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Une proche de Zelensky: «Les Russes ne seront jamais nos amis!»

Yevheniya Kravchuk en compagnie du président ukrainien.
Yevheniya Kravchuk en compagnie du président ukrainien.Image: aargauerzeitung
Interview

Une élue proche de Zelensky: «Les Russes ne seront jamais nos amis!»

Yevheniya Kravchuk, 36 ans, est une proche alliée de Volodymyr Zelensky. Ancienne journaliste, elle a été sa responsable de la communication et siège désormais au Parlement pour le parti au pouvoir. Elle raconte pourquoi l'attaque de la Russie lui rappelle Hitler et nous donne également un aperçu de sa vie de famille en temps de guerre.
24.05.2022, 17:0024.05.2022, 17:08
Florence Vuichard, Patrik Müller / ch media
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Vous faites partie d'une délégation de cinq femmes parlementaires ukrainiennes. Pourquoi n'y a-t-il que des femmes? Est-ce parce que les hommes doivent se battre et ne peuvent pas quitter le pays?
C'était le cas juste après l'invasion. Maintenant, les membres masculins du Parlement peuvent aussi voyager. Mais nous, les femmes, avons bien travaillé ensemble jusqu'à présent. Nous étions ensemble à Washington, au Canada et au Parlement européen.

«Nous nous considérons comme le bataillon diplomatique féminin»

C'est un état d'esprit guerrier.
Tout le monde en Ukraine apporte sa contribution pour que la victoire se rapproche. Chacun fait ce qu'il peut. En tant que parlementaire, je peux venir à Davos, je peux rencontrer des gens importants. C'est mon rôle. Mon mari est en guerre. Après l'invasion, il a dû rester dans son département, nous ne nous sommes pas vus pendant plus de 40 jours. Il m'a d'ailleurs donné quelque chose à montrer à tout le monde ici à Davos.

Quoi donc?
(Fouillant dans son sac à main) C'est une partie d'un missile Iskander, c'est comme une bille. C'est un morceau de la fusée qui a frappé là où se trouvait mon mari. Il a pris la balle avec lui. La guerre touche chaque famille en Ukraine. 12 millions de personnes ont dû se déplacer: 7 millions à l'intérieur de l'Ukraine, 5 millions à l'étranger. Nous ne parlons volontairement pas de réfugiés. Ce ne sont pas des réfugiés, les gens ne veulent pas partir. Ils veulent revenir et beaucoup sont déjà revenus.

«Notre objectif est de gagner et de mener une vie normale»
Le mari de Yevheniya Kravchuk lui a donné un morceau de missile à montrer à tout le monde à Davos.
Le mari de Yevheniya Kravchuk lui a donné un morceau de missile à montrer à tout le monde à Davos.Image: aargauerzeitung

Le WEF aurait également souhaité accueillir Volodymyr Zelensky à Davos.
Il était clair dès le départ qu'il ne pouvait intervenir que par vidéo. Le président Zelensky doit rester en Ukraine, c'est son boulot.

Auparavant, vous étiez sa directrice de la communication. Zelensky a déjà gagné la guerre de l'image et de l'information. Quel est son secret?
Zelensky n'est pas un politicien. Il s'est lancé dans la politique en y apportant du bon sens. Il parle clairement, il dit ce qu'il doit dire en temps de guerre et il n'utilise pas de formules diplomatiques. Il aurait eu la possibilité de quitter le pays et a dit à la place: je n'ai pas besoin qu'on me ramène, j'ai besoin de munitions. Cela a boosté l'esprit des gens en Ukraine. L'Occident a sous-estimé ce dont l'Ukraine est capable.

«Actuellement, 94 % des gens en Ukraine sont convaincus que nous allons gagner. Et ils mettent tous leurs efforts dans cette victoire»

Peu de gens auraient pensé au départ que l'Ukraine pourrait tenir tête à la toute-puissante armée russe.
Quand on croit en quelque chose, on peut réaliser l'impossible. Poutine voulait balayer le gouvernement en trois jours, aujourd'hui nous avons toujours un gouvernement opérationnel sur place, nous avons aussi un parlement opérationnel qui se réunit chaque semaine.

Y a-t-il encore des conflits entre partis politiques en Ukraine?
Trois de mes collègues parlementaires, qui sont ici avec moi à Davos, font partie de l'opposition. Nous nous sommes beaucoup disputés par le passé, notamment à la télévision. Mais maintenant que le sort du pays est en jeu, nous devons nous serrer les coudes. Ce n'est qu'ensemble que nous pouvons gagner.

Vous dites que Zelensky n'est pas un homme politique. Qu'est-ce qu'il est alors? Un talent naturel? Ou est-il simplement très bien conseillé?
Ce qu'il accomplit en ce moment ne s'apprend pas. Soit on a cette force en soi, soit on ne l'a pas. Zelensky l'a. Il trouve les mots justes. Quand il s'adresse par exemple à la Finlande, il rappelle l'attaque des Russes sur la Finlande en 1939. Il est important de trouver le chemin vers le cœur des gens. Car si nous atteignons les gens dans les pays occidentaux, ils feront pression sur leurs gouvernements pour qu'ils nous apportent une aide supplémentaire.

Que signifie pour vous gagner la guerre?
Tout d'abord, nous devons libérer tous les territoires qui ont été occupés depuis le 24 février. La victoire ne sera néanmoins pas complète si nous ne récupérons pas nos frontières que nous avons obtenues en 1991 lors de notre indépendance.

Cela signifie-t-il que la Crimée doit également faire partie à nouveau de l'Ukraine?
Oui, si la justice n'est pas rétablie, c'est une défaite. Si un pays enfreint une loi et n'est pas puni, alors ce pays continuera à enfreindre la loi. De plus, il faut un nouveau plan Marshall pour l'Ukraine afin de rétablir l'économie et les infrastructures.

L'Occident est désormais du côté de l'Ukraine. Ce n'était pas aussi clair en 2014 lors de l'annexion de la Crimée.
En effet, nous sommes en guerre depuis huit ans. Le monde n'est pas intervenu. On s'est manifestement efforcé de ne pas contrarier davantage l'agresseur. Et qu'est-ce que cela a donné? Rien du tout. Désormais, nous sommes en guerre dans toute son ampleur. C'est la leçon que nous devons tirer de l'histoire. En fait, nous avons déjà connu cela lors de la Seconde Guerre mondiale avec l'invasion de la Pologne, lorsque tout le monde pensait qu'Hitler se contenterait de ne plus être provoqué.

«Poutine n'a cessé de repousser les limites, mais les gouvernements occidentaux n'ont pas réagi avec suffisamment de détermination. Aujourd'hui, nous en payons le prix»

Le WEF a également offert une plateforme à Poutine à plusieurs reprises. La dernière fois était en janvier 2021, lorsqu'il a été connecté virtuellement.
Le monde a changé depuis ce 24 février. Il est désormais tout simplement important de ne pas conclure rapidement un quelconque traité de paix dans lequel l'Ukraine devrait renoncer à une partie de son territoire afin que tout le monde puisse revenir à la normale.

«Les bonnes paroles ne servent à rien, tous les efforts de Macron ou de Scholz n'ont rien donné»

Poutine ne comprend que le langage du pouvoir. De plus, cette guerre est un conflit entre la démocratie et un régime totalitaire, entre la démocratie et la dictature. Et si la démocratie n'est pas capable de se défendre, alors le monde entier est en danger. Aujourd'hui encore, des voix s'élèvent pour chercher des moyens de permettre à Poutine de sauver au mieux sa face. Pouvez-vous l'imaginer? Qui aurait demandé en 1941 comment on pouvait aider Hitler à sauver sa face.

Le mari de Yevheniya Kravchuk est restée en Ukraine pour se battre.
Le mari de Yevheniya Kravchuk est restée en Ukraine pour se battre.Image: aargauerzeitung

La Suisse en fait-elle assez?
C'est une bonne chose que la Suisse soutienne les sanctions, en particulier parce que de nombreux oligarques ont leurs biens ici et aiment vivre dans votre pays. Mais la Suisse pourrait faire plus. Elle pourrait surtout apporter une aide financière plus importante, par exemple pour la reconstruction des infrastructures ou des biens culturels. Jusqu'à présent, elle n'a parlé que de quelques dizaines de millions, ce n'est pas beaucoup.

Un jour, la paix sera rétablie. Combien de temps faudra-t-il pour que les deux peuples autrefois amis rétablissent leurs liens?
(interrompt) Les Russes ne sont pas nos amis! Et nous ne serons jamais amis.

Mais la population et Poutine, c'est autre chose...
70% des Russes soutiennent cette guerre. 70%! Ce n'est pas seulement Poutine, c'est un faux message.

«Les Russes soutiennent Poutine, ils votent pour lui»

Il n'y a pas d'opposition en Russie.
Oui, des opposants sont tués ou se retrouvent en prison. La situation est difficile, dangereuse. En Ukraine, nous avons pourtant eu deux révolutions, nous sommes descendus dans la rue, nous avons chassé le gouvernement. Les gens ont le choix d'avoir un avenir de liberté ou non. Nous avons maintenant notre État indépendant et nous allons nous battre pour cet État indépendant. Car si nous perdons cet État, nous deviendrons des esclaves russes.

Cela signifie-t-il qu'il n'y aura pas de réconciliation?
Il n'y aura de réconciliation que si la population russe admet qu'elle avait tort.

Traduit de l'allemand par Nicolas Varin

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