L'armée russe a subi d'énormes pertes matérielles et humaines dans la guerre qu'elle mène en Ukraine. Mais, contrairement à ce que certains critiques occidentaux aiment à le répéter, elle n'a pas tout fait de travers jusqu'à présent. Militairement, elle a aussi connu quelques réussites.
Fin février 2022: l'attaque éclair sur Kiev par le nord a échoué, les lourdes pertes matérielles constituent un choc pour le commandement de l'armée russe. Malgré tout, elle parvient à opérer un revirement stratégique et transfère en dix jours, par voie ferrée, 60 000 soldats de la région de Kiev vers le Donbass, afin de constituer le nouveau centre de gravité de l'attaque à l'est.
Sur le front de l'Est, le commandement de l'armée russe fait à nouveau preuve de flexibilité. Lors des batailles d'été, il change du jour au lendemain de tactique, passant d'une avancée éclair à des vagues d'attaque progressant lentement sur un large front après une préparation d'artillerie massive.
Cela conduit aux victoires de Lyssytchansk et de Severodonetsk et aux gains de terrains correspondants. Ce n'est que grâce à l'utilisation massive des lance-roquettes multiples Himars livrés par les Etats-Unis contre les zones de déploiement et les dépôts de munitions russes que les Ukrainiens peuvent éviter l'effondrement dans le Donbass.
Dans la phase des deux contre-offensives ukrainiennes de l'automne, la Russie réussit à nouveau un succès tactique. Grâce à des retraits ordonnés de Kharkiv et de Kherson via le Dnepr, la victoire totale ukrainienne est déjouée. Le regroupement et le renforcement russes qui s'ensuivent sur les fronts sud et est empêchent en outre les Ukrainiens de lancer la troisième offensive prévue et peut-être décisive, la poussée du Dniepr vers Melitopol et la mer d'Azov.
Après ces succès défensifs, le nouveau commandant en chef russe, le «général Armageddon» Sergueï Sourovikine, est également à l'origine de l'adaptation la plus importante de la stratégie russe à ce jour: la phase d'attaques sur les ressources énergétiques ukrainiennes.
Avec la phase d'attaques par missiles et drones contre les infrastructures civiles ukrainiennes à partir d'octobre 2022, la Russie prend l'initiative au niveau stratégique. Un avantage que le Kremlin n'a, depuis, plus abandonné. Ce qui constitue un crime de guerre, avec un bilan humain terrible, a de graves conséquences pour l'Ukraine.
Le manque notoire d'électricité paralyse l'industrie de défense ukrainienne et la rend encore plus dépendante des livraisons d'armes occidentales, tandis que de nouveaux chars sont assemblés en trois-huit dans la région de Moscou. Afin de conserver l'ascendant stratégique, la Russie a jusqu'à présent tiré plus de 5200 missiles balistiques et de croisière.
Le Kremlin est bien entendu parfaitement conscient de la dépendance de l'Ukraine vis-à-vis des livraisons d'armes occidentales. La cyberguerre et la désinformation russes ont pour objectif de susciter une peur constante de l'escalade en Occident, notamment par l'évocation permanente d'une attaque nucléaire.
Le succès de cette stratégie d'intimidation est jusqu'à présent évident. L'Occident livre de nouveaux systèmes d'armes soit trop tard, soit en trop petite quantité et se retrouve de plus en plus soumis au risque de division interne.
La Russie, quant à elle, peut continuer à compter sur l'acceptation par sa propre population des pertes énormes qu'entraîne inévitablement la tactique d'attaque. Cette tolérance permet de puiser dans l'énorme réservoir de nouveaux soldats.
(traduit et adapté d'un article de bojan stula/aargauerzeitung)