Depuis l'avancée de l'armée ukrainienne dans la région de Koursk, en Russie, une structure fait particulièrement parler: la centrale nucléaire de Koursk, située à une soixantaine de kilomètres de la frontière ukrainienne. Vendredi, la Russie a accusé l'Ukraine de l'avoir attaquée avec un drone. Il s'agirait d'un acte de «terrorisme nucléaire», selon l'agence de presse publique russe Tass qui cite la porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Moscou.
Les accusations russes semblent toutefois infondées au vu des images publiées par Tass. D'une part, elles ne montrent pas que le drone a attaqué la centrale nucléaire. D'autre part, le drone représenté n'a pas la force de frappe nécessaire pour endommager sérieusement le bâtiment – de plus, les images publiées par la Russie montrent un drone qui ne peut être piloté que sur quelques kilomètres.
👉 Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine 👈
Pourtant, les centrales nucléaires sont souvent prises pour cible dans cette guerre. La question se pose: que se passera-t-il si la centrale nucléaire de Koursk est vraiment frappée par une lourde attaque? Rafael Grossi, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), met en garde contre un «deuxième Tchernobyl» dans une interview accordée à l'agence de presse Bloomberg. En effet, le réacteur installé à Koursk est de conception identique à celui de Tchernobyl, qui a explosé en 1986.
Sören Kliem, expert en sécurité des réacteurs au centre Helmholtz de Leipzig, relativise la dangerosité de la situation:
Cela tient à la nature d'une attaque contre une centrale nucléaire. En effet, un missile ne peut endommager que des parties du réacteur. Les éléments de combustible dans le réacteur sont sécurisés séparément, la probabilité d'un accident dévastateur est par conséquent faible.
Cependant, même un accident mineur, dans une centrale nucléaire, peut libérer des radiations.
La chaleur résiduelle du réacteur ne pourrait alors plus s'évacuer, «un peu comme lors de la catastrophe nucléaire de Fukushima.» Mais l'expert rassure:
Pourquoi Grossi, chef de l'AIEA, voit-il malgré tout un risque de catastrophe? Dans une interview accordée à Bloomberg, il explique qu'il n'y a pas de dôme de protection en béton sur la centrale nucléaire de Koursk, qui pourrait protéger les réacteurs d'un tir d'artillerie.
La Russie et l'Ukraine veulent probablement éviter une bataille autour de la centrale nucléaire – même si des rapports indiquent déjà que des soldats russes creusent des tranchées autour de l'infrastructure.
Si les combats à Koursk atteignent la centrale nucléaire, l'AIEA recommande que la puissance qui défend l'endroit le remette aux assaillants. Il n'est pas certain que la Russie mettrait en œuvre cette proposition.
Notons que pour l'Ukraine, une éventuelle conquête de la centrale nucléaire de Koursk pourrait revêtir une importance stratégique – non pas pour obtenir de l'électricité, car la pose de lignes à haute tension à travers une zone occupée et disputée serait probablement trop risquée. Mais une centrale nucléaire russe contrôlée par l'Ukraine serait un gage précieux lors d'éventuelles négociations sur un échange de deux centrales.
L'Ukraine pourrait ainsi se retirer de la centrale nucléaire de Koursk en échange du contrôle, par la Russie, de la centrale nucléaire de Zaporijia, conquise en 2022. Aucun signe d'un tel échange n'est, toutefois, visible sur les champs de bataille.
Une centrale nucléaire conquise serait certainement précieuse à la table des négociations et Kiev tente au moins de s'implanter dans la région de Koursk. Les soldats ukrainiens ne se contentent pas d'avancer pour gagner du terrain. Ils construisent aussi d'importantes défenses dans toute la région. On peut présumer, en conclusion, que l'Ukraine veut garder les territoires conquis jusqu'au début d'éventuelles négociations de paix, en guise de troc en somme.
Traduit et adapté par Chiara Lecca