«A chaque match de Djokovic, il faudra sortir les pop-corn!» Au bout du fil, Marc Rosset est comme nous tous: impatient de suivre les parties du Serbe à Melbourne. A condition, bien sûr, que son visa ne soit finalement pas annulé par les autorités australiennes.
Et cette fois, ce ne sera pas pour admirer le toucher de balle ou les grands écarts du numéro un mondial, mais bien pour voir comment il gérera ce contexte lunaire. «Une situation politico-sportive pareille, c'est du jamais vu en tennis», constate le champion olympique de 1992. «On ne sait pas du tout comment le public va réagir avec Djokovic. Etre hué sur chaque point pendant deux semaines entières, ça peut être très dur à encaisser. Et ce ne sera pas facile, pour lui, de jouer après les montagnes russes émotionnelles qu'il a connues ces derniers jours.»
I’m pleased and grateful that the Judge overturned my visa cancellation. Despite all that has happened,I want to stay and try to compete @AustralianOpen
— Novak Djokovic (@DjokerNole) January 10, 2022
I remain focused on that. I flew here to play at one of the most important events we have in front of the amazing fans. 👇 pic.twitter.com/iJVbMfQ037
Au Melbourne Park, le Serbe sera forcément soutenu par ses compatriotes, habituellement nombreux et bruyants dans les tribunes. Ils ont déjà pris fait et cause pour lui ces derniers jours dans la rue et sur les réseaux sociaux, quand il était enfermé dans son «hôtel». Mais ce soutien pourrait bien contraster avec l'hostilité des Australiens.
Dans leur grande majorité, ceux-ci ne tolèrent pas la présence d'un joueur non vacciné dans leur pays, très ferme sur les restrictions sanitaires. L'image écornée de Djokovic – soupçonné de non-respect de quarantaine après son test positif au Covid et de falsification de certificat – risque aussi d'attiser leur courroux.
Mais le «Djoker» a l'habitude de faire face à l'adversité, lui qui a souvent dû jouer de grands matchs avec le public acquis à son adversaire, comme face à Federer ou Nadal, pour ne citer qu'eux. «S'il y a un joueur qui peut remporter le titre dans de telles conditions, c'est bien Novak Djokovic», tranche Yves Allegro.
L'ancien joueur de Coupe Davis, désormais entraîneur, prend le pari: «Si Djokovic arrive à gérer cette pression et remporte ses trois premiers matchs, il sera plus fort que jamais».
Jonathan Wawrinka, directeur de la Wawrinka Academy à Lausanne et frère de Stan, complète:
Pour Yves Allegro, le numéro un mondial arrivera même à trouver ce surplus d'énergie grâce à ses déboires avec les autorités australiennes. «S'il est convaincu qu'il a tout fait juste juridiquement, il se sentira légitime et voudra en quelque sorte prendre une revanche.»
La police se confronte à des fans (sans masque) de Novak Djokovic pour dégager le passage d'une voiture qui sort du bureau de son avocat, car ils pensent qu’elle transporte Djokovic #AustralianOpen2022 #AustralianOpen #Australie pic.twitter.com/xChjisxmJv
— Kheire Meirane Amare (@k_meiraneamare) January 10, 2022
Erfan Djahangiri n'a pas plus de doutes sur la capacité du numéro un mondial à rebondir et défier toute logique. Celle qui voudrait qu'après plusieurs jours de quarantaine dans un hôtel miteux et un contexte anxiogène, un tennisman, même le meilleur, se liquéfie et perde tous ses moyens. «Les top joueurs, comme Djokovic, Federer ou Nadal, ne sont pas faits comme nous!», rigole l'ex-coach de Timea Bacsinszky. «Tant qu'ils respirent, ils ont une chance de gagner.»
Pour argumenter son propos, le Vaudois fait un petit saut dans le passé: «J'avais dit exactement la même chose pour Federer juste avant l'Open d'Australie 2017, son premier tournoi après plusieurs mois d'absence. Et il l'avait gagné! Alors oui, pour moi, Djokovic reste le grand favori».
Reste la question de la fraîcheur physique et des sensations raquette en main. Parce que forcément, rester coincé quelques jours dans une chambre d'hôtel n'est pas la meilleure préparation pour un tournoi de tennis. «On peut faire confiance à Djokovic, il n'est pas resté assis tout le long sur sa chaise à ne rien faire», nuance Jonathan Wawrinka. «Il a certainement fait du gainage, des squats et des assouplissements pour rester en forme. En plus, il s'est bien préparé physiquement durant la pause en décembre.»
Pour nos quatre experts, aucun doute: «Nole» sera prêt à temps au niveau tennis. Il lui reste une bonne semaine d'entraînement avant son premier tour. «Son travail avec la raquette ne sera que des réglages, comme par exemple s’adapter à la surface, aux balles et à la météo», analyse Jonathan Wawrinka.
Novak Djokovic reste donc l'un des grands favoris au titre à Melbourne, en dépit des récents événements extra-sportifs kafkaïens. S'il est sacré, le Serbe remportera son 21e titre du Grand Chelem et détiendra seul le record, avec un trophée de plus que Federer et Nadal.