Bâtir un pont flottant pour faire traverser un cours d'eau à une colonne de blindés et à des troupes est, raconte le Wall Street Journal, l'une des opérations les plus délicates à réaliser par une armée moderne en temps de guerre. Et encore pire sous le feu ennemi.
Or, il semble qu'en la matière, les armées russes soient particulièrement peu douées ou mal commandées. L'infernale débâcle sur la rivière Donets vécue par les troupes du Kremlin semble ainsi suivre un schéma déjà observé depuis le début de l'invasion de l'Ukraine, il y a maintenant trois mois.
Ce fut le cas notable pour un pont flottant détruit mi-mars sur la rivière Irpine, qui a rendu impossible pour les Russes la prise du village voisin puis leur avancée sur Kiev. Selon les militaires interrogés par le Wall Street Journal, c'est la preuve que les hauts gradés du Kremlin exigent de leurs troupes sur le terrain des avancées rapides qu'elles ne sont pas suffisamment préparées à effectuer:
Traverser un cours d'eau grâce à un pont flottant nécessite beaucoup de personnel, des matériels très spécialisés, une longue et minutieuse préparation. Comme un assaut sur une plage, c'est une opération à haut risque, qui ne devrait être tentée que lorsqu'elle est absolument nécessaire sur un plan stratégique, expliquent les experts interrogés par le WSJ. Comme cet autre militaire à la retraite:
Bref, monter un pont flottant ne se fait pas à la légère, se prépare longtemps à l'avance, et ne doit pas être la traduction de frustrations d'Etats-Majors souhaitant accélérer la marche des choses sans prendre en compte les réalités du terrain. Précisément ce que les Russes ont semblé faire à plusieurs reprises, le désastre sur la rivière Donets étant l'exemple le plus flagrant, avec des dizaines de blindés et des centaines d'hommes perdus.
Un militaire engagé dans la construction de ponts flottants lors de son passage en Afghanistan explique ainsi au WSJ que les hommes sous ses ordres s'entraînaient de multiples fois, au ralenti puis à vitesse réelle, à monter la construction, afin d'être parfaitement au point le jour J.
Une reconnaissance longue et précise des différents lieux possibles est également nécessaire, sinon vitale, avant que la décision de commencer à monter le pont flottant ne soit prise. Si un endroit semble convenir, expliquent les spécialistes, les troupes souhaitant traverser doivent étirer les défenses adverses en semblant s'intéresser à d'autres lieux.
Ce que les Russes n'ont semble-t-il pas fait sur la rivière Donets, s'attaquant bille en tête et sans aucune manœuvre de diversion, au lieu même où les forces ukrainiennes les attendaient déjà avec une grande certitude, sur l'autre rive, prêtes à frapper le plus durement possible.
Les vétérans interrogés par le Wall Street Journal expliquent ainsi qu'une bande de 500 mètres en amont et en aval du point de traversée doit ainsi être «nettoyée» d'éventuelles pièces d'artillerie et concentrations de troupe, notamment en coordonnant l'action de ses propres canons ou de ses avions.
Enfin, tout doit être prêt et pensé pour le moment où le pont atteindra la rive d'en face. Les troupes et blindés devant traverser doivent être organisés de manière à traverser au bon moment. Ce doit être ni trop tôt pour ne pas se transformer en une cible immobile pour l'artillerie ennemie, ni trop tard pour constituer une tête de pont suffisamment solide à l'arrivée pour repousser une éventuelle contre-attaque et s'emparer définitivement des lieux.
Cet article a été publié initialement sur Slate. Watson a changé le titre et les sous-titres. Cliquez ici pour lire l'article original