Il lui en faudrait 500. Pour l’heure, il n’en a que 330. «Très exactement 336», précise Denis Cieslik, membre de l’équipe de campagne d’Eric Zemmour, joint lundi par watson. «Et encore, ces 336 ne sont que des promesses», ajoute le jeune homme, chargé de la récolte des parrainages pour son candidat, chef du parti Reconquête.
Particularité de l’élection présidentielle française, pour pouvoir se présenter au scrutin, chaque candidat doit avoir reçu les parrainages, autrement dit le soutien, d’au moins 500 élus. Avec 42 000 élus – aux trois-quarts des maires – pouvant accorder ce sésame tant convoité, on pourrait croire à une formalité.
Eh bien non. Du moins pas pour tous les prétendants à la fonction de président de la République. L’affaire est d’autant plus compliquée, et d’autant plus sensible, que, depuis la présidentielle de 2017, les parrainages sont publics, alors qu’auparavant, ils pouvaient être anonymes.
Quel maire veut s’afficher comme soutien d'Eric Zemmour, un candidat d’extrême droite? «Il risque des représailles, de voir ses subventions sucrées», considère Denis Cieslik. «Si les maires pouvaient donner leur parrainage sans avoir à se faire connaître, Eric Zemmour en aurait 3000», assure-t-il.
Et lui, le préposé à cette inlassable quête, de prévenir:
Une première? Pas tout à fait. En 1981, Jean-Marie Le Pen, l'ancien leader du Front national, le précédent nom du Rassemblement national présidé par sa fille Marine, n’avait pas obtenu les 500 signatures qui lui auraient permis de concourir cette année-là au scrutin majeur de la vie politique française.
A compter du 30 janvier et jusqu’au 4 mars, les candidats devront transformer les promesses en parrainages réels. On estime qu’il faut environ 700 promesses pour en obtenir 500 de sûrs à l’arrivée. Eric Zemmour n'est pas certain de les avoir. Marine Le Pen n’y est pas encore, pas plus que Jean-Luc Mélenchon: le candidat des «insoumis» annonce avoir engrangé 400 promesses à ce jour. On ne peut exclure une part d’intox dans les chiffres communiqués. C’est en tout cas un moyen de faire pression sur l’appareil démocratique au sens large du terme.
Inquiet, dénonçant sur la chaîne C8 un «déni de démocratie», Eric Zemmour a lancé jeudi un appel au président de l'Association des maires de France (AMF), David Lisnard, le maire Les Républicains (droite) de Cannes, lui demandant de réunir un pool de maires qui accorderait le nombre de parrainages voulu aux candidats crédités de «5 à 8%» d’intentions de vote dans les sondages.
David Lisnard a répondu le même jour qu’il était malvenu de changer les règles en vigueur à l’approche de l’élection et que, de toutes les façons, cette compétence incombait à l’Etat. Mais le président de l’AMF n’écarte aucune piste pour l’avenir, le retour à l’anonymat des parrainages, par exemple.
Il peut en effet paraître étrange que des candidats forts de 15% d’intentions de vote puissent être écartés du combat final, faute de parrainages suffisants. «Ce n’est pas normal. Anne Hidalgo, la candidate du Parti socialiste, peut compter sur le soutien de 2000 élus, alors qu’elle ne fait que 2% (réd: entre 3 et 4%) dans les sondages», s’insurge le Zemmour boy Denis Cieslik.
Vice-président du Conseil départemental de l'Essonne (région parisienne), Alexandre Touzet, du parti Les Républicains, joint par watson, estime qu'il est «impératif de changer l'actuel règlement des parrainages». Pour la prochaine fois, dans cinq ans, il prône l'instauration d'«un système mixte fait de parrainages anonymes d'élus et de soutiens de citoyens».
Maire de Saint-Yon, une petite commune de 1000 habitants, Alexandre Touzet parrainera Valérie Pécresse à la présente élection présidentielle. «Non pas en tant que maire, mais comme vice-président du Conseil départemental de l'Essonne, précise-t-il. Mon conseil communal étant très pluriel sur un plan partisan, je ne souhaite pas l'engager par un tel acte.»
Même précaution du côté d'Andilly. Le maire de ce village haut-savoyard de 800 habitants, Vincent Humbert, qui exerce la profession de coiffeur à domicile, ne veut d’«histoires» ni avec ses administrés, ni avec son conseil municipal:
Les parrainages, c’est aussi la place laissée à la «combinazione». Ce à quoi Vincent Humbert entend justement échapper. «Vous savez, dit-il, Emmanuel Macron peut avoir intérêt à ce qu’un candidat comme Eric Zemmour ait ses parrainages.» Autrement dit, à faire monter l’extrême droite pour gêner la droite. «Comme l’a fait en son temps François Mitterrand avec Jean-Marie Le Pen», reprend le maire d’Andilly, qui connaît ses classiques.