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Comment Poutine tente désespérément de vendre des armes russes

Russian President Vladimir Putin aims a sniper rifle during a visit to the Patriot military exhibition center outside Moscow, Russia, Wednesday, Sept. 19, 2018. Putin chaired a meeting that focused on ...
Vladimir Poutine à une foire de l'armement, en 2018.keystone

Comment Poutine tente désespérément de vendre des armes russes

La Russie mène une guerre d'usure sanglante en Ukraine, qu'il faut financer. Comme les recettes provenant des matières premières s'effondrent, Vladimir Poutine cherche de nouvelles sources de financement. Et se tourne vers tous les acheteurs possibles et imaginables.
18.08.2022, 20:0519.08.2022, 12:33
Patrick Diekmann / t-online
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L'invasion russe de l'Ukraine ne fait pas que coûter la vie à des dizaines de milliers de personnes et réduire des villes entières en cendres. Les actions de puissance de Vladimir Poutine sont également désastreuses pour la Russie sur le plan financier.

Car les fondements de l'économie russe reposent sur deux piliers: les exportations de matières premières et les armes. Et le chef du Kremlin est en train de jouer dangereusement avec les deux.

Un désastre pour Vladimir Poutine

Le président russe est dans le pétrin. Alors que l'Occident se prépare à diminuer sa dépendance au gaz et au pétrole provenant de Russie et que les pipe-lines prévus vers d'autres pays ne sont pas encore en place, l'industrie de l'armement russe souffre également de la guerre et des sanctions. Cela fait réagir les Etats-Unis, qui y voient une opportunité stratégique.

Car Washington et Moscou sont les plus grands exportateurs d'armes au monde. Et dans le commerce de la mort, le succès ne se mesure pas uniquement à la quantité d'armes écoulées, mais aussi et surtout à l'influence et la dépendance vis-à-vis des pays auxquels on vend son matériel.

Avec la guerre en Ukraine, les Etats-Unis parviennent à faire reculer la Russie dans la compétition mondiale pour les contrats d'armement. Un désastre pour Vladimir Poutine.

Une foire militaire pour relancer l'armement russe

Ce n'est probablement pas un hasard si le président russe est apparu lundi en personne dans les allées d'un forum militaire près de Moscou. On l'a vu serrer les mains de hauts responsables militaires, jetant un coup d'œil au défilé d'armes, de chars et de missiles russes.

Dans son discours, le chef du Kremlin a salué les performances des entreprises d'armement russes dans la guerre, par exemple en équipant l'armée et la flotte «d'armes modernes qui travaillent aujourd'hui pour la victoire».

S'adressant aux invités venus (selon les chiffres officiels) de 70 pays, Poutine s'est vanté du fait que la Russie avait des partenaires courageux sur de nombreux continents qui seraient opposés aux Etats-Unis. Et il n'a pas manqué de faire une allusion cynique aux tirs massifs de l'armée russe sur les villes ukrainiennes:

«Nous sommes prêts à offrir à nos alliés les types d'armes les plus modernes. Toutes ou presque ont été testées au combat»
Vladimir Poutine

Le message est clair: dans un monde où de nouveaux blocs se forment, la Russie veut soutenir ses alliés en leur fournissant de l'armement, contre l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan) et pour son propre portefeuille.

Mauvaise publicité sur le sol ukrainien

Le fait que le maître du Kremlin fasse personnellement de la publicité pour le matériel militaire made in Russia pourrait être interprété comme un signe de faiblesse.

Car la guerre en Ukraine a tout représenté sauf une campagne de publicité pour l'efficacité de l'armement russe! Bien au contraire, c'est l'armée ukrainienne qui a surpris les observateurs internationaux par sa résistance face à la soi-disant supériorité russe et une maîtrise habile et ingénieuse des armes qu'elle avait à disposition.

Malgré d'énormes investissements dans la modernisation de l'armée russe, l'«opération militaire spéciale» de Poutine s'est transformée dès le début en véritable camouflet pour le Kremlin.

Des promesses en l'air pour ses alliés?

La conquête de Kiev et du Nord a échoué et à l'Est, l'armée russe ne progresse que lentement. Selon différentes estimations occidentales, 20 000 à 40 000 soldats russes sont tombés au combat. Des centaines de chars et d'avions russes ont été détruits, le navire amiral de la flotte russe de la mer Noire «Moskva» a été coulé et la défense antiaérienne russe semble défaillante.

La question se pose de savoir si la Russie peut compenser ses pertes en armes et en matériel dans cette guerre tout en continuant à approvisionner d'autres pays. Poutine fait-il des promesses en l'air à ses alliés?

L'exportateur public d'armes russes Rosoboronexport a souligné que les sanctions occidentales n'affectaient pas ses exportations de technologie militaire. D'ici fin 2023, cinq unités du système de défense antimissile russe S-400 seront par exemple livrées à l'Inde conformément aux contrats de livraison, a déclaré le chef de Rosoboronexport Alexander Mikheev.

En revanche, le chef du Service fédéral de coopération militaro-technique, Dmitri Chougaïev, a reconnu que certains problèmes logistiques avaient été constatés «en rapport avec les événements politiques». Ce dernier point est sans doute un léger euphémisme.

Un manque de semi-conducteurs

Selon les Etats-Unis, l'industrie de défense russe a été durement touchée par les pertes de guerre et les sanctions occidentales. Ainsi, les armes russes les plus modernes intègrent également des composants occidentaux, par exemple des semi-conducteurs.

Lors d'une déclaration devant le Sénat américain en mai, la secrétaire américaine au commerce Gina Raimondo a par exemple indiqué que la Russie, en raison de la pénurie de semi-conducteurs spécifiques, incorporait désormais des semi-conducteurs pour réfrigérateurs et lave-vaisselle dans des appareils militaires.

D'autres indices montrent que les missiles modernes semblent se raréfier en Ukraine. L'exemple du T-14 Armata est également très parlant. Ce char de combat, le plus moderne de Poutine, impressionne lorsqu'il parade à Moscou mais n'est apparemment toujours pas prêt pour le combat. Et encore moins produit en série.

Exporter plus pour financer ses propres troupes?

Le Kremlin restant discret sur la question pour des raisons stratégiques, on ne sait pas quelle est l'ampleur de la pénurie actuelle dans l'industrie de défense russe. A moyen terme, Poutine tentera de rendre celle-ci plus autosuffisante, mais il n'est pas non plus certain qu'il y parvienne et à quelle échéance.

Il est probable que le fournisseur d'armes du Kremlin se préoccupe plutôt des commandes futures. L'offensive publicitaire des dirigeants russes s'explique également par le fait que Moscou propose des appareils moins chers que ses concurrents en comparaison internationale.

«La Russie a donc besoin de ventes à l'exportation pour réduire le coût des armes pour ses propres militaires»
John Parachini, think tank «Rand corp»foreign policy

Cela devient un problème pour les avions de combat comme le Soukhoï Su-75 «Checkmate». «Les Russes ne peuvent pas vraiment se permettre de produire une plus petite quantité, vu le prix qu'ils doivent payer pour la main-d'œuvre et les matériaux», a déclaré John Parachini, chercheur en défense au sein du think tank «Rand corp», au magazine américain Foreign policy.

Une dépendance aux puissants qui pose problème

Mais tout cela ne concerne pas que l'argent. Car les exportations d'armement relèvent toujours d'une politique de pouvoir sanglante. Si un pays achète des avions de combat aux Etats-Unis ou à la Russie, il se rend dépendant, pendant des années, de la grande puissance concernée.

L'entretien, la formation, la modernisation, l'achat et l'accès aux munitions... tout cela confère aux grands marchands d'armes de ce monde une influence qui peut également être utilisée à des fins politiques.

Les enseignements turcs

La Turquie en est un bon exemple. Le président Recep Tayyip Erdogan a eu de nombreux conflits avec ses partenaires de l'Otan ces dernières années. Lorsqu'il a mené des actions militaires contre les milices kurdes en Syrie en 2018, le gouvernement allemand lui a refusé des pièces de rechange pour les chars Leopard 2, qu'il lui avait vendus.

Et lorsque le gouvernement turc a acheté des systèmes de défense antimissile S-400 à la Russie l'année dernière, les Etats-Unis ont expulsé la Turquie du programme de l'avion de combat F-35. Aujourd'hui encore, le président turc doit batailler diplomatiquement avec les Etats-Unis pour pouvoir moderniser sa flotte de F-16, l'avion de chasse pourtant le plus répandu au monde.

Joe Biden, le plus grand marchand d'armes du monde

Les exportations d'armes restent donc un gage politique d'importance. Et à ce petit jeu, les Etats-Unis sont en pôle position. Ils contrôlaient déjà 39% des exportations d'armes conventionnelles en 2021, avant la guerre en Ukraine.

Le plus grand marchand d'armes siège donc bel et bien à la Maison-Blanche et non au Kremlin. Si l'on tient compte des exportations d'armes de tous les pays de l'Otan, l'écart est encore plus grand.

Moscou étend son influence en Afrique

Avant même l'invasion de l'Ukraine, l'écart entre les Etats-Unis et la Russie s'est creusé et Poutine a voulu prendre le contre-pied.

Sur le continent africain en particulier, les dirigeants russes ont tenté de supplanter les pays occidentaux. Poutine a vendu à plusieurs pays des armes bon marché, et la Russie a envoyé des mercenaires pour soutenir de nombreux régimes en place, que ce soit au Mali, en Algérie, au Nigeria ou en République centrafricaine.

Ces opérations ont généralement été couronnées de succès pour le Kremlin. Moscou a habilement joué et profité des blessures de l'époque coloniale et des ressentiments contre les pays occidentaux qui y sont liés.

Mais à l'échelle mondiale, l'Afrique ne suffira pas à sauver les industries d'armement russes. Car ce sont surtout les gros poissons qui lui échappent de plus en plus.

La lutte pour l'Inde

La Chine, par exemple, produit de plus en plus d'équipements militaires elle-même. Et depuis le début de la guerre en Ukraine, l'Inde et l'Egypte reçoivent de bonnes offres d'armes américaines comme alternatives aux exportations russes.

Le retrait de l'Inde serait particulièrement catastrophique pour Poutine, car ce pays suréquipé achète environ 60% de ses armes à la Russie. Au grand dam du despote russe, le gouvernement indien a déjà annulé un contrat portant sur des hélicoptères d'un montant de 485 millions de dollars.

Si l'Inde se sent traditionnellement liée à la Russie, elle craint actuellement des difficultés de livraison dues à la guerre en Ukraine. Le gouvernement indien pourrait bien se décider à se tourner vers des offres plus avantageuses, laissant le Kremlin sur le bas-côté.

Ce concurrent chinois qui monte

Vladimir Poutine a donc changé son fusil d'épaule. Désormais, il offre à tous les pays qui le souhaitent de pouvoir acheter n'importe quelle arme, char ou missile russe. Un acte de désespoir qui touche à l'indécence, mais pourrait redresser temporairement les industries russes.

Dans le viseur du chef du Kremlin: le monde arabe ainsi que certains pays d'Amérique du Sud, qui veulent se libérer de leur dépendance vis-à-vis des Etats-Unis.

Mais c'est surtout une puissance émergente qui tentera dans un premier temps de détrôner la Russie de sa deuxième place en matière d'exportations d'armes: la Chine. La rivalité avec Washington risque alors de devenir secondaire.

Au vu des importantes capacités de production du Régime chinois, cela paraissait de toute façon n'être qu'une question de temps.

Sources utilisées:

Traduit de l'allemand par Léon Dietrich

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Video: watson
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