Mercredi, l'OMS est montée au créneau pour appeler les Etats riches à partager leurs doses contre le Covid avec leurs homologues défavorisés. «Nous avons un besoin urgent de renverser les choses: d'une majorité de vaccins allant dans les pays riches à une majorité allant dans les pays pauvres», a déclaré Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l'institution.
Lancée en juin 2020, le programme Covax, qui visait à une meilleure répartition des vaccins dans le monde, n'a pour le moment pas porté ses fruits.
Alors que les plus riches débattent d'injecter ou non une troisième dose à leur population, les plus pauvres peinent à mettre la main sur un vaccin. Sur les 4 milliards de doses injectées dans le monde, 80% sont allés à des Etats à revenu élevé ou moyen. Un autre chiffre est encore plus parlant: dans les pays défavorisés, à peine plus d'une personne sur 100 a reçu sa première piqûre contre 55 en Suisse.
Une situation qui n'étonne pas Sergio Rossi, professeur d'économie à l'Université de Fribourg.
Pourtant, au-delà de toutes considérations humanitaires, la Suisse et les autres Etats favorisés auraient tout intérêt à mieux répartir les doses au niveau planétaire, selon l'infectiologue Laurence Senn. «C'est à notre avantage de partager les vaccins parce que si on laisse circuler le virus dans certaines régions du monde on continuera à assister à l'émergence de nouvelles souches.»
Des variants potentiellement plus transmissibles ou moins bien couverts par les vaccins. Le fameux Delta, apparu en Inde avant de se répandre à travers le globe en est le parfait exemple.
«Et avec les mouvements des voyageurs, la population suisse sera forcément touchée», affirme Laurence Senn. La responsable de l'unité prévention et contrôle de l'infection au CHUV souligne donc la nécessité d'aborder la problématique de manière planétaire: «A moyen ou long terme, c'est la seule façon d'être moins impacté par le Covid.»
Mais l'intérêt de la Confédération ne se limite pas à l'aspect médical, selon Sergio Rossi. «Si les gens des pays défavorisés sont en bonne santé, ils vont consommer davantage et ça, c'est un atout pour les entreprises suisses», analyse l'économiste.
Autre avantage d'une meilleure couverture vaccinale à travers le globe à ses yeux: La levée des contraintes sanitaires pour les voyageurs. «Cela permettrait au tourisme et notamment au tourisme d'affaires, important dans notre pays, de reprendre».
Finalement, Sergio Rossi pointe un atout géopolitique. «Si les personnes sont en meilleure santé, ils ont un travail qui leur permet de vivre, il y a donc moins de conflits sociaux et une plus grande stabilité dans les pays défavorisés. Tout cela mène à moins de migrations.»