Le style de jeu, bien sûr: froussard (Benitez), archaïque (Mourinho), désordonné (Frank Lampard, à la bonne «frankette»), ou alors trop carré (Hodgson), schématique (Sarri), taillé au marteau et à la faucille (Capello), intello (Moreno).
Mais aussi le style de personnalité... Quand Marcelo Bielsa emballe ses fesses boudinées dans un training stretch, puis les destine à tressaillir nerveusement sur une glacière des familles, il est un savant fou s'il gagne (Marseille), un plouc s'il perd (Lille).
Quand Unai Emery est arrivé à Arsenal en costume trois-pièce, chevelure gominée, œil rieur et accolade facile, il était le bel Ibère, quoiqu'un Ibère rugueux. Après une série de cinq défaites en sept matchs, ses exaspérations étaient trop latines, ses gesticulations enfantines et son anglais faisait passer la vache espagnole pour une diplômée de Harvard. Cette histoire est celle d'un club qui, après 20 ans de mariage avec un Alsacien élevé (Arsène Wenger), rêvait d'une relation passionnée avec un jeune hidalgo, mais n'arrêtait pas de penser à son ex, dont il a fini par regretter la sagesse et, même, une certaine frigidité.
Le match de la dernière chance qui, dimanche 31 octobre, a opposé Ole-Gunnar Solskjaer (Manchester United) à Nuno Espirito Santo (Tottenham), était une vraie pièce de théâtre où le perdant mourrait à la fin et dont le scénario, peu à peu, trahissait les intrigues de coulisses: le premier a sauvé provisoirement sa place grâce à la détermination de ses joueurs, tandis que le second n'a pas survécu à l'inertie des siens.
L'adhésion du vestiaire est une paix fragile, car elle présuppose l'estime des leaders autant que le respect des sous-fifres - jusqu'à l'asservissement des remplaçants dont il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir de nuisance, surtout quand ils ont le temps de l'exercer. Très vite, et comme dans la vie, un footballeur médiocre reporte tout ou une partie de la faute sur le système, la méthode et/ou la communication de son chef.
«Il peut aussi y avoir une simple usure», témoigne un entraîneur de haut niveau. «Après plusieurs années au même endroit, le message perd de sa force. Les relations humaines peuvent rester agréables, mais les joueurs ont besoin d'entendre un autre discours, parfois même un autre timbre de voix.»
Usure, mais aussi rupture: dans un club de Challenge league, des joueurs se sont demandé comment un entraîneur qui ne connait pas Instagram et dit encore «posez vos couilles sur la table» quand il convoque les forces du mâle, peut comprendre leurs problèmes.
L'équilibre social, dans tous les cas, est bancal. Le football reste une holacratie où les collaborateurs sont mieux payés que les cadres, et où les actes de désobéissance sont punis par un licenciement... de leur chef. Combien d'entraîneurs jouissent d'un totem d'immunité face aux doléances du vestiaire? Guardiola? Klopp? Sinon?
«L'ami dont il faut toujours se méfier», prévient un ex-habitué du poste. Au-delà des désaccords classiques sur le recrutement, un directeur sportif défend farouchement ses prérogatives face au prestige de l'entraîneur. Certains ont le bras long, d'autres l'oreille du président - les monstres ont les deux. Ceux qui se prennent pour le gardien du temple «ont un ego démesuré».
A Paris (Leonardo) comme à Dortmund (Michael Zorc), Thomas Tuchel a entretenu des rapports épouvantables avec ses directeurs sportifs, dont il a nié publiquement les compétences. Il lui en a valu une réputation de caractériel et deux licenciements pour incompatibilité d'humeur. A Chelsea, la présidente n'interfère pas dans la marche de l'équipe et voici le résultat:
D'une main, Barcelone tapait sur l'épaule de Ronald Koeman tandis qu'il tendait l'autre à Xavi, le temps de réunir la somme pour l'attirer. Cette double vie a duré des semaines.
Si Solskjaer est toujours le seul entraîneur capable de relancer Manchester United, c'est parce que les autres ne sont pas libres.
Leonardo Jardim venait de signer un nouveau contrat de deux ans lorsque Oleg Petrov, un magnat du diamant et de la potasse, est devenu le patron de l'AS Monaco. Ce vieil ami du président avait autant de connaissances en football que Sisyphe en vérin hydraulique. Jardim l'a bien compris, sans doute trop dit, et il a reçu sa lettre de licenciement après une victoire 5-1 contre Lille. Preuve de son agacement, Petrov a payé six millions d'euros pour rompre le contrat .
Expérience diamétralement opposée pour un ex-entraîneur de Super league:
Banderoles sous les ponts de Lyon pour réclamer la démission de Claude Puel, puis de Bruno Genesio. Clameurs de la foule à Chelsea pour défendre José Mourinho face à l'hostilité de son équipe. Les clubs aiment à penser que les supporters n'ont rien à dire mais tous changent d'avis s'ils crient.
«Le licenciement d'un entraîneur est souvent le fait du prince, et même beaucoup plus souvent qu'on ne le pense», témoigne un dirigeant. Au fond de lui, une petite voix doute et le président l'écoute. Parce que l'entraîneur a des comportements étranges, parce qu'il ne répond jamais au téléphone, parce qu'il ne fait pas jouer les jeunes, parce qu'il sent l'alcool, parce que sa tête ne revient pas aux sponsors, parce qu'il a le mal du pays, ou l'ennui de son épouse, parce qu'il outrepasse ses fonctions, parce qu'il la ramène sur tout, parce qu'il critique (Tuchel au Paris Saint-Germain, Moldovan à Auxerre), parce qu'il tisse des liens trop étroits avec les compagnes de ses joueurs, quand ce n'est pas la maîtresse du président (nom connu de la rédaction). Qui peut vraiment savoir les raisons d'un départ?