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Procès: «Mon fils a été un émir de l’Etat islamique en Syrie»

L'Etat islamique en Syrie et en Irak. Sammy Djedou lorsqu'il était en Syrie et en Irak (médaillon).
L'Etat islamique en Syrie et en Irak. Sammy Djedou lorsqu'il était en Syrie et en Irak (médaillon).image: capture

«Mon fils a été un émir de l’Etat islamique»: une mère témoigne

watson s'est entretenu avec la mère de Sammy Djedou, un Belge converti à l'islam, parti rejoindre l'Etat islamique en 2012 et qui connaissait au moins l'un des complices des attentats du 13 novembre 2015. Bien que présumé mort, un procès pour génocide et crime contre l'humanité à l'endroit des femmes yézidies s'est ouvert contre Sammy Djedou le 3 novembre à Bruxelles. Sa mère est appelée à témoigner ce mercredi.
12.11.2025, 05:3212.11.2025, 09:28

Sammy Djedou est présumé mort. Il aurait été atteint par une frappe de la coalition internationale contre le terrorisme en décembre 2016 en Syrie, où il dirigeait un groupe affilié à l’Etat islamique (EI ou Daech). Sa mort n’étant pas certaine, un procès d’assises pour génocide et crime contre l’humanité s’est ouvert contre lui le 3 novembre à Bruxelles.

Déjà condamné en 2021 à 13 ans de prison pour avoir été l'un des dirigeants de l’organisation terroriste, il aurait également commis des atrocités à l’encontre de plusieurs jeunes femmes de la communauté yézidie en Irak et en Syrie, d’où le présent procès. Selon les enquêteurs, il aurait réduit trois d’entre elles à l’esclavage sexuel, les battant et les violant à plusieurs reprises. Ce mercredi 12 novembre, sa mère, Chantal (prénom modifié), devait être entendue à la barre comme témoin de moralité.

Lawyer Olivia Venet and Lawyer Eva Sierra representing the civil parties pictured during the composition of the jury for the assize trial of Sammy Djedou, at the Assize Court of Brussels Capital Provi ...
Les avocates des parties civiles au procès contre Sammy Djedou ouvert le 3 novembre à Bruxelles. Image: BELGA MAG

En mars 2016, nous avions rencontré Chantal dans les environs de Molenbeek, ce quartier bruxellois d’où est parti le commando des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis. Salah Abdeslam, l’unique survivant du commando, venait d’y être arrêté. C'était quelques jours avant les attentats islamistes dans la capitale belge, qui avaient fait 32 morts et 340 blessés.

Un environnement miné par l'islamisme radical

Pour watson, Chantal, âgée aujourd'hui de 75 ans, retrace le parcours djihadiste de son fils, converti à l’islam à l’adolescence dans un environnement miné par l’islamisme radical. Elle-même a été condamnée – sans inscription au casier judiciaire, affirme-t-elle – pour lui avoir envoyé de l’argent alors qu’il était en zone EI.

Quand votre fils est-il parti en Syrie rejoindre l’Etat islamique?
En 2012 (à cette époque, l’Etat islamique porte encore le nom d’Etat islamique en Irak et au Levant). Il avait 23 ans. Il est parti avec d’autres jeunes. On habitait une commune voisine de Molenbeek, Laeken.

«A Laeken comme à Molenbeek, il y a eu énormément de recrutements pour aller faire le djihad»

Qui a recruté votre fils?
Un prédicateur de rue du nom de Jean-Louis Denis, dit Jean-Louis le soumis, un converti à l’islam (cadre de l’organisation islamiste radicale Sharia4Belgium, il sera arrêté et condamné en 2012 en Belgique, puis libéré en 2018, avant de rejoindre cette année l’Afghanistan).

De quelle religion est votre famille?
On est catholique. J'étais moi-même mariée à un Ivoirien, qui est mort d’un cancer en 2018. Mon fils s’est converti à l’islam en 2004, il avait 15 ans. Il fréquentait de nombreux jeunes musulmans de son âge.

«Un jour, alors qu’il rentrait à la maison, il m’a dit: "Ecoute, je me suis converti à l’islam"»

Quelle a été votre réaction?
Je ne me suis pas énervée sur lui. Je ne l’ai pas chassé de la maison. J’ai accepté. Je me suis dit, si je refuse sa conversion, ça va me coûter quoi?

«Je lui ai dit: "Tu vas vivre ta vie et nous la nôtre"»

Est-ce qu’il fréquentait une mosquée?
Oh oui. C’est l’époque où j’ai divorcé de mon mari. Mon fils a voulu quitter la maison. Il s’est trouvé un appartement à dix mètres de la mosquée qu’il fréquentait. C’était une mosquée qui se situait d'abord dans un garage. Puis dans un bâtiment d’une société informatique qui avait été rachetée pour en faire une mosquée.

Est-ce dans cette mosquée que votre fils a été endoctriné à l’islam radical?
Oui, mais pas uniquement là.

«Il allait aussi chez un fameux imam de Molenbeek, que lui et ses amis vénéraient. Tout cet ensemble a vraiment radicalisé mon fils»

Vous a-t-il prévenu de son départ en Syrie?
Non, du tout. Je devais partir de mon côté en voyage dans ma famille en Allemagne. On s’est dit au revoir le soir de mon départ, on a bu un café ou je ne sais plus quoi à la maison. D’habitude, il me conduisait à la gare quand je devais prendre le train. Mais là, il m’a dit: «Je suis très, très pressé.» Je suis donc partie de mon côté, lui du sien, mais le sien, c’était en Allemagne, avant de rejoindre Ankara en Turquie en bus, puis dans un autre bus je pense, la frontière syrienne.

Est-il parti seul?
A cette époque-là, je donnais des cours d’alphabétisation à cette population où l’islam radical était en train d’infuser. Mais les gens ne disaient rien.

«Un mois ou deux après le départ de mon fils, une femme de mon groupe d’alphabétisation m’a dit: "Je les ai vus partir de la mosquée, ils étaient plusieurs"»

Dans l’intervalle, j’avais tout fait pour essayer de retrouver mon fils. J’imaginais qu’il était parti avec des amis faire une espèce de retraite religieuse en Turquie, mais pas qu’ils allaient en Syrie. Dans mon souvenir, les Turcs étaient à ce moment-là de connivence et ils avaient ouvert les frontières.

Qu’est devenu votre fils chez Daech?

«Il est devenu émir sous le nom de Abou Moussab al-Belgiki. Ça n’a pas plu aux Américains. Il s’est fait droner»

Il a été tué quelque part dans les environs de Raqqa, la capitale de l’Etat islamique en Syrie. Sauf qu’il n’est pas officiellement mort, son décès n’ayant jamais pu être prouvé.

Votre fils connaissait-il des membres du commando du 13 novembre 2015 et de la cellule qui a commis les attentats cinq mois plus tard à Bruxelles?
On peut dire qu’ils se connaissaient tous. D’après les articles que j’ai lus, je sais qu’il connaissait le grand, Mohamed Abrini, dit l’«homme au chapeau», qu’on voit en photo à l’aéroport de Bruxelles, le jour des attentats du 22 mars, et qui, lui, ne se fera pas sauter.

Qu’est-ce que vous direz de votre fils, ce mercredi à son procès?

«Je dirai que c’était un gars très intelligent. Il n’a jamais eu de problèmes à l’école. Il n’a jamais eu de problèmes de discipline. Jamais»

Quand on est arrivé à Laeken, mon fils avait deux ans et demi. Il y avait des Belges, quelques Italiens. Et puis, quelques années après, c’est devenu une rue musulmane. C’est une famille en particulier, où il n’y avait que des garçons, qui l’a endoctriné, à mon avis. La mère était très radicalisée. Je pense que c’est au contact de ces jeunes, que mon fils a pris la décision de se convertir.

Comment réagissez-vous aux graves accusations dans son actuel procès pour génocide et crime contre l’humanité?

«Je comprends les femmes yézidies qui lui intentent ce procès»

Elles veulent avoir leur voix au chapitre et faire valoir leurs droits. Je suis moi-même pour les droits des femmes. J’ai été élevée par ma mère dans un esprit féministe.

En admettant que les actes qui lui sont reprochés soient vrais, les imputeriez-vous à sa dérive au sein de l’Etat islamique?
Oui, j’en suis convaincue. Lui n’était pas ce genre de garçon. Il ne courait pas les filles.

«Il a été pris dans une mouvance diabolique avec son groupe. En Belgique, il n’aurait pas fait ce dont on l’accuse»

Sa radicalisation était encore si l’on peut dire modérée jusqu’en 2012. Après c’est devenu de la folie. Il devait être pris dans un engrenage. Il avait des gens au-dessus de sa tête. Mes amis en Belgique ne l’ont jamais connu comme ça. Mes sœurs et frères sont effrayés de ce qu’ils lisent. On ne parle pas de ça. Qu’est-ce que vous voulez qu’on dise?

Habitez-vous toujours Laeken?
Non, j’habite Saint-Gilles, un autre quartier de Bruxelles.

Qu’est-ce qui a changé depuis l’époque où votre fils est parti en Syrie?

«C’est catastrophique. Avant, il y avait des espèces de types qui tournaient pour faire du prosélytisme. Maintenant, c’est la drogue»

Un mal a pris le dessus sur l’autre. Je préférais à la limite, je dis ça comme ça, que mon fils soit pris en main par cette religion (l’islam), plutôt que d'être sous l’emprise de la drogue. J’analyse ça en tant que citoyenne qui va faire ses courses. Et je vois.

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