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Pourquoi le Financial Times compare-t-il les cryptomonnaies à QAnon?

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Pourquoi le Financial Times compare-t-il les cryptomonnaies à QAnon?

Le plus grand journal économique du monde, le Financial Times, règle ses comptes avec le bitcoin & Cie. Et voici ce que ça dit.
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03.10.2021, 11:4803.10.2021, 16:58
Philipp Löpfe
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Pendant longtemps, les cryptomonnaies ont été une attraction secondaire pour la presse économique traditionnelle. Un peu exotique, mais pas vraiment pertinent. Entre-temps, cependant, le marché de ces devises a atteint plus de 2000 milliards de dollars et ne peut donc plus être ignoré. Les plus grandes revues économiques du monde s'intéressent de plus en plus aux cryptomonnaies, The Economist leur a même consacré la couverture de son dernier numéro.

Critiques acerbes envers le bitcoin

Les cryptomonnaies ne mettent pas tout le monde d’accord. Récemment, le Financial Times s'est montré très dur envers le bitcoin et les autres types de cryptomonnaies. Dans un article détaillé, les auteurs Siddhart Venkataramakrishnan et Robin Wigglesworth comparent le culte des cryptomonnaies au mouvement sectaire du QAnon.

A San Salvador, des personnes manifestent parce que le président a récemment déclaré que le bitcoin devenait une monnaie légale.
A San Salvador, des personnes manifestent parce que le président a récemment déclaré que le bitcoin devenait une monnaie légale.

Lorsque le mystérieux personnage Satoshi Nakamoto a publié son livre blanc contenant les fondements théoriques du bitcoin en novembre 2008, il a déclenché une euphorie dans le milieu des «nerds» de l'informatique.

Une sous-culture est rapidement apparue dans laquelle les gens se concurrencent les uns les autres. Le Financial Times cite Chris Rose, un ancien passionné de cryptomonnaies, comme suit:

«C’est un système ouvert à tous, intellectuellement stimulant. En ligne, les économistes et les gauchistes qui détestent les banques se sont disputés avec acharnement.»

Le bitcoin promettait d'être bien plus qu'une simple monnaie. Il a plutôt été présenté comme la clé qui ouvrirait la porte d'un monde où les inégalités seraient effacées, la corruption disparaîtrait et une richesse inimaginable serait créée.

Il reste peu de ces nobles idéaux aujourd’hui. Selon le Financial Times, les cryptomonnaies sont devenues un moyen pour les quelques personnes intelligentes qui veulent s'enrichir du jour au lendemain aux dépens de nombreuses personnes stupides.

Le dicton «When Lambo » est devenu courant lors des événements cryptographiques et signifie quelque chose comme: «Quand serai-je assez riche pour m'offrir une Lamborghini?».

Stephen Diel, un ingénieur informatique spécialisé dans les cryptomonnaies, explique au Financial Times :

«Les cryptomonnaies sont essentiellement un culte économique qui fait appel aux instincts les plus négatifs de l'homme comme la peur, la cupidité et le tribalisme, combinés à l'ignorance économique afin d'attirer de plus en plus d'imbéciles.»

Cependant, pour les auteurs du «Financial Times», les cryptomonnaies sont bien plus qu'une «arnaque pyramidale». Il s'agit d'un culte présentant de grandes similitudes avec QAnon, le célèbre mouvement conspirationniste d'extrême droite. Stephen Diel ajoute:

« Les deux sont fondés sur une doctrine communiquée par un mystérieux fondateur. Il y a des mystères à résoudre, une culture des « memes » sur Internet et de nombreuses prédictions sur la politique et l'économie qui ne peuvent être vérifiées. Les deux sont ancrés dans une idéologie qui dit qu'il faut combattre un ennemi commun : la corruption et les intermédiaires indignes de confiance. Finalement, tous deux voient sur internet l’instrument qui permettra de vaincre l’ennemi par un événement apocalyptique ».

Sur le plan politique, les cryptomonnaies ont également changé de camp entre-temps. Les premiers disciples du Bitcoin, les Cypherpunks, étaient des anarchistes de l'internet. Jackson Palmer, l'un des fondateurs de Dogecoin – une cryptomonnaie pas vraiment prise au sérieux – décrit la scène actuelle:

«Après avoir suivi l’évolution de ce monde pendant des années, je suis arrivé à la conclusion que les cryptomonnaies sont intrinsèquement une technologie de droite, hyper-capitaliste, conçue principalement pour augmenter la richesse de ses fondateurs. Cela se réalise par une combinaison d’évasion fiscale, un manque de surveillance des régulateurs et une rareté artificiellement créée.»

Mais le Financial Times n’est pas le seul journal à critiquer les cryptomonnaies. Le bitcoin a aussi eu droit à son jugement dans le New York Times. Le célèbre rédacteur économique Binyamin Applebaum y a récemment déclaré :

«Certains produits sont populaires parce qu'ils sont utiles. Le bitcoin est populaire parce qu'il est largement inutile. Son succès est dû en grande partie au fait que la valeur du bitcoin a augmenté de façon spectaculaire depuis son introduction en 2009, rendant quelques personnes très riches et suscitant l'espoir d'autres personnes de prendre le train en marche.»

Binyamin Applebaum compare le bitcoin aux CDO, les produits financiers qui ont déclenché la crise financière de 2008, comme un moyen de spéculation irresponsable.

«La plupart des détenteurs de bitcoins ne le considèrent pas comme une monnaie. Ils veulent juste devenir riches rapidement, et c'est exactement ce que le bitcoin peut faire».
Binyamin Applebaum, journaliste au New York Times

Enfin, pour le journal The Economist, les jours du bitcoin sont plus ou moins comptés. «Le bitcoin, la première blockchain, est désormais une distraction. C'est plutôt Ethereum, un réseau blockchain créé en 2015, (...) qui est sur le point d'atteindre une masse critique», écrit le journal.

«Ethereum», késako?

Contrairement au bitcoin, qui n'est rien d'autre qu'une sorte d'or numérique, Ethereum est un système sur lequel d'autres cryptomonnaies sont créées. Avec ces «jetons» individuels, et grâce à des contrats intelligents intégrés, les différents acteurs du marché peuvent échanger entre eux sans passer par des intermédiaires.

Vitalik Buterin est le père spirituel d'Ethereum.
Vitalik Buterin est le père spirituel d'Ethereum.

De cette manière, ce que l'on a récemment appelé «DeFi» deviendrait possible. En d'autres termes, ce terme signifie «financement décentralisé» : les services des banques puissantes et surtout le service de la banque centrale deviendraient superflus. Dans les «DAOs», en français les «organisations autonomes décentralisées», les participants sur le marché communiqueraient entre eux et seraient protégés de la fraude et de la corruption grâce à des contrats intelligents.

Les DeFi et les DAOs sont, pour l'instant, de nobles projets d'utopie. Pour être mis en œuvre, ils doivent se mettre en accord avec les instances réelles qui existent aujourd'hui, comme les banques centrales et les autorités de surveillance financière. Les puristes du DeFi, cependant, rejettent fermement cette idée.

Toutefois, c'est précisément ce que les responsables de la réglementation financière réclament avec de plus en plus d'insistance. Gary Gensler, le nouveau directeur de la SEC, le régulateur financier américain, parle d'un « Far West » en rapport avec les cryptomonnaies qui doit être apprivoisé. On ne peut que lui souhaiter bonne chance dans ses démarches.

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source: reddit
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