Ce lundi, trois hommes vont devoir répondre d'un crime qui avait scandalisé l'opinion publique: le meurtre d'un jeune Noir de 25 ans, Ahmaud Arbery, froidement exécuté par des Blancs alors qu'il était en train de courir, en février 2020.
Vous vous souvenez peut-être de cette vidéo qui avait fait le tour du monde. On y voit une silhouette encapuchonnée, courant sur le bord de la route, interpellée brutalement par deux hommes blancs dans un pick-up. L'un d'eux est armé d'un fusil de chasse.
Sur la vidéo, on ne voit pas beaucoup plus de détails sur l'altercation. Quelques instants plus tard, le jeune homme, Ahmaud Arbery, est abattu par trois balles tirées à bout portant.
Aujourd'hui, trois hommes comparaissent pour ce meurtre:
Gregory et Travis McMichael sont accusés d'avoir poursuivi Ahmaud Arbery, tandis que William Bryan les suivait en filmant la scène avec son portable, raconte USA Today. Travis aurait ensuite tiré sur le jeune homme avec son fusil de chasse. Tous trois nient le meurtre.
Leur version? Ils soupçonnaient le joggeur d'être un cambrioleur et auraient agi en état de légitime défense.
L'affaire a bien failli passer inaperçue. Durant les deux mois qui suivent le meurtre, les suspects continuent à se balader librement, sans être interpellés.
Jusqu'à ce que la vidéo soit diffusée sur le web et devienne virale en mai 2020. Elle provoque alors un véritable tollé aux Etats-Unis et dans le monde. Le bureau d'enquête reprend l'affaire en main, et les McMichael sont arrêtées dans la foulée.
Pour Lee Merritt, un des avocats de la famille d'Arbery, ce délai ahurissant de plusieurs semaines, avant d'arrêter des personnes accusées de meurtre, prouve la disparité raciale du système judiciaire.
The killing of Ahmaud Arbery, a Black man, in 2020 drew nationwide attention, prompting outrage and protests. All three White men set to stand trial have pleaded not guilty, and their attorneys have previously said their clients committed no wrongdoing. https://t.co/ee2G3kJlXJ
— CNN (@CNN) October 18, 2021
Dans les prochains jours, une douzaine de jurés de la petite ville côtière de Brunswick, en Géorgie, seront appelés à juger les actions des trois suspects (c'est par là 👇).
Un procès qui s'annonce déjà très compliqué. Former un jury impartiel au sein de cette petite communauté où tout le monde se connait constitue déjà un défi. Suspects et victime vivaient à moins de trois kilomètres les uns des autres.
Autre défi? La vidéo, qui sera au coeur du procès, selon le New York Times. Filmée par William Bryan, persuadé de pouvoir l’utiliser pour se disculper, elle pourrait finalement mener à sa condamnation.
Seul problème: même si les images semblent accablantes, il manque plusieurs moments-clés. Bien que la vidéo soit très «préjudiciable» à la défense, ces lacunes «permettront à chaque partie de présenter son propre récit» de la confrontation. Cité par USA Today, Ronald Carlson, professeur de droit à l'université de Géorgie, ajoute:
Le procès s'étirera durant au moins deux semaines, rapporte le Guardian.
La question raciale sera l'enjeu majeur du procès. Les accusés nient toute incitation raciste, contrairement à ce qu'affirme la famille de la victime. Leurs avocats, Lee Merritt et Benjamin Crump, ont évoqué à ABC News un «lynchage moderne».
Une chose est sûre: la mort d'Ahmaud Arbery fait déjà partie des affaires emblématiques du mouvement «Black Lives Matter», parmi lesquelles on compte notamment:
La Géorgie est encore très marquée par son passé ségrégationniste. Au moment de l'affaire Arbery, elle faisait partie des cinq derniers états des Etats-Unis à ne posséder aucun dispositif légal pour prendre en compte les mobiles racistes. (mbr)