Le magazine satirique Charlie Hebdo, victime d'une attaque terroriste islamiste en 2015 ayant fait 12 morts, dont 8 membres de la rédaction, véhiculerait «un récit porteur d'islamophobie». C'est la thèse défendue par Imen Neffati, historienne de la culture et chercheuse junior au sein du programme «Religion et défis frontaliers» à l'Université d'Oxford, dans un article paru ce mardi 3 août dans la revue académique French Cultural Studies.
Dans ce texte aux multiples références universitaires que watson a pu consulter en intégralité, la chercheuse reproche plus précisément à Philippe Val, rédacteur en chef, puis directeur de la publication du titre satirique, de 1992 à 2009, d'y avoir établi la base de cette ligne rédactionnelle qu'elle juge problématique:
Contacté par nos soins, Richard Malka, avocat de Charlie Hebdo connu pour sa défense de la laïcité, de la liberté d'expression et donc du droit de critiquer toute opinion ou religion, ne mâche pas ses mots après avoir reçu notre e-mail avec le lien de l'article: «Ces personnes, sous couvert d'islamophobie, concept éculé utilisé à tort et à travers, cherchent en fait à interdire toute critique de l'islam en tentant de culpabiliser encore et encore les cultures occidentales.» Avant d'ajouter:
Les préoccupations de l'homme de loi concernent également un autre thème, très actuel, l'idéologie à l'université:
Ce sujet est au cœur d'un court essai très remarqué dernièrement, Ce que le militantisme fait à la recherche (Gallimard, 2021). Nathalie Heinich y dénonce une attitude consistant à «cumuler la posture du chercheur qui étudie les phénomènes avec celle de l’acteur qui tente d’agir sur eux».
Ce phénomène débouche, selon la sociologue française, sur «de la recherche au rabais et de la politique de campus». Cette tendance, à l'origine américaine, aurait particulièrement cours dans les facultés de sciences humaines des universités occidentales. Ses marqueurs? A la fois des thèmes (le post-colonialisme, les études genre...) et des thèses (le racisme systémique, la culture du viol...).
Supposons que l'article d'Imen Neffati soit militant. En quoi ce militantisme serait-il dangereux? «Cette démarche véhicule une idéologie victimaire nauséabonde, alimente les haines de manière irresponsable et en l'occurrence assez méprisable compte tenu des circonstances», estime l'avocat et écrivain. La chercheuse, elle, se défend simplement de tout militantisme – c'est d'ailleurs la seule de nos questions à laquelle elle ait donné suite.
Elle n'a par exemple pas souhaité répondre au fait que les chrétiens ont été beaucoup plus visés que les musulmans sur les «unes» de Charlie, comme le montrait une étude rigoureuse publiée en 2015. C'est le grand reproche que fait Richard Malka à toutes les interventions qui, dans le cas de ce journal satirique, font des musulmans les victimes. Alors que, rappelons-le, les morts sont des dessinateurs laïcards et anticléricaux et que même sur le plan du dessin de presse, la cible n'était pas prioritairement la religion de Mahomet:
En tout cas, militantisme ou pas, il fallait s'attendre à ce que la publication de cet article puisse susciter des critiques. Et même la peur que les assassins obtiennent une justification de leurs actes, l'idée étant que Charlie Hebdo serait hostile aux Arabes.
Les personnes qui associent ces derniers aux musulmans – et les musulmans à leur religion – ne sont peut-être pas celles que l'on croit.