Le sort en est jeté, Eric Zemmour est candidat à la présidence de la République. La vidéo dans laquelle il sollicite le suffrage des Français, publiée ce jour à midi, l’enverra-t-elle en enfer ou au septième ciel? Le proche avenir en décidera.
Nous voilà tout à coup très graves? C’est voulu. C’est surtout voulu par Eric Zemmour. Sa déclaration de candidature est un sommet de gravité politique. Posons le décor: une imposante bibliothèque, une large table de bureau, un micro vintage, derrière lequel un orateur éclairé de trois-quarts, lisant un texte et tournant les pages, invite les Français à retrouver «la passion de la France».
Le cliché évoque la pose du général de Gaulle lors de l’Appel du 18 juin 1940 à Londres, fondateur de la résistance française face à l'Allemagne nazie. La musique est d’une solennité d’avant combat: le deuxième mouvement de la 7e symphonie de Beethoven, qui avait déjà servi au «Discours d’un roi», le film dans lequel Colin Firth, alias George VI, souverain du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, prépare psychologiquement ses sujets à la guerre.
Le communicant Pedro Simko, fondateur de l’agence Saatchi & Saatchi Simko, basée dans le canton de Genève, a visionné la déclaration de candidature d’Eric Zemmour dans son intégralité. Il la commente:
Les plans montrant le désormais candidat Zemmour sont loin de monopoliser les dix minutes de son intervention, entièrement centrée sur ce qu’il juge être l’état de la France. Son discours consiste en une succession de constats alarmants. Mais aussi de raisons d’y croire. Chacun de ses propos est illustré d'images porteuses du sens qu’il entend lui donner.
Ainsi de sa tirade contre les «expériences égalitaristes des pédagogistes et des docteurs Folamour de la théorie du genre et de l’islamo-gauchisme»:
De son laïus sur le «remplacement» (de population), dont la «réalité» aurait été «cachée» aux Français:
De son appel du pied au «peuple», représenté par des gilets jaunes:
De sa défense de l’industrie et de l’artisanat:
Ainsi, encore, de ses références à Rousseau, Voltaire, Hugo, de Gaulle, Jean Moulin – il ne parle plus de Pétain – Gabin, Delon, Bardot, Belmondo, de son évocation du Concorde et des centrales nucléaires.
La France de Zemmour, celle dont il se veut l’héritier et qu’il entend restaurer, s’arrête visiblement à ses souvenirs d’enfance, dans les années 60 et 70. Comprendre: quand l'immigration «musulmane» était moins nombreuse et moins visible. «Une France du "c’était mieux avant"», relève le consultant en communication Pedro Simko.
«En langage publicitaire, je dirais que l’approche travaillée par Zemmour est une approche simpliste, qui touche à l’émotionnel pur, poursuit le communicant. Cela a marché pour Trump. Son "Make America Great Again" s’est montré plus efficace que le wishy-washy (mou du genou) "Strong Together" de son adversaire Hilary Clinton, un "fort ensemble" qui ne faisait de mal à personne.»
La radicalité du discours zemmourien profitera-t-elle électoralement à son auteur? La réponse de Pedro Simko:
Toute la démarche d'Eric Zemmour est précisément de considérer que, cette fois-ci, la victoire se bâtira sur la rupture et non plus sur des idées consensuelles.