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Présidentielle 2022

Présidentielle 2022: «La gauche ne pourra pas revenir au pouvoir»

François Hollande sous la pluie. Ile de Sein, août 2014.
François Hollande sous la pluie. Ile de Sein, août 2014.image: montage Sainath bovay
Présidentielle 2022

«La gauche française ne pourra pas revenir au pouvoir»

Le politologue Gérard Grunberg analyse les raisons de l'effondrement de la gauche française et notamment du Parti socialiste (PS), au plus mal dans les sondages à sept mois de l'élection présidentielle.
27.09.2021, 19:0528.09.2021, 19:40
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A 200 jours de la présidentielle française, la gauche est au plus bas. Socialistes, verts, mélenchonistes, communistes, extrême gauche, tous réunis, ces partis ne parviennent même pas à 30% des intentions de vote. Pourquoi la gauche est-elle si faible?
Gérard Grunberg: Avec l’explosion du Parti socialiste en 2017, qui a perdu la moitié de ses électeurs, partis vers Emmanuel Macron, il n’y a plus de parti dominant à gauche. Aucune formation de ce bord ne peut ébaucher ne serait-ce qu’une alliance électorale susceptible de gagner. Le fait qu’il n’y ait plus de parti dominant a entraîné une fragmentation comme on en a rarement vue, puisqu’il va y avoir sept candidats à la présidentielle pour se partager 25 à 30% des voix. Et pas un ne semble pouvoir faire mieux que 10%.

Pas de majorité pour gouverner, donc.
En effet. Non seulement, il n’y a plus en France de parti de gouvernement à gauche comme en Allemagne, mais il n’y a plus non plus de perspective d’arriver au pouvoir, ni même au second tour de l’élection présidentielle. La gauche accuse une énorme perte de crédibilité. Ce n’est absolument pas le cas des sociaux-démocrates allemands du SPD, un parti qui sera peut-être appelé à former le futur gouvernement. On connaît l’histoire des divisions entre aile gauche et aile droite au SPD, mais il a tenu bon, même lorsqu’il formait un gouvernement d’alliance avec la droite de l'Union chrétienne-démocrate d'Allemagne (CDU).

Gérard Grunberg. Directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et directeur du site www.telos-eu.com.
Gérard Grunberg. Directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et directeur du site www.telos-eu.com.image: françois grunberg

Rien de cela chez les socialistes français…
Le PS s’est cassé en deux. Ce qu’il en restait, était la frange la moins sociale-démocrate, celle la moins disposée à des compromis avec le centre ou la droite.

«On a pu voir ces dernières années que tous les partis de gauche, y compris le PS, ont fait d’Emmanuel Macron leur ennemi principal en le taxant de libéral ou d’ultra-libéral. Ce qui fait d’ailleurs rire quand on voit la politique menée, très peu libérale»

Qu’est-ce qui a provoqué l’explosion du PS, qui était le parti leader à gauche?
Il y a eu le tournant de la politique de l’offre en faveur des entreprises durant le quinquennat de François Hollande (2012-2017). Sont alors apparus les «frondeurs» au sein du PS. Ils ont affaibli Hollande, au point de l’empêcher de se représenter. La primaire de 2016 devant départager les candidats socialistes à la présidentielle de 2017, a montré le gouffre qu’il y avait entre Benoît Hamon, l’un des frondeurs, et Manuel Valls, sur une ligne sociale-démocrate.

Et Benoît Hamon s'imposa à la primaire socialiste. Décidément, la social-démocratie, ça ne prend pas en France. Pourquoi cela?
Pour comprendre, il faut remonter à l’origine de la gauche française. Quand est créé un Parti socialiste unifié en 1905, c’est à partir de deux ailes, celle de Jean Jaurès, qu’on dirait aujourd’hui modérée, et celle de Jules Guesde, radicale; ils étaient déjà en désaccord fondamental. Le PS était un parti faible. Il le restera. En 1920, sa majorité faisait défection pour créer le Parti communiste. Plus tard, le PS n’a jamais totalement accepté les institutions de la cinquième République fondées en 1958 par le général de Gaulle.

Il y eut quand même François Mitterrand, premier président socialiste sous la cinquième République, élu en 1981, réélu en 1988.
Sauf que Mitterrand n’était pas vraiment un homme de gauche au départ. Non, le PS ne s’est adapté ni aux institutions, ni aux changements en économie, ni aux mutations du monde. Contrairement au SPD allemand, en 1959 lors d'un congrès resté célèbre, il n’a pas fait son «Bad Godesberg», c’est-à-dire sa conversion l'économie sociale de marché.

«Il y a toujours eu au PS une mauvaise conscience d’exercer le pouvoir en régime capitaliste»

La question de l’islam et des banlieues n'a-t-elle pas aussi également fracturé le PS?
Electoralement, stratégiquement, oui. Sur un plan tout à fait tragique, c’est au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, que François Hollande, alors président de la République, décidait la déchéance de nationalité pour les binationaux nés français, impliqués dans des crimes terroristes. Or le PS était contre cela. Hollande, d'ailleurs, se ravisa. Et puis vous savez, pour en revenir aux questions de doctrine, dans l’inconscient marxiste du PS, il y a toujours eu l’idée qu’il valait mieux s’aligner avec ce qui était à gauche qu'avec ce qui était à droite. C’est quand même très différent du SPD allemand qui préfère se lier à la CDU qu’avec un parti de gauche comme Die Linke.

«Il ne faut jamais l'oublier»

Pour le PS, reste-t-il la possibilité d’une alliance avec les écologistes? Est-ce encore une piste réaliste?
Pour rester dans la comparaison avec l’Allemagne, il y a autant de différences entre le SPD et le PS qu’entre les Grünen et les Verts. Le parti Verts en France est un parti d’extrême gauche, il ne faut jamais l’oublier. Il ne se pose pas la question de la gouvernance, ni celle de son inscription dans le jeu national. Il est dirigé par des gens qui ont une vision extrême de l’écologie et qui se revendiquent antilibéraux, comme les socialistes, comme les communistes. L’antilibéralisme est le seul point qui les rallie tous à gauche, mais ce n’est pas suffisant pour former une force de gouvernement.

A vous entendre, la social-démocratie à l’allemande est aujourd’hui chez Macron.
En bonne partie, oui. Macron, qui incarne le centrisme, a bien plus à craindre de la droite que de la gauche.

Comment dépasser 6%?

Anne Hidalgo, la maire de Paris, s’est déclarée candidate. Elle a le soutien du PS. Son image, indépendamment des intentions de vote en sa faveur, très basses à 4,5%, n’est pas celle d’une antilibérale, non?
Comme vous dites, elle a le soutien du PS. Or, le PS a une image de parti antilibéral, ce qui le place en dehors d’une dynamique de gouvernement. Et puis comment voulez-vous qu’Anne Hidalgo s’en sorte, quand le candidat PS en 2017, Benoît Hamon, n’avait pas fait mieux que 6%, en l’absence en plus, à l'époque, d’un candidat écologiste, ce qui ne sera pas le cas en 2022?

A quelle branche de la gauche française raccrocheriez-vous Jean-Luc Mélenchon, le leader de la France insoumise, le mieux placé à gauche dans les sondages, autour de 10%?
Même s’il a adhéré un temps au PS, fondamentalement, c’est un communiste. Cela se voit sur ses positions de politique étrangère. Il est toujours du côté de Poutine en Russie, de Maduro au Venezuela. Il est anti-Alliance atlantique (OTAN), il est anti-occidental. Il est même allé jusqu’à dire que notre sécurité serait mieux défendue par Poutine que par les Américains.

«La social-démocratie a fait ce qu’elle avait à faire»

Est-ce que la France peut retrouver un jour un candidat, une candidate de gauche, ayant des chances de gagner et de gouverner?
Je ne crois pas. Parce que pour cela, il faudrait que la gauche soit majoritaire dans ce pays, or on vient de voir qu’elle est de plus en plus minoritaire. Ensuite, parce que, vu la manière dont elle est constituée, elle est incapable de faire son Bad Godesberg, autrement dit de se réclamer clairement de l’économie de marché.

Si la gauche en France, et l'on pense d’abord au Parti socialiste, n’est plus en mesure de gouverner, n’est-ce pas aussi parce que son programme social, dans un cadre démocratique fait d’égalité mais peut-être encore plus de libertés, est grandement réalisé? Pour un Suisse, la France est à gauche pour ainsi dire depuis toujours.
Vous soulevez un point important, théorisé par des politologues en France et ailleurs. A savoir que la social-démocratie a fait ce qu’elle avait à faire. Qu’elle avait au fond épuisé son programme. En Allemagne, le SPD a pris acte de cela. Contrairement au PS en France.

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