Selon une fuite rapportée par le média politique américain POLITICO, la cour suprême des États-Unis s'apprête à abolir l'arrêt historique «Roe v. Wade» qui protège le droit des femmes à avorter.
Si c'est le cas, les États-Unis reviendront à la situation en vigueur avant 1973, quand chaque État était libre d'interdire ou d'autoriser les avortements. Pour l'ancienne secrétaire d'État américaine Hillary Clinton, cette décision est une véritable honte. Selon elle, cette décision «tuera et assujettira les femmes alors même qu'une vaste majorité d'Américains pense que l'avortement devrait être légal.»
Cela fait plusieurs années que l'accès à l'avortement aux États-Unis est en train de reculer. En 2016 déjà, le Washington Post rapportait que le mouvement «pro-vie» (ceux qui pensent que l'avortement devrait être interdit) avait le vent en poupe.
Ceux-ci avaient réussi à faire passer une trentaine de lois dans 14 États pour rendre l'accès à l'avortement plus difficile, marquant la cinquième année consécutive où un grand nombre de restrictions à l'avortement ont été adoptées.
Et d'après le Washington Post, rien qu'en 2011, les législatures républicaines ont adopté quelques 92 lois limitant les avortements. Les cinq années (entre 2011 et 2016) représentent un quart de toutes les restrictions à l'avortement depuis sa légalisation en 1973. Une accélération du nombre de lois antiavortement sans précédant.
Plus récemment, en septembre dernier, une loi interdisant la plupart des avortements est entrée en vigueur au Texas. Celle-ci interdit tout avortement après la sixième semaine de grossesse (dès que les battements de cœur du fœtus sont perceptibles) et encourage les gens à dénoncer les contrevenants.
A couple hundred people or so have gathered tonight outside of the Supreme Court to protest the draft decision overturning Roe v Wade. They're chanting slogans like "abortion is healthcare" and "my body, my choice." pic.twitter.com/kIFwLjBDAP
— Paul McLeod (@pdmcleod) May 3, 2022
Depuis, de nombreux États ont continué à adopter des lois qui vont à l'encontre de l'arrêt «Roe v Wade». Si ces lois sont contestées jusqu'à la Cour suprême, celle-ci devra réexaminer la question et décider de la portée du droit à la vie privée établi dans l'arrêt Roe. Et c'est exactement ce qui se passe aujourd'hui.
L'affaire qui a tout chamboulé? Le cas (toujours en cours) qui oppose, Thomas Dobbs, actuellement responsable de la santé au sein du département de la santé de l'État du Mississippi et la clinique Jackson Women's Health Organization.
En 2018, une loi au Mississippi avait interdit les avortements après 15 semaines, soit environ deux mois plus tôt que ce qu'autorise l'arrêt «Roe v Wade». Elle n'est jamais entrée en vigueur en raison d'une contestation juridique immédiate.
Pour Jackson Women's Health Organization, seule clinique d'avortement au Mississippi, la viabilité du fœtus est impossible à 15 semaines, preuves à l'appui. D'après le New York Times, la plupart des experts estiment que la viabilité du fœtus se situe à environ 24 semaines. En revanche, d'après l'État, un fœtus atteint des développements physiologiques importants à 15 semaines et les avortements sont plus risqués pour la mère à ce stade de la grossesse.
Un verdict de la Cour suprême est attendu d'ici fin juin, début juillet. Si le projet d'avis de la Cour suprême (qui a fait l'objet d'une fuite aujourd'hui) s'avère être similaire à l'avis final de la Cour, cela annonce de sombres prédictions pour l'avenir des droits reproductifs aux États-Unis et dans le monde.
D'après The Guardian, le Congrès n'a jamais inscrit dans la loi le droit d'interrompre une grossesse. Les femmes enceintes s'appuient essentiellement sur l'arrêt «Roe v. Wade» depuis près de 50 ans.
An extremist Supreme Court is poised to overturn #RoeVWade and impose its far-right, unpopular views on the entire country. It's time for the millions who support the Constitution and abortion rights to stand up and make their voices heard. We're not going back—not ever.
— Elizabeth Warren (@SenWarren) May 3, 2022
Si les juges décidaient de rendre un arrêt qui permettrait d'interdire l'avortement à un stade beaucoup plus précoce de la grossesse, cela annulerait le jugement «Roe v. Wade». Et si, l'arrêt «Roe v. Wade» est annulé, près de la moitié du pays pourrait être soumis à une interdiction stricte de l'avortement.
Cela est dû aux lois dites «déclencheuses» qui entreraient en vigueur dès l'annulation de l'arrêt Roe. Ces lois ont été mises en place par les législateurs en attendant le jour où la Cour suprême décidera qu'il n'existe pas de droit constitutionnel à l'avortement.
Selon The Guardian, si l'arrêt Roe est annulé, 26 États devraient prendre des mesures pour interdire l'avortement de diverses manières. Il est important de rappeler qu'il est toujours possible que les votes changent, mais si la cour se prononce dans le sens suggéré, les conséquences seront rapides et considérables.
Selon The Guardian, depuis 1994, au moins 50 pays ont libéralisé les lois sur l'avortement, et aujourd'hui 970 millions de femmes, soit 59% de la population féminine mondiale en âge de procréer, vivent dans un pays où l'avortement est largement légal et disponible.
Le rapporteur des Nations unies pour le droit à la santé, le Dr Tlaleng Mofokeng, a déclaré au Guardian que si les États-Unis autorisaient les États à interdire l'avortement, ils violeraient immédiatement le droit international des droits de l'homme, y compris la convention contre la torture, à laquelle les États-Unis sont parties.
Selon Amnesty International, cinq millions de femmes sont hospitalisées chaque année pour le traitement de complications liées à un avortement et qu'environ 47 000 femmes en meurent dans le monde. Les États-Unis ont le taux de mortalité maternelle le plus élevé de tous les pays développés. Ils ont également les lois les plus restrictives en matière d'avortement.