Parmi les rituels du mois de décembre, il y en a un qui est particulièrement attendu par les utilisateurs de Spotify: chaque année, la plateforme musicale dévoile à chacun #SpotifyWrapped, soit son top 5 des morceaux qu'il a le plus écoutés au cours des douze derniers mois.
La plateforme suggère ensuite de partager le résultat avec sa communauté. D'où l'avalanche de stories Instagram (dont on n'a pas grand-chose à carrer, soyons honnêtes) sous lesquelles on croule depuis deux jours.
Sur Terre, on peut ainsi distinguer deux types de personnes:
Essoufflé de voir tous vos screens de Spotify ou autre. Respectez vous, arrêtez d’étaler vos crasses en public. Le jardin secret c’est bien aussi. pic.twitter.com/B5ZnQTWv8N
— Cedubeton (@cedubeton) December 2, 2021
Mais du coup, il y a de quoi s'interroger: pourquoi cette tendance naturelle non assumée à écouter en boucle des tubes pourris? On a posé la question à Frank Matter, animateur sur Couleurs 3.
Pour commencer, pourquoi certaines personnes se sentent obligées de partager leur «bon goût» sur les réseaux sociaux?
Frank Matter: Pour les réseaux sociaux, c'est toujours un peu le même phénomène. «Regardez-moi, je suis cool». On a envie de flatter son ego. C'est exactement le même principe que de publier une photo pour dire:
Il y a aussi cette tradition des best off de la fin de l'année qui fait beaucoup. Les rédactions musicales dans les journaux font toujours leur top des albums, des films... Au fond, c'est pour passer le temps. Mais ce n'est pas complètement inutile: tu peux découvrir des trucs très bien dans les listes des «personnes d'influence». Mais pour moi, partager ce top, c'est avant tout de l'ego.
Pour tous les autres… au fond, pourquoi on aime écouter de la merde?
Si tu l'écoutes, c'est que ce n'est pas de la merde. La musique, c'est le truc le plus démocratique du monde. Je connais très peu de personnes qui n'en écoutent pas du tout.
Il y a plein de critères pour déterminer si une musique est géniale ou pas. Par exemple, Bohemian Rapsody, tout le monde l'aime. Rares sont ceux qui la trouvent kitsch ou lourde. Par «merde», certaines personnes élitistes entendent «musique populaire». Pourtant, Mickael Jackson ou les Beatles ont aussi été qualifiés de populaires! Aujourd'hui, nous avons Bruno Mars, Adele ou Céline Dion. Oui, c'est commercial, mais ils sont au-dessus du lot. Ils font leur truc.
Par exemple, tout le monde se fout de Coldplay. Il y a un consensus pour dire que c'est naze. Pourtant, ils vendent des millions de disques, parce qu'ils ont un talent énorme. Ils fédèrent.
Quand tu as quatorze ans, tu dois être cool. Les réseaux sociaux font beaucoup. Autrefois, pour affirmer ce qu'ils écoutent, les gens portaient un t-shirt ou allaient à un concert.
Du coup, ce n'est pas grave d'écouter des trucs dont on a honte?
Bien sûr que non! Ecouter de la musique, ce n'est jamais grave. Si tu as honte, c'est par rapport aux goûts des autres. Il faut être capable d'assumer.
Justement, on fait comment pour garder la tête haute quand nos potes tombent sur une playlist gênante que l'on n'assume pas du tout?
Dans ce cas, il faut juste dire: «Ce titre est génial, et je vais te prouver pourquoi». Ou encore renvoyer la balle et demander: «Au fond, pourquoi tu détestes? Pourquoi tu penses que ta techno minimale berlinoise vaut mieux que ce que j'aime?».
C'est décidé, à partir de maintenant, j'assume mes goûts musicaux. Mais que personne ne vienne râler si j'écoute des chants corses de Patrick Fiori à plein tube.