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«Arabe de service», l’insulte qui ne passe plus en France

Taha Bouhafs, avec son avocat Arié Alimi (en haut, à droite). La policière syndicaliste Linda Kebbab (en bas. à droite), qui avait porté plainte.
Taha Bouhafs, avec son avocat Arié Alimi (en haut, à droite). La policière syndicaliste Linda Kebbab (en bas. à droite), qui avait porté plainte.image: tweet @Super_Yoyo_fr

«Arabe de service», l’insulte qui ne passe plus en France

Le journaliste et militant français d'extrême gauche Taha Bouhafs condamné pour avoir traité une policière, comme lui d'origine maghrébine, d'«Arabe de service». Ce que cette insulte et ce jugement disent d'une France plombée par son passé colonial.
29.09.2021, 18:0130.09.2021, 16:51
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Le 3 juin 2020 sur Twitter, il avait traité une policière syndicaliste d’origine maghrébine, Linda Kebbab, d’«Arabe de service». Mardi, le tribunal de Paris a condamné le journaliste et militant d’extrême gauche Taha Bouhafs à une peine pécuniaire de 3500 euros. Le 3 mars, un autre militant, salafiste, lui, Idriss Sihamedi, avait écopé de la même condamnation, pour la même insulte, qu'il avait assortie de l’expression «chien caressé par ses maîtres». Il s’en était pris à l’ex-chroniqueuse de Charlie Hebdo, Zineb El Rhazoui, également d’origine maghrébine.

Dans les deux affaires, la justice a considéré que les termes litigieux relevaient de l’injure publique en raison de l'origine. Autrement dit, ils sont racistes.

En France, sur Twitter, les insultes «Arabe de service» ou «nègre de maison» sont fréquentes. Elles visent des individus d’origine maghrébine, d’Afrique noire ou encore des Antilles, dont les propos ne feraient qu’entretenir un système de domination à l’avantage des «Blancs» et par conséquent au détriment des «racisés».

L'antiracisme raciste?

Ces attaques verbales sont le plus souvent le fait de personnes elles-mêmes issues de l’immigration maghrébine ou sub-saharienne. Se réclamant de l’«antiracisme politique» en opposition à l’«antiracisme institutionnel», ces dernières se veulent les héritières des luttes anti-coloniales et contre l’esclavage.

Non sans véhémence, elles reprochent aux individus en question, des policiers, des politiques, des figures des réseaux sociaux, tous ou presque se revendiquant de la laïcité et de l’universalisme à la française, de chercher à plaire au «dominant» pour se faire accepter de lui. Partant, d’alimenter le «racisme systémique», au lieu de le «déconstruire» – la déconstruction des rapports de domination («races», «genres», «patriarcat») est le grand thème du moment de la gauche universitaire.

La condamnation de Taha Bouhafs en ravit plus d’un chez ceux qui essuient à l’occasion des insultes avilissantes.

A commencer par Linda Kebbab, la policière syndicaliste. Taha Bouhafs l’avait donc traitée d’«Arabe de service» après qu’elle eut critiqué une manifestation réclamant la «vérité pour Adama», une jeune homme noir, mort en 2016 lors de son interpellation par des gendarmes. Mardi, elle a twitté ce message:

Mehdi Aïfa n’est pas en reste. Ce jeune homme qui ne fait pas mystère de son homosexualité, n’hésite pas à dire leur fait à des musulmans brandissant leur homophobie «au nom de l’islam». Il est régulièrement agoni d'injures.

Le Printemps républicain, mouvement se réclamant d’une laïcité sans compromission, présidé par Amine El Khatmi, souvent traité lui aussi d’«Arabe de service», prend ici une petite revanche:

D'autres encore dressent un parallèle entre Eric Zemmour et Taha Bouhafs, comme si tous deux étaient désormais réunis dans le même bateau raciste:

L'enfant-roi de la gauche anticolonialiste française

Taha Bouhafs se défend d’être un raciste. Travaillant pour la web-télé LeMediaTV, il s’est fait connaître à partir de 2017. Comme militant à la France insoumise de Jean-Luc Mélenchon, comme agitateur lors des blocus universitaires de 2018, comme celui grâce auquel Alexandre Benalla, un garde du corps d’Emmanuel Macron, a été vu frappant un manifestant en marge du 1er Mai 2018, ce qui vaut un procès actuellement en cours à l'auteur des coups. Taha Bouhafs, infatigable militant, est l'enfant-roi de la gauche anticolonialiste française et de sa mauvaise conscience. Il le sait et il en joue.

Présentement, il réagit à sa condamnation. Il a récemment fait l'objet de multiples menaces pour avoir révélé l'existence d'un fichier de personnalités «islamogauchistes» sur le site d'extrême droite Fdesouche.

Son camarade de lutte Anasse Kazib, délégué syndical Sud Rail, ancien chroniqueur de l’émission «L’Heure des pros» sur CNews, qui nourrirait des ambitions présidentielles, ne reconnaît pas la décision de justice rendue:

Il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas voir que le racisme des propos de Taha Bouhafs n’est pas pareil au racisme de propos explicitement racistes. L’un entend souligner une supposée soumission à un «système raciste». L’autre dénigre au nom de la race.

Ce qu'on en pense:

Il n’en reste pas moins que traiter, tout en se piquant de politique, un individu d’«Arabe de service», est dégradant pour la personne insultée et dangereux pour la paix civile. En effet, cette expression:

  • Maintient la population d’origine maghrébine, partant, celle originaire d’Afrique sub-saharienne, dans une lutte sans fin avec l’ancien colon qui n’aurait jamais cessé de l’être;
  • Rend impossible la normalisation d’une histoire faite de drames;
  • Favorise le ressentiment contre la France;
  • Empêche les personnes ayant été victimes de racisme, pouvant encore y être confrontées, de se reconstruire;
  • Enfin, elle favorise une expression islamiste de l’islam, en faisant de ce dernier un outil de contestation. Tous deux condamnés cette année pour l’expression «Arabe de service», Taha Bouhafs le gauchiste et Idriss Sihamedi le salafiste, témoignent de ce compagnonnage grandement artificiel, sans lendemains, entre progressisme social et rigorisme religieux.
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