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Suisse-France c'est un champ de mines

Tactiquement, Suisse-France est un champ de mines

La France tente un nouveau système, tandis que la Suisse se retrouve face à un terrible dilemme: renier quelques principes, ou rester elle-même et favoriser les plans de son adversaire.
28.06.2021, 12:0430.06.2021, 15:13
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Comment interpréter les tâtonnements français?

Après une discussion avec ses cadres, Didier Deschamps devrait opérer un changement de système, le troisième depuis le début de l'Euro 2020. Ce qui fait dire à Vincent Duluc, éditorialiste à «L'Equipe»:

«La surprise, ce matin, vient du sentiment d'en savoir aussi peu sur l'équipe de France, son identité et ses ressources»

La France devrait s'articuler autour d'un 3-4-3, très exactement d'un 3-4-1-2 avec Griezmann en soutien de Benzema et Mbappé, soit la même organisation... que la Suisse.

L'équipe de France probable

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Didier Deschamps justifie ce revirement par la double nécessité de recentrer ses attaquants et de les soulager des tâches défensives. Il s'adapte à la demande. Mais cette option comporte des risques:

  • En clubs, Varane, Lenglet et Kimpembe ont une certaine expérience de la défense à trois, mais ils n'ont été réuni qu'une seule fois dans le même trio, contre l'Albanie.
  • L'équipe de France a peu de repères et de vécu dans ce système.
  • Si Deschamps était privé de Lucas Hernandez (genou), il n'aurait plus que Rabiot (milieu relayeur) à aligner en piston gauche. Ou alors Coman, mais dans une configuration extrêmement offensive.
epa09306352 France's head coach Didier Deschamps leads an official training session at National Arena stadium, in Bucharest, Romania, 27 June 2021. France will face Switzerland in their Round of  ...
Beaucoup de cogitations chez Didier Deeschamps.Image: EPA

Ancien sélectionneur des Bleus, Raymond Domenech n'est pas inquiet, comme il l'explique dans l'émission de son épouse «L'Equipe d'Estelle»:

«Une équipe s’appuie sur ses points forts. En l'occurence, les atouts de la France s'appellent Griezmann, Benzema et Mbappé. Puisque leur association ne marche pas trop bien, il est normal de reconstruire une organisation autour d’eux, de les remettre dans des conditions optimales, donc axiales. Je ne vois pas le problème.»

Est-ce une raison suffisante pour tout bousculer? Alexandre Comisetti, ancien attaquant de la Nati et de l'AJ Auxerre, onze années d'analyses sur la RTS, reste perplexe:

«Je pense que Deschamps cherche des solutions pour compenser des blessures. Si Hernandez est capable de tenir sa place, je ne le vois pas basculer en 3-4-1-2. Je n'y crois pas du tout. Ou alors Deschamps a très peur de la Suisse... Inaugurer un système en huitième de finale, c'est de la poudre de perlimpinpin. Tu as intérêt à ce que ça marche; sinon, tu te fais démonter.»

Selon Alexandre Comisetti, «la France a un autre problème: elle n'a plus Matuidi pour fonctionner comme piston gauche, tout en stabilisant le milieu de terrain. Deschamps a confié le rôle à Tolisso contre le Portugal mais ce n'est pas du tout le même volume de jeu, ni la même verticalité.» Au final, on ne peut pas totalement exclure que le 3-4-3 exercé à l'entraînement soit un plan B, très éventuellement du bluff.

Le dilemme suisse: bloc bas ou bloc haut?

La plupart des équipes attendent la France très bas, avec un double ou triple rideau défensif.

«C’est naturel: tout le monde sait que si les attaquants français, notamment Mbappé, trouvent un espace dans le dos de la défense, ils vont vite et sont durs à neutraliser»
Stéphane Chapuisat

Il s’agit de limiter le rayon d’action dans la profondeur, donc d’accepter une forme de repli sur soi et de domination, «tout en explosant dès la récupération du ballon», ajoute Stéphane Chapuisat, comme pour poser un cadre à cette domination. En théorie, c’est faisable. Dans la pratique, il faut tout maîtriser: la robustesse du bloc autant que le maniement de la dynamite. Et puis, il y a un autre problème: Ce n'est pas du tout le style de l'équipe de Suisse.

Contre la France, le Portugal a cherché à couper toutes les lignes de passes, avec une position basse sur le terrain, pour mieux se projeter dès la récupération du ballon.
Contre la France, le Portugal a cherché à couper toutes les lignes de passes, avec une position basse sur le terrain, pour mieux se projeter dès la récupération du ballon.

Quand il a repris les destinés de la Nati, Vladimir Petkovic s'est promis de lui donner une identité collective et de la revendiquer fièrement, quel que soit l'endroit et l'adversaire. Son jeu de possession, son pressing haut, ont désinhibé la Suisse. Mais en l'occurence, ils représentent une aubaine pour la France, dont le talent individuel s'exprime surtout par des contres rapides et de longues ouvertures depuis l'arrière - au grand damne des esthètes mais avec l'assentiment des pragmatiques.

L'équipe suisse probable

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Faut-il s'adapter? Ou alors rester soi-même, en avoir l'orgueil et le courage, au risque de mourir avec ses idées? Alexandre Comisetti oppose un jugement de Salomon:

«Haut ou bas, peu importe, l'essentiel est que le bloc soit compact. La Suisse doit exercer un pressing nettement plus coordonné que contre l'Italie, où on a vu un flottement grandiose: il y avait un no man's land au milieu du terrain, les attaquants étaient perdus et couraient dans le vide, tandis que les défenseurs, pris de vitesse, reculaient jusque dans les tribunes. Avec ce genre de pressing décousu, tu t'épuises et tu ne ressembles à rien.»

Alexandre Comisetti rappelle que «la France n'est pas très à l'aise avec le ballon: du moment que les Suisses pressent tous ensemble, ils pourront alterner bloc haut et bloc bas, sans prendre de gros risques ni renier leurs grands principes».

Comment défendre sur Mbappé?

Le Parisien pourrait retrouver sa position privilégiée sur le côté gauche d'une attaque à deux, où il a l’habitude de piquer entre le latéral et le défenseur central pour, idéalement, s’ouvrir un angle de tir du pied droit. On a beau le savoir, il est difficile de s'interposer.

Neutraliser Mbappé, de la théorie à la pratique.
Neutraliser Mbappé, de la théorie à la pratique.

Défendre à deux sur Mbappé est un minimum. Le sevrer à la source est une autre option, relativement sûre, mais qui implique d’intervenir haut (voir le chapitre précédent..), souvent vite, et généralement dans les pieds de Paul Pogba, qui n'est pas le plus maladroit dans ses dribbles et ses crochets.

«Tout le monde essaie de court-circuiter la relation entre Pogba et Mbappé car elle a amené l’essentiel des buts et des occasions de la France jusqu’ici. Mais ce n'est pas aussi simple»
Alan Shearer sur BBC

Alexandre Comisetti en revient à la compacité: «La Suisse doit toujours mettre deux joueurs au marquage de Mbappé, un à l'intérieur, un à l'extérieur. Pour ce faire, le bloc doit rester uni.»

Défendre à deux sur Mbappé (flèche bleue) avec un joueur à l'intérieur et un autre à l'extérieur (flèches rouges).
Défendre à deux sur Mbappé (flèche bleue) avec un joueur à l'intérieur et un autre à l'extérieur (flèches rouges).

La compacité sera la clé du match, selon l'ex attaquant: «Si le pressing suisse est parfaitement exécuté, avec beaucoup d'énergie, il réduira d'autant les espaces et les lignes de passe de la France. Y compris la relation privilégiée entre Pogba et Mbappé.»

Griezmann et Benzema peuvent-ils s'entendre?

C’était un risque que Didier Deschamps a souhaité courir: mettre sur une même ligne, quasiment dans le même champ d'expression, deux profils extrêmement similaires d’attaquants axiaux et mobiles, adroits dans les petits espaces et peu portés vers la profondeur, prompts à décrocher.

Trop semblables pour être complémentaires?
Trop semblables pour être complémentaires?

Benzema et Griezmann font double emploi sans que les buts du premier ne justifient pleinement les sacrifices du deuxième (tantôt excentré à droite, tantôt obstrué dans l’axe), mais c’est un autre choix fort de Deschamps que de privilégier un joueur qu’il a placardisé pendant cinq ans (Benzema) au détriment de celui qui a tenu la baraque pendant tout ce temps (Griezmann).

La Suisse a-t-elle une faille à explorer?

«Je trouve Griezmann très bon, conclut Comisetti. Mais tout comme Benzema, il me semble porté par des enjeux individuels. Techniquement, ces deux joueurs sont largement au dessus de la moyenne. Mais à l'image de leur équipe, ils n'ont pas encore réalisé de grande performance collective. La France est ainsi faite, peu à l'aise avec le ballon mais tellement solide, tellement explosive et fulgurante, qu'elle est capable de tout à n'importe quel moment. Si la Suisse parvient à la bousculer collectivement, à mettre le doigt sur ses imperfections, le match restera ouvert.»
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