Comme toujours pour commencer mes enquêtes estivales, je fais un détour par Google, pour voir si quelqu'un n'a pas déjà répondu à ma question, afin que je puisse repomper m'inspirer de son travail; rajouter deux-trois réflexions qui paraissent originales et aller prendre l'apéro en terrasse au lieu d'essayer de bosser (en prenant l'apéro en terrasse).
Et bien cette fois: rien. Niet, le néant, le vide… On se croirait dans le cerveau d'un ancien pro-hydroxychloroquine, aujourd'hui anti-vaccin «parce que faut faire gaffe avec les produits qu'on connaît pas».
Donc, visiblement, personne ne s'est jamais demandé (sur Internet) si les livres d'été étaient imprimés sur un papier spécial. AAAAH… Mais quel sentiment satisfaisant que celui d'être le premier à se poser une question.
C'est à cela qu'on reconnaît les génies («Et si on inventait un téléphone intelligent mais hors de prix dont l'écran se casse facilement?») ou les débiles profonds («Si je lance un bâton de dynamite allumé à mon chien est-ce qu'il me le rapporte?»).
Vous êtes donc en train d'assister soit à la naissance du prochain iPhone, soit à la démonstration que si personne ne s'est jamais posé cette question, c'est qu'il y a une raison.
Et la raison, c'est peut-être qu'il est difficile de définir le roman d'été. La Presse, média canadien de qualité puisque mettant ses articles en libre accès, s'est posé la question. Apparemment, en été, on lit:
Un éditeur ne sera donc jamais sûr que le livre qu'il publie sera lu en vacances et qu'il nécessitera un papier spécial qui résiste à l'eau, au soleil, à la crème solaire, aux éclaboussures de mojitos ou au charme d'Alejandro·a, qui donne les cours d'aquagym dans votre hôtel et qui vous donnera envie de jeter votre livre pour lui sauter dessus.
Et après tout, les tatouages à déchiffrer pendant l'amour, ça compte presque comme de la lecture.
L'absence de papier «spécial été» m'est d'ailleurs confirmée par Hadi Barkat, fondateur de la maison d'édition Helvetiq et justement en train de lire au bord de l'eau en Grèce, pendant que j'écris dans ma cuisine à Lausanne:
Mais avant de me piquer cette idée et de devenir millionnaire à ma place, il douche immédiatement mes aspirations de futur Steve Jobs de la littérature:
Avant de retourner à son bouquin «sur les échanges culturels entre l'Angleterre et l'Europe» (chacun ses lectures estivales), Hadi Barkat a une autre idée pour disrupter le livre:
Alors d'accord les livres résistants à l'été, ça n'existe pas. Mais ce serait une bonne idée si un auteur ou une autrice douée en marketing décidait de sortir, juste avant les vacances, un bouquin pensé exprès. Du genre:
New York, juillet 2017. Whitney, journaliste américaine, disparaît à Orchard Beach. Ce fait divers aurait été anodin si la jeune femme ne s'était pas appelée pas Whitney Trump et si elle n'avait pas disparu un 4 juillet, jour de la fête nationale.
Emmanuel, écrivain français, décide de mener l'enquête. Et il va découvrir que dans cette histoire de disparition maritime, la Maison Blanche essaie de noyer le poisson…
Un après-midi d'août, un meurtre a lieu sur la plage d'un cinq étoiles d'Ibiza. Des années plus tard, un écrivain se rend dans ce même hôtel pour écrire un roman où le personnage principal est un écrivain.
À sa grande surprise, il se retrouve pris dans cette affaire. Que s'est-il passé dans le bungalow 311 du Palace d'Ibiza?
Un homme pas écrivain, mais comptable moche et dépressif décide de partir en vacances au Cap d'Agde. Sur la plage, il mate les nudistes, fumant clope sur clope et ruminant sur la bassesse du genre humain. À la fin, un parti musulman arrive au pouvoir.
Mettons que ça sorte (pas Ultraviolet, mais le papier d'été), à quoi devrait-il ressembler? Quelles seraient ses qualités? Pour le savoir, qui de mieux que l'imprimeur (génial) Nicolas Regamey de l'Atelier Typo de la Cité:
Et si le vernis brillant peut éblouir à cause du soleil, ce n'est pas si grave que ça d'après Nicolas Regamey:
Et BAM, prends ça le livre frivole! Donc, en conclusion – cet été – lisez aussi des trucs plus intelligents que les questions que je me pose.