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Taxation des entreprises: «L'attractivité suisse ne va pas disparaître»

Stéphane Garelli s'exprime sur le taux d'imposition minimal mondial
Stéphane Garelli, professeur à la HEC Lausanne et à l'Institute for Management Development.Image: Shutterstock / Montage watson
Interview

Taxation des entreprises: «L'attractivité suisse ne va pas disparaître»

Alors que le G20 vient de donner son feu vert à l'accord sur la taxation des multinationales, une question se pose: les mesures contre l'exil fiscal vont-elles impacter l'attractivité de la Suisse? Stéphane Garelli, professeur à la HEC Lausanne et à l'Institute for Management Development (IMD), répond.
04.07.2021, 17:2312.07.2021, 10:29
Jonas Follonier
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La concurrence fiscale entre pays basée sur le taux d'imposition est-elle condamnée à la mort prochaine? Ce jeudi 1er juillet, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a suivi la ligne du G7 en mettant 130 Etats d'accord sur un taux d'imposition minimal de 15% pour les entreprises et l'obligation pour les sociétés de plus de 20 milliards de chiffre d'affaires d'être aussi taxées dans les pays où elles ont leurs activités – et non plus seulement au lieu où elles ont leur domicile fiscal. Pour nous aider à y voir clair, comprendre en quoi la Suisse est touchée et nous livrer son analyse, l'économiste Stéphane Garelli a décroché son téléphone.

Certains moments font l'histoire. Le «nouveau plan» de l'OCDE et l'accord du G7 en font partie. Comment comprendre qu'ils aient lieu maintenant?
Stéphane Garelli:
C'est le résultat d'une tendance qui a commencé il y a plusieurs années déjà sur un principe de base: les entreprises doivent payer leurs impôts dans les pays où elles font leurs revenus, et non pas là où elles ont leur domicile fiscal. Afin de mettre cela en pratique pour les grandes entreprises, l'OCDE a réuni la plupart des grands pays du monde et leur a demandé de se mettre d'accord sur des mesures. Jusqu'à présent, cette démarche ne fonctionnait pas vraiment parce que les Etats-Unis traînaient des pieds, mais avec le fait de la nouvelle administration Biden, la démarche a abouti.

La Suisse est-elle concernée par ces mesures?
Oui. Il y a certaines entreprises internationales qui se trouvent en Suisse et qui bénéficient d'un taux d'imposition qui est en fait légèrement inférieur aux 15% sur lesquels le G7 et l'OCDE se sont mis d'accord. Et nous abritons beaucoup de grandes multinationales étrangères, telles que Philip Morris. C'était incontestablement un facteur d'attractivité de la Suisse. Maintenant, il va falloir trouver autre chose. L'administration fédérale a demandé que des propositions soient faites en ce sens.

Que dire de la concurrence entre les cantons, une réalité importante en Suisse pour l'attractivité?
Elle ne disparaîtra pas: elle devra plutôt s'adapter elle aussi à ces règles. Du point de vue du taux d'imposition, la marge de manœuvre me semble relativement limitée. En revanche, différents avantages peuvent être accordés en dehors de ce simple taux fiscal. Par exemple, l'accès à des terrains, l'aide à des expatriés pour s'établir facilement en Suisse, etc.

Les déductions fiscales aussi, j'imagine?
Exactement. Ces possibilités de déduire certains coûts seront maintenues et sans doute développées. Mais n'oublions pas non plus ce qui relève quasiment «d'avantages en nature»: la qualité de l'environnement, une bonne éducation pour les enfants, un bon niveau de sécurité, l'accès à de la recherche et à des gens très qualifiés, etc., qui forment un ensemble avec beaucoup d'attraits pour les entreprises étrangères.

Votre confrère économiste Sergio Rossi déclarait à watson il y a quelques semaines que «si on perd les entreprises qui ne sont là que pour la fiscalité, ce n'est pas un mal». D'accord ou pas d'accord?
Cette considération me paraît un peu extrême, car il est très difficile de déterminer quelles sont les entreprises qui ne sont là que pour la fiscalité. Ce qui est vrai, c'est que la source de l'attractivité et de la compétitivité en Suisse est un écosystème. Les entreprises sont attirées par un ensemble d'avantages, du type de ceux que je viens d'énumérer.

Il n'empêche, les charges fiscales font partie des facteurs importants dans les raisons pour les entreprises de s'implanter en Suisse.
Oui. Il y avait la possibilité jusqu'à maintenant de faire en sorte qu'une entreprise soit détenue par une holding dans un pays à faible fiscalité. C'est sur ce plan que la Suisse est concernée au même titre que l'Irlande ou le Luxembourg. On est quelques Etats européens à s'être fait beaucoup d'argent à travers ces avantages fiscaux. Mais le message est là depuis longtemps comme quoi une concurrence basée sur le taux d'imposition ne suffit pas, que cela va disparaître.

L'Irlande, justement, fait partie des neuf pays (sur 139) à ne pas avoir signé l'accord. Peut-on s'attendre à ce que des entreprises basées là-bas viennent en Suisse du moment que les taux d'imposition seront similaires?
Peut-être, mais je crois surtout que la Suisse a signé l'accord parce qu'elle n'avait pas tellement le choix. Les «représailles» si nous n'avions pas signé un tel accord auraient pu être relativement considérables. Nous avons nous-mêmes de très grandes entreprises qui opèrent à l'étranger et qui pourraient être discriminées (le secteur pharmaceutique, Nestlé, etc.). Ce qui n'est pas le cas des Irlandais et qui explique donc qu'ils n'aient pas signé l'accord. Quoi qu'il en soit:

«Les entreprises devront de toute manière se plier à l'accord international global. Elles ne peuvent pas se permettre d'être coupées des grands marchés dont elles dépendent – comme les Etats-Unis – ni d'entrer en conflit avec les administrations fiscales des grands pays»
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source: watson
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