Elon Musk, l'homme le plus riche de la planète (265,4 milliards de dollars selon Forbes), vient d'être élu personnalité de l'année par le magazine américain Time. Il succède à Joe Biden et sa vice-présidente Kamala Harris.
Elon Musk (@elonmusk) is TIME's 2021 Person of the Year #TIMEPOY https://t.co/8Y5BhIldNs pic.twitter.com/B6h6rndjIh
— TIME (@TIME) December 13, 2021
Mais que fait Elon Musk? Il investit et engrange comme un bourrin, vend des voitures de luxe, barbote dans l'espace et tweete comme un adolescent en pleine décompensation narcissique. Récemment, Mr. Tesla s’ennuyait tellement qu'il a passé ses journées à papoter avec l’ONU sur les réseaux sociaux, pour prouver au monde qu’il est en mesure de sauver tous les affamés de la planète.
Elon Musk (50 ans, mais 17 ressentis) est le parrain d'un nouveau gang d’humains plein aux as qui n’accepte plus de se cacher pour s’enrichir. Bye-bye, la vieillissante (mais encore solide) caste à la Bernard Arnault, planquée derrière un bouton de manchette pour mieux se mesurer le compte en banque.
Souvenez-vous, à l’époque, pour se convaincre qu’on rotait notre fortune en compagnie des 1%, il fallait discrètement croquer dans un ortolan sous la serviette épaisse d’un restaurant étoilé. (Pour ceux qui ne connaissent pas l'oiseau des bourgeois, voici un tuto de Maïté.) Aujourd’hui, on peut se contenter de faire éjaculer bruyamment des fusées dans le ciel.
Tout était plus simple quand on pouvait jalouser de loin la fortune qu’on n’aura jamais. Quand on pouvait critiquer des types qui pètent dans la soie plutôt que dans l’espace. Parce que l’espace, c'est cool. C’est Dark Vador, pas Bolloré.
Le quidam a désormais l’opportunité de s’identifier au succès sans filtre, sans chichi, mais bourré de hashtags d’Elon Musk. Plutôt que de lustrer le CAC40 sous des moulures muettes comme des tombes, l’homme le plus riche du monde postillonne des conseils en développement personnel, vautré crânement dans un survet’ du dimanche. Et ça marche.
Aujourd'hui, la nouvelle élite ressemble au compte LinkedIn d’un coach de vie (#prenezsoindevous). Nous? Bah, on se réveille toujours tous les matins dans The Office plutôt que dans Succession. Mais au moins, on peut rêver d'apesanteur.
Le riche Sud-Africain est un influenceur de son époque et dans sa plus stricte (et plutôt désespérante) définition.
Un cocktail:
En vrac? Pour Musk, l’école est inutile, l’échec est précieux, et la réussite un état d’esprit. Merci, bro: avalons des burgers, croyons en nos chances, faisons péter les stories Instagram et la banque!
Il ne faudrait pas pour autant se détourner de la réalité: Elon Musk ne tient pas une app participative de yoga inclusif. C’est le patron du monde. Le cerbère de la thune. Un fin requin. Un génie de la finance. Un boss qui veut faire du profit et qui doit branler son ego. Aucun jugement de valeur ici, juste un extrait du strict cahier des charges. Musk n’est pas qu’influent, il est puissant. Et donc potentiellement à prendre très au sérieux. Mais l’époque (nous les médias, les réseaux, lui-même) s’entête à vouloir le peindre en version réussie de JP Fanguin.
C’est déjà passablement fatigant d’évoluer dans un quotidien pollué par le crowdfunding industrialisé, le chômage déguisé en entrepreneuriat et le macchiato au lait d’amande. Mais voilà qu’en deux coups de volant de voiture autonome, l’humanité se retrouve dépendante: d’une nouvelle idée de la réussite faussement facilitée et d'un messie qui distille de la sensiblerie bankable à la cadence d’une cash machine de Vegas.
Pour ne pas risquer d’intoxiquer nos jours ouvrables avec des rêves d’adulescents, il serait temps de pouvoir recommencer à cracher sur des riches, certes peu enviables, mais qu’on n’oublie pas de craindre. Et de saisir de nouveau parfaitement la nuance entre le business plan d’un impitoyable industriel et le dernier bouquin d’Alexandre Jollien. Parce qu’au fond, le Musk ne sent pas meilleur que la naphtaline, et c’est tout aussi cher.
Ce texte a été publié une première fois le 8 novembre 2021, puis mis à jour le 13 décembre 2021.
