, ex-premier ministre français, s'est particulièrement bien positionné dimanche soir, lors du discours de réélection d'Emmanuel Macron. Au premier rang, glissé, sans une once de discrétion, entre les alliés de la première heure: Jean Castex, François Bayrou, François Patriat... Ben ouais quoi, quand il y a de la gêne, y'a pas de plaisir.
Plusieurs observateurs n'ont pas manqué de s'étonner de cette présence inattendue.
«On ne savait pas qu’il serait là», a affirmé l’entourage du président réélu à Libération. La soirée sur le Champ-de-Mars, «c’était du placement libre» confirme quelqu'un d'autre. En d'autres termes: Manuel Valls s'est tapé l'incruste au premier rang du camp Macron, et sa présence n'y était pas désirée outre mesure.
Ce n'est de loin pas la première fois que Manuel Valls fait figure de persona non grata sur la scène politique française. En 2017 déjà, aux yeux d'une partie des socialistes et de l'aile gauche, Valls n'est rien de plus que «l'homme à abattre», «l'ennemi public numéro 1», ou encore celui qu'on «adore détester», selon Le Point. Aïe.
L’ancien bras droit de François Hollande s’en est souvent pris plein la figure. Et ce, dès son accession à Matignon, en avril 2014. On déniche ses principaux détracteurs au sein même de son parti. Toutes tendances confondues, Manuel Valls incarne le bouc émissaire tout désigné de la gauche. «Le symbole de l'acharnement du parti socialiste à s'autodétruire», assène carrément Les Echos.
Parmi les principaux chefs d'inculpation: il aurait durci et «droitisé» le quinquennat Hollande, précipité son président au cimetière des éléphants politiques... et, cerise sur le gâteau, conduit à l’avènement d'Emmanuel Macron.
Parmi ses anciens collaborateurs, on ne mâche pas ses mots: «Je me suis toujours méfié de lui. J’ai toujours pensé qu’il était surcoté, personnel», confie au Monde Pierre Moscovici, ancien ministre de François Hollande.
Même le très mesuré Jean-Marc Ayrault, prédécesseur de Valls à Matignon, confirme: «Beaucoup de gens en veulent à Manuel Valls».
L'intéressé se voit mourir politiquement en 2017, après son échec à la primaire socialiste de l'élection présidentielle. Il manque son engagement à soutenir le vainqueur, Benoît Hamon, et préfère faire les yeux doux à Emmanuel Macron. Candidat qu'il n'a pourtant pas hésité à qualifier de «méchant» et avec lequel il se reconnaît une franche «rivalité». Qu'à cela ne tienne: fort de ce soutien revendiqué, il est élu député LREM en 2017... mais ne sera jamais nommé à un poste à responsabilités au sein du parti.
Manuel Valls sur les plateaux télé ce soir, alors qu’il n’a plus de mandat et que malgré tous ses efforts il n’a obtenu aucun poste de la part de Macron ces dernières années: ce sont les médias qui continuent à lui donner une importance que les électeurs lui refusent. Pourquoi?
— Aymeric Caron (@CaronAymericoff) April 24, 2022
Le naufrage politique est engagé. Lentement mais sûrement, Valls prend l'eau: «J’avais mal au dos, l’hostilité des gens sur les réseaux sociaux ou dans la rue me déstabilisait. Je ressentais une forme inédite de fragilité», confie-t-il. En 2018, il donne finalement sa démission pour effectuer un retour aux sources radical: il s'exile loin de Paris, dans son Espagne natale.
De retour à Barcelone, Manuel Valls entame une seconde vie politique et devient conseiller municipal. L'ambitieux se lance à la conquête de la mairie. D'après Jean-Marc Ayrault, nombreux sont ceux qui, à Paris, lui souhaitent «de mordre la poussière».
Aux yeux de beaucoup, en effet, Manuel Valls ne vaut guère plus qu'un «traître». Un (ex)-premier ministre dont les ambitions politiques en Espagne, après avoir tourné le dos à la France qui l'a naturalisé et lui a offert de hautes responsabilités, ont choqué.
Quoi qu'il en soit, les vœux d'insuccès de quelques Parisiens rancuniers sont exaucés: en mai 2018, Manuel Valls est largement battu, éliminé dès le premier tour de la course à la mairie de la capitale catalane.
Trois ans après cet échec, en mai 2021, Manuel Valls quitte ses fonctions de conseiller municipal de Barcelone et revient de son exil catalan. «Je ne veux plus vivre entre Barcelone et Paris, je suis inquiet de la situation en France», assure-t-il dans le quotidien espagnol La Vanguardia.
Il amorce dès lors son «grand» retour dans l'arène politique française, à coups de grandes promesses et de confessions intimes, dans un livre autobiographique, «Pas une goutte de sang français». «Aujourd'hui, il me semble que les Français sont plus nombreux à m'écouter», spécule-t-il dans ses pages. L'ancien premier ministre a une conviction:
En mars 2022, Manuel Valls clame pour la seconde fois son soutien au président sortant. Avec, en fond, l'ambition d'obtenir un poste au sein du gouvernement? En tout cas, l'ex-ministre n'a cessé de multiplier les appels du pied ces derniers mois... sans se voir proposer une fonction au sein du gouvernement.
«J’ai l’ardent désir d’être utile», conclut Manuel Valls dans son livre. Message reçu cinq sur cinq dimanche. Une chose est sûre: s'il n'est pas certain de devenir la prochaine étoile du gouvernement Macron, Valls a déjà relevé un défi: faire rire les réseaux sociaux.