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Peur du black-out: faut-il parer les Alpes d'énormes panneaux solaires?

Panneaux solaires dans les Alpes
Image: Shutterstock

Peur du black-out: faut-il parer les Alpes d'énormes panneaux solaires?

Avec la guerre en Ukraine, les craintes d'un black-out énergétique cet hiver se renforcent et les discussions se multiplient sur la nécessité de développer les énergies renouvelables en Suisse. Au niveau politique, le Conseil des Etats réfléchit à l'installation de grands parcs photovoltaïques dans les montagnes. Eclairage en 5 points.
27.06.2022, 06:2027.06.2022, 18:10
Jonas Follonier
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Pourquoi le dossier du solaire est-il brûlant?

Le risque d'un black-out électrique cet hiver se fait de plus en plus sérieux. Christoph Brand, le chef du plus grand groupe énergétique suisse Axpo, a enfoncé le clou ce jeudi 23 juin sur Blick TV: soulignant que la Russie a réduit de 60% ses livraisons de gaz à l’Europe depuis une semaine et que la moitié du parc nucléaire français est actuellement hors service, il dit ne pas exclure une pénurie d'électricité en hiver prochain et une politique de rationnement à l'avenir.

Sauf, dit-il, si la Suisse développe drastiquement ses énergies renouvelables, comme sa stratégie de transition énergétique le prévoit, avec l'objectif de la neutralité carbone à la moitié du siècle. Or, la Fondation suisse de l’énergie (SES) a récemment publié un comparatif 2021 montrant que la Suisse est dépassée par 22 pays européens en matière de production d’électricité solaire et éolienne par habitant.

Pour ce qui est de l'énergie éolienne, elle se trouve à peu près au point mort aujourd'hui, du fait du nombre d'oppositions aux projets. Mais si l'on zoome sur la puissance électrique solaire ces quinze dernières années, elle augmente significativement, comme le pointe un article de 24 heures. Avec un bémol toutefois, qui pose bien le décor:

«La production par habitant a été multipliée par plus de 30 depuis 2010 et atteint aujourd’hui 356 kilowattheures par an. Dans le classement qui prend en compte l’énergie solaire seulement, la Suisse se situe ainsi à la dixième place. C’est un peu mieux que dans les premières années de l’évaluation, mais moins bien qu’entre 2017 et 2020»
24 heures

Quels sont les projets politiques en cours?

Comment remédier à cette situation? Plusieurs démarches politiques sont en cours à Berne pour développer l'énergie captée par le soleil. Le jeudi 2 juin, le Conseil national s'est prononcé pour une accélération de l'installation de panneaux solaires le long des routes et des rails. Au Conseil des Etats, une motion de la centriste Heidi Z'Graggen demande au Conseil fédéral de créer une base légale pour la construction de grands parcs photovoltaïques dans les zones de montagne qui s'y prêtent.

Cette idée, qui concerne les installations de panneaux de plus de 5000 m², à l'image de celles de 100 000m2 prévues à Gondo (VS), se base sur le fait que les panneaux solaires ont pour l'instant été principalement déployés sur les maisons individuelles – ou alors dans les zones industrielles, comme le rappelait la RTS. Le texte de l'Uranaise prévoit une interdiction de construire dans les zones protégées. La chambre haute a transmis la semaine dernière la proposition à la commission compétente.

Quels sont les avantages de parcs photovoltaïques dans les Alpes?

Christophe Ballif, qui dirige le Laboratoire de photovoltaïque et d'électronique des couches minces à l'EPFL et le Centre d'énergie durable au Centre suisse d'électronique et de microtechnique (CSEM), nous liste les avantages à placer des installations photovoltaïques en montagne:

  • L'altitude.
  • L'ensoleillement: il y a plus de soleil dans les Alpes que sur le plateau.
  • La température: les modules solaires fonctionnent mieux quand il fait plus froid.
  • La possibilité d'installer des systèmes bifaciaux: ce système permet de reprendre une partie de la lumière qui réfléchit à l’arrière des panneaux.
Panneaux solaires sur le Lac des Toules à Bourg-Saint-Pierre (VS). La station flottante de panneaux solaires se compose de 36 barges flottantes comportant 2'240 mètres carrés de cellules solaires ...
Installation flottante de cellules solaires sur le Lac des Toules à Bourg-Saint-Pierre (VS).Image: Keystone

«Chaque fois qu’on doit se rabattre sur des lois communales ou cantonales, c'est coûteux en temps et en argent, car il faut s'adapter aux spécificités de chaque cas», pointe l'expert. Légiférer au niveau national semble donc de loin préférable au spécialiste en énergie solaire. Qui, à titre personnel, accueille plutôt favorablement la motion en question: «A mon sens, il y a un certain nombre d’endroits qui se prêteraient bien à ce genre d'installations».

De manière générale:

«Contrairement à certains groupements verts qui voudraient interdire les panneaux dans les Alpes, je pense que toute démarche est bonne à prendre, tant qu'elle respecte l'environnement»

Quels sont les obstacles à cette démarche?

Sur le plan politique, l'opposition à ce projet vient effectivement du parti Les Verts. Le conseiller national valaisan Christophe Clivaz estime par exemple que le placement de panneaux photovoltaïques dans les montagnes ne doit pas être une priorité dans la stratégie nationale, comme il l'a exprimé au Temps: «Il faut d’abord utiliser les toits existants et toutes les surfaces qui peuvent accueillir des cellules photovoltaïques, par exemple sur les autoroutes».

Il y a aussi des obstacles d'ordre technique et financier. «L'une des difficultés avec les parcs photovoltaïques de grande envergure en altitude, c'est que dans des régions avec beaucoup de neige, il faut des structures de pose renforcées», explique Christophe Ballif. Aussi, les connexions au réseau sont parfois éloignées. «Si l’on est, in fine, trois fois plus cher qu'avec un système installé en plaine, l’avantage économique et de productivité hivernale n'est pas évident.» Et l'expert d'ajouter:

«Il faut être clair: de telles installations nécessiteront d'une façon ou d'une autre un soutien de l'Etat, ou au moins des garanties de prix de rachat du courant intéressant»
Christophe Ballif, professeur à l'EPFL et directeur du Sustainable energy center du CSEM

Pour Christophe Ballif, il est plus que jamais temps d'agir. Et vite. «Ce dossier est d'ordre stratégique pour l'avenir de notre approvisionnement énergétique.» Mais pas question de remplacer l'éolien par le solaire. Les deux sources d'énergie doivent être complémentaires, à côté de l'hydraulique. «On a absolument besoin d’éoliennes en hiver, la saison où il y a plus de vent. Cela fera partie de la transition énergétique.»

Quelle est la suite?

Si la construction de parcs solaires dans les Alpes a de bonnes chances d'être approuvée par le parlement le moment venu, elle s'accompagnera d'autres mesures concernant le photovoltaïque. Des discussions ont lieu par exemple sous la Coupole au sujet des aides aux particuliers: faut-il que l'Etat offre une rétribution minimale, uniforme dans tout le pays, aux propriétaires de petites installations, comme le propose le secteur du photovoltaïque? Le débat promet d'être riche.

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Prof gay viré à Zurich: l'effroyable mécanique Samuel Paty
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