83% des Russes soutiennent leur président. C'est ce qui ressort des chiffres de l'institut de sondage russe Lewada, lequel fournit généralement des données fiables. Il en ressort que le soutien à Vladimir Poutine a nettement augmenté au cours des dernières semaines. En janvier de cette année encore, «seuls» 69% soutenaient leur président.
Le fort soutien à Poutine doit, toutefois, être considéré avec prudence. Une partie des personnes interrogées pourrait avoir renoncé à exprimer un avis négatif à l'égard du président par crainte du gouvernement et d'éventuelles sanctions. Le sondage a néanmoins montré que de nombreux Russes se rassemblent autour de leur dirigeant, déclare le directeur de Lewada, Denis Volkov, interrogé par le New York Times.
Le taux d'approbation élevé est notamment lié à l'exode des Russes de l'opposition, écrit le média américain. Des centaines de milliers de personnes auraient déjà quitté le pays depuis le début de la guerre. Dans le même temps, le département de la propagande travaille à plein régime.
Ceux qui sont restés en Russie n'ont pratiquement plus accès aux informations indépendantes. Les médias qui, avant la guerre, publiaient encore des informations critiques sur le Kremlin, ont entre-temps cessé leurs activités. Le régime de Poutine a réduit ses opposants au silence. Il ne subsiste plus que les médias contrôlés par l'Etat et le ton y est de plus en plus dur en ce qui concerne l'Ukraine.
Un article (ici en version originale et ici en traduction anglaise), publié dimanche, par l'agence de presse Ria Novosti, contrôlée par le Kremlin, a notamment fait sensation. Son titre: Que doit-il arriver à l'Ukraine?
Les extraits suivants révèlent ce que l'auteur, Timofey Sergeytsev, envisage pour l'avenir du pays.
Selon l'article de propagande, si les forces armées ukrainiennes méritent la mort, elles ne sont pas les seules à mériter d'être punies. «Il est fort probable» qu'une «majorité» de la population soit devenue un soutien «passif» des nazis:
La culture ukrainienne doit ainsi être largement effacée. La population doit être rééduquée, peut-on lire dans l'article:
Il ne doit pas y avoir de compromis. Selon l'article, l'Ukraine doit être placée sous le contrôle de la Russie, l'Occident étant à l'origine-même du «nazisme»:
L'Ukraine se voit ainsi refuser tout droit d'exister:
L'élite et ses soutiens doivent être détruits :
Le processus de dénazification doit se faire sous le contrôle de la Russie et durer au moins une génération, poursuit le texte. En effet, il a également fallu 30 ans pour que la génération actuelle soit «nazifiée».
An op-ed for state news agency RIA Novosti titled "What Russia should do with Ukraine" by pundit Timofei Sergeitsev has created quite a stir today
— Francis Scarr (@francska1) April 4, 2022
The rhetoric is truly horrific, even by the standards of what I'm used to seeing from pro-Kremlin media
Below are a few quotes:
But now we've got full-scale genocidal rhetoric being laid out in plain language in Russian state media. All Ukrainians who don't kneel down before Russia are intrinsically Nazis who must be destroyed (in fact, the very idea of Ukraine is Nazi). Chilling. https://t.co/4uNrL77ulB
— Neil Hauer (@NeilPHauer) April 4, 2022
Volodymyr Zelensky a également pris connaissance de l'article de Ria Novosti. Lundi, lors d'une vidéoconférence avec le Parlement roumain, il a déclaré que ce texte constitue l'une des preuves du futur tribunal contre les criminels de guerre russes.
Le président ukrainien a poursuivi: «Je veux que vous me compreniez: ils ne le cachent même pas. Ils parlent ouvertement du but de l'invasion du territoire de l'Ukraine. Si notre armée n'avait pas survécu, si notre peuple ne s'était pas soulevé pour défendre l'Etat, ils auraient fait ce qu'ils ont fait à Boutcha, mais sur tout le territoire de l'Ukraine».
A l'instar de l'article de Ria Novosti, Vladimir Poutine a justifié l'invasion de l'Ukraine par sa nécessaire «dénazification». Le président russe a qualifié le gouvernement de Kiev de «régime nazi» – et ce, bien que Zelensky soit juif et que trois frères de son grand-père aient été assassinés pendant l'Holocauste.
Ce texte s'inscrit dans la droite ligne de la propagande du Kremlin. Poutine lui-même n'a, toutefois, jamais été aussi concret quant aux mesures à prendre pour la «dénazification». L'article de Ria Novosti ne doit, cependant, pas être considéré isolément. Il se positionne tout à fait dans la ligne du gouvernement. C'est ce que montrent les déclarations de Dimitri Medvedev, vice-président du Conseil de sécurité de Russie.
Poutine a fixé comme objectif la «démilitarisation et la dénazification» de l'Ukraine, a écrit l'ancien chef d'Etat mardi sur son canal Telegram. Plus sévèrement encore que Poutine, Medvedev a assimilé l'Ukraine au Troisième Reich.
Il ne serait pas étonnant que l'Ukraine subisse le même sort que le Troisième Reich, a déclaré Medvedev. La voie à suivre pour l'Ukraine serait «l'effondrement». Mais l'effondrement pourrait ouvrir la voie à «une Eurasie ouverte de Lisbonne à Vladivostok».
Selon Medvedev, la «démilitarisation et la dénazification» devraient durer un certain temps. Il a préparé les Russes à des combats plus longs: «Ces tâches difficiles ne peuvent pas être accomplies à la va-vite».