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Tremblement de terre

Séisme en Turquie: «Erdogan ne peut pas négliger les rescapés»

Séisme en Turquie: «Erdogan ne peut pas négliger les rescapés»
Le Français Christophe Petit-Tesson s'est rendu de nombreuses fois dans les zones de Turquie et de Syrie frappées par le séisme.

Séisme: «Erdogan ne peut pas se permettre de négliger les rescapés»

Photographe à l'agence EPA, le Français Christophe Petit-Tesson s'est rendu de nombreuses fois dans les zones de Turquie et de Syrie frappées par le tremblement de terre. Etat du bâti, réseau hospitalier, effets politiques: il réagit à la catastrophe.
07.02.2023, 17:1008.02.2023, 08:23
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Quelle est précisément la région touchée par le tremblement de terre?
Le tremblement de terre a frappé au sud de la Turquie et au nord de la Syrie. La zone touchée est une bande qui part, côté turc, de la mer Méditerranée, à l’ouest, dans la région d’Iskenderun, Alexandrette en français, et qui va jusqu’à Diyarbakir, 400 km à l’est à vol d’oiseau. En Syrie, la partie atteinte est un peu plus restreinte, mais elle est tout aussi affectée en termes d’intensité, surtout entre Alep, à l’est, et Idleb, à l’ouest.

«Double peine»

Cette zone nord de la Syrie est l’une des dernières en guerre en Syrie.
Côté syrien, c’est la double peine. Cette région est partagée entre zones rebelles, occupées par des factions de l’ancienne Armée syrienne libre, et zones tenues par le gouvernement de Bachar al-Assad. Tout ce qui est autour d’Alep est plutôt aux mains du régime, alors qu’Idleb est plutôt contrôlé par les rebelles. Cette situation complique encore plus l’acheminement des secours, qui ne peuvent pas arriver ou que difficilement. La Syrie est sous le coup de sanctions internationales, ce qui empêche les avions porteurs de l’aide humanitaire de se poser.

Peut-on espérer que ces sanctions soient exceptionnellement levées dans les prochaines heures?
Des contacts que j’ai sur place et que j’ai relayés sur les réseaux sociaux demandent une suspension temporaire de toutes les sanctions. Des avions pourraient se poser à Alep. De l’aide pourrait passer par la frontière turque, qui n’est pas très loin.

«Il me paraîtrait humainement normal que les Syriens puissent bénéficier aussi de l’aide humanitaire internationale»

Vous qui vous êtes rendu souvent dans la région, y avez-vous déjà ressenti des secousses sismiques?
Oui, c’était de nuit, à Diyarbakir, dans un hôtel qui donnait sur la grande place de la ville. On avait ressenti une secousse. Tout le monde était sorti de sa chambre pour se rendre dans la rue. Ce n’était qu’une petite alerte.

Quel est le réseau hospitalier?
Le côté turc n’a rien à voir sur ce plan-là avec le côté syrien, un pays en guerre et désorganisé, royaume de la débrouille. Côté turc, même si ce sont des régions qui ne sont pas parmi les plus favorisées du pays, il y a un réseau d’hôpitaux publics, d’ambulances, de médecins et de fonctionnaires territoriaux, qui est très bien organisé. La Turquie est un pays moderne. Passé le premier choc, je pense que les Turcs parviendront à gérer l’urgence. On peut constater que le gouvernement a mis un peu de temps avant de décréter l’état d’urgence.

«Des milliers de logements construits en quelques mois»

De quoi le bâti est-il fait, côté turc, dans les régions touchées?
C’est beaucoup de béton. Le bâtiment est l’une des industries de pointe de la Turquie. De nombreuses entreprises de construction s’exportent à l’international. En Turquie même, on construit de gros projets immobiliers, appelés des toki. Ce sont des milliers de logements réalisés en quelques mois, sur le même modèle, celui de tours rectangulaires.

Est-ce que des normes de construction pourraient ne pas avoir été respectées?
Des entreprises les respectent, d’autres seront moins regardantes. En Turquie, il y a de la corruption, mais aussi du copinage, des élus locaux qui font travailler leurs copains qui ont une entreprise du bâtiment.

«Il ne s’agit pas d’incriminer des gens, mais on peut supposer que toutes les normes de construction ne soient pas respectées tout le temps»

De ce que vous avez pu constater sur les images, les bâtiments effondrés sont-ils plutôt anciens ou récents?
Ce que je constate, c'est que parmi les ouvrages détruits, il y a des bâtiments modernes, érigés lors des grands programmes des années 1990 et début 2000, quand il y a eu le boum économique en Turquie.

Qu’en est-il du bâti côté syrien?
En Syrie, rien de neuf et solide n’a été bâti depuis dix ans. Ce sont des habitats généralement très dégradés, sans entretien. Sur certaines images, on voit des villages entiers mis par terre. L’effet sur le bâti en Syrie me paraît encore plus catastrophique qu’en Turquie, encore qu’en Syrie, on soit sur des immeubles de moins grande hauteur. A part à Alep, on a peu d’immeubles de dix ou quinze étages.

«Le parti pro-kurde HDP est très présent»

Cette catastrophe peut-elle avoir des effets politiques à court et moyen termes?
Probablement. Des élections présidentielles et législatives doivent avoir lieu en mai prochain, le président Erdogan étant candidat à sa réélection. Jusqu’au drame, il n’était pas donné favori. Les régions turques touchées par le tremblement de terre ne sont pas très favorables à l’AKP, le parti présidentiel. Le parti pro-kurde HDP est très présent dans toutes ces zones qu’on pourrait appeler le Kurdistan, même si, en Turquie, cette notion n’existe pas.

Si Erdogan met beaucoup d’énergie et d’humanité dans l’aide aux habitants frappés par le séisme, cela pourrait lui être électoralement profitable, à raison, d’une certaine manière, non?

«Oui, et Erdogan n’aura pas vraiment le choix. Il ne peut pas se permettre de négliger les rescapés, la reconstruction, la gestion de la crise en général»

Avez-vous des contacts sur place qui ont été touchés par le tremblement de terre?
Oui, j’en ai en particulier en Syrie, dans la communauté arménienne. Des familles touchées relatent le décès de leurs proches sur les réseaux sociaux. Côté turc, j’ai un ami journaliste qui travaille sur la zone. Mais il est compliqué d’avoir des nouvelles. Il y a pour l’heure un grand nombre de disparus.

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