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Présidentielle 2022

Présidentielles: Macron va-t-il être élu grâce à la gauche et la droite?

Présidentielle 2022

La gauche et la droite vont-elles faire élire Macron sans le faire exprès?

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Image: Keystone/Shutterstock
Alors que tous les candidats à la présidentielle sont affectés par des variations sensibles dans les sondages, un seul reste imperturbablement au-dessus de 20%. Le président sortant.
14.10.2021, 19:3315.10.2021, 18:33
Olivier Biffaud / slate
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Le verdict va tomber dans un peu plus de six mois. Au terme du second tour de l'élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022, la France aura un président ou une présidente. Si le scrutin se déroulait maintenant, Emmanuel Macron resterait à l'Elysée... à en croire les sondages d'intentions de vote. Qu'en sera-t-il en avril 2022? A-t-on une vue plus pointue de la suite à six mois de l'échéance qu'à un an?

On expliquait ici, en avril, qu'aucune consultation présidentielle de la cinquième République ne s'était déroulée comme l'opinion publique pouvait l'imaginer un an avant. Car, justement, les enquêtes sur les intentions de vote ne donnaient qu'une idée des rapports de force tels qu'ils étaient un an avant la vraie élection.

Il ne faut pas se lasser de rappeler que ces enquêtes ne sont ni des prévisions ni des prédictions. Elles donnent simplement une image de ces rapports au temps T. Il en est probablement de même avec la prochaine présidentielle. L'irruption d'Eric Zemmour en est une illustration frappante.

Feu de paille ou installation durable à l'extrême droite?

Bien malin qui peut dire où en sera ce polémiste qui, sans avoir fait une carrière politique à l'extrême droite, véhicule les thèmes d'un extrémisme radical que n'auraient pas renié les adeptes du Philippe Pétain des années 1940 et les fans des mouvements fascistes qui gravitaient autour du père du régime de Vichy. D'autant qu'au moment où sont écrites ces lignes, il n'a toujours pas dit s'il serait ou non candidat dans la course élyséenne.

Il n'en demeure pas moins que l'incroyable couverture médiatique dont il bénéficie sur Twitter de la part de certains médias, comme l'a analysé le quotidien Libération le 9 octobre, a favorisé son ascension foudroyante dans les sondages d'intentions de vote, en lui donnant une visibilité politique hors normes pour un personnage... non-politique et surtout non officiellement candidat!

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twitter/CheckNews

Cette soudaine notoriété ne sera-t-elle qu'un feu de paille - thèse à laquelle s'accrochent à la fois Marine Le Pen, principale victime de cette percée, et quelques commentateurs, en s'appuyant sur les campagnes passées - ou durera-t-elle assez longtemps pour venir chambouler concrètement le déroulement de l'élection, selon le scénario établi par toutes les consultations précédentes, justement? Seuls les militants et les militantes des deux camps radicalement opposés croient à l'une des deux thèses. Pour le reste, c'est le flou.

Macron reste imperturbablement au-dessus de 20%

Cependant, une donnée apparaît clairement dans ces enquêtes d'opinion. Alors que des variations de pourcentage assez sensibles affectent tous les candidats et toutes les candidates, déclarés ou non, à droite et à gauche, un seul, qui se revendique «et de droite, et de gauche», n'est pas touché par le remue-ménage qui se joue autour de lui. C'est Emmanuel Macron, président de la République sortant et candidat encore non déclaré, comme tous ses prédécesseurs à ce moment de leur mandat.

Imperturbablement, le chef de l'État reste assez largement au-dessus de la barre des 20% dans les intentions de vote de tous les instituts de sondage, depuis des mois et des mois, voire depuis le début de son quinquennat. Comme si les malheurs des uns faisaient son bonheur à lui. Au point qu'on finirait par croire que les droites et les gauches travaillent tout à fait consciemment à sa réélection. Il faut dire que question malheurs, tirages de maillot et discordes internes, elles ne ménagent pas leurs efforts. D'aucuns diraient qu'elles s'en donnent à cœur joie.

Sur la droite de l'échiquier et jusqu'à son extrême où les deux figures actuelles du nationalisme exacerbé se tirent la bourre, ce n'est que pleurs et grincements de dents. Le parti Les Républicains (LR) ne connaîtra le nom de son candidat ou de sa candidate que le... 4 décembre. Le calendrier établi par la direction, après le rejet par les militants d'une primaire ouverte, fixe au 13 octobre la date-limite de dépôt des candidatures de Valérie Pécresse, Michel Barnier, Eric Ciotti, Philippe Juvin et Denis Payre.

Le réflexe pavlovien de la droite du début des années 1980

Alors que Xavier Bertrand, qui n'est plus membre de LR tout comme la présidente de l'Île-de-France, a annoncé lundi 11 octobre qu'il se joindra au quintette - il souhaitait que ces cinq-là se rangent derrière lui, ce qu'aucun n'a fait -, le principal parti de la droite républicaine est d'ores et déjà soumis à une double tension. D'un côté, une partie de ses militants est en train de glisser vers le zemmourisme, de l'autre, une frange de ses élus se tourne vers l'ancien Premier ministre, Edouard Philippe, qui a annoncé la création de son parti, «Horizons», le 9 octobre.

La pression qu'exerce l'ancienne vedette de la chaîne d'info en continu de Vincent Bolloré, CNews, a déjà eu pour conséquence de raidir considérablement le discours des principaux protagonistes de la joute de LR, en matière d'immigration, thème central et quasiment unique de la campagne à peine voilée de Zemmour, et sur les fondamentaux de l'Union européenne (UE) qui, là aussi, sont remis en cause par le polémiste d'extrême droite. Barnier lui-même, ancien commissaire européen et artisan de l'accord sur le Brexit au nom de l'UE, a épousé ce durcissement au grand dam de ses ex-collègues bruxellois, français et étrangers.

Au fond, une partie de la droite retrouve le réflexe pavlovien qui l'avait traversée au début des années 1980 face à l'émergence du Front national (ancien nom du Rassemblement national). Elle considère que le meilleur moyen de s'opposer à l'extrême droite est de se rapprocher d'elle le plus possible pour empêcher ses propres électeurs de fuir. Se rapprocher, voire s'allier avec elle comme ce fut le cas en 1983 lors des élections municipales à Dreux (Eure-et-Loir). Il y a près de 40 ans, le RPR (ancêtre de l'UMP, puis de LR) avait fait liste commune avec le lepénisme au second tour.

Les gauches demeureront dans leur couloir jusqu'au bout

Par contrecoup, ce rapprochement tectonique provoque une réaction inverse d'éloignement de la famille d'une autre partie de la droite, hostile au concubinage avec l'extrême droite. Quand il ne s'agit pas, plus radicalement, d'une rupture brutale. Le résultat final de ce double mouvement contradictoire est un appauvrissement continu de la droite républicaine tant en termes de projet politique que de réservoir militant ou de résultats électoraux. La nature ayant horreur du vide, le malheur des uns fait la fortune des autres. En l'occurrence, Edouard Philippe, l'ancien Premier ministre de Macron pour qui il fera campagne en 2022, pourrait en être le principal bénéficiaire.

Cette façon quasi consciente qu'a la droite d'œuvrer pour la réélection du chef de l'Etat a son pendant à gauche. Totalement morcelées, car aucune figure n'est en mesure de générer une alliance ou une synthèse, fût-elle fictive comme a su le faire François Mitterrand, les gauches, si elles ne sont pas irréconciliables (ce qui reste à démontrer), sont en tout cas inconciliables en ce moment. Et si Jean-Luc Mélenchon, le mieux placé dans les intentions de vote (entre 7% et 13% depuis le début de l'année), tente de faire croire qu'il peut être le maître d'œuvre d'une alchimie particulière, «l'union populaire», il sait fort bien que l'influence actuelle des gauches rend cette perspective très hasardeuse.

D'autant que la personnalité de Mélenchon, au-delà même de cette union populaire, qui est un habile habillage de son auto-promotion, est assez clivante pour laisser perplexe les électorats communistes, socialistes et écologistes des différentes écuries en compétition. Par ailleurs, un regroupement des différentes figures des gauches actuellement déclarées derrière une seule d'entre elles, avec ou sans le président du groupe de La France insoumise de l'Assemblée nationale, est, aujourd'hui, l'hypothèse la moins probable. On voit mal comment le Parti communiste français (PCF), le Parti socialiste (PS) ou Europe Ecologie-Les Verts (EELV) accepteraient de s'effacer (une nouvelle fois pour les communistes et les écologistes, comme en 2017), sous peine de disparaître définitivement du paysage politique.

Une chute électorale vertigineuse

Tous ces partis sont donc dans une seringue d'où ils ne peuvent sortir. Ils sont condamnés à rester dans leur couloir jusqu'au terme de la campagne et à s'affronter en avril 2022. A s'affronter dans un champ assez restreint puisque le total des gauches, hors extrême gauche trotskiste de Lutte ouvrière (LO) et du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), fait aujourd'hui moins de 30%. C'est-à-dire dans les mêmes eaux (25,94%) que le premier tour de la présidentielle de 2017 avec Mélenchon (19,58%) et Benoît Hamon (6,36%), pour le PS et EELV. Mais très loin du premier tour de 2012 où François Hollande (28,63%), Jean-Luc Mélenchon (11,10%) et Eva Joly (2,31%) pour EELV avaient donné 42,04% à l'ensemble des gauches.

Cette chute électorale vertigineuse en dix années montre l'ampleur du déficit des idées et de l'espoir suscité par les gauches, qui depuis la fin des années 1970, étaient dominées par le PS. Un phénomène comparable à celui qui secoue les droites. Les néogaullistes, longtemps dominateurs de ce côté de l'échiquier politique, ne savent plus trouver leur chemin, tiraillés entre les libéraux pro-européens qui peuvent s'accommoder de Macron et des bonapartistes que les chimères de l'extrême droite n'effraient pas. La réunion de tous ces facteurs dresse un sombre tableau pour ces forces qui désespèrent leur camp respectif. Et bâtit patiemment le prochain scénario. On comprend à cette aune que certains dirigeants politiques fassent l'impasse sur l'avenir immédiat et pensent déjà à la présidentielle de... 2027.

Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson change parfois le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original

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