Dix-huit jours après le début de l'offensive en Ukraine, la Moldavie redoute de devenir la prochaine cible du maître du Kremlin. Elle a au moins quatre bonnes raisons d'avoir peur: les voici.
Cet «Etat-confetti», ainsi surnommé par Le Parisien, qui compte seulement 2,5 millions d'habitants, est enclavé entre la Roumanie et l’Ukraine.
Cette position délicate lui fait redouter de devenir un dommage collatéral du conflit - si ce n'est d'être directement attaqué par Moscou. Comme le rappelle Ouest-France, quelque 9000 soldats russes stationnent à quelques dizaines de kilomètres de Chisinau, la capitale.
La Moldavie ne représenterait pas une grande difficulté pour la force militaire russe, car le pays ne dispose pas d'une armée capable de résister. Selon de nombreux habitants interrogés par Ouest-France, il suffirait à Poutine d’adresser un simple ultimatum pour s’emparer du pays, dans l'hypothèse d’une victoire en Ukraine.
D'ailleurs, de nombreux habitants ont déjà fait leur valise et se préparent à prendre la fuite en cas d'assaut, raconte le quotidien 24 Heures dans un reportage sur place.
C'est une petite portion de terre qui pourrait mettre le feu aux poudres: la Transnistrie. Ce territoire peuplé par quelque 500 000 habitants rappelle dangereusement le cas du Donbass, région prorusse de l’est de l’Ukraine aux origines de la guerre actuelle.
La Transnistrie, située à l'est de la Moldavie près de la frontière ukrainienne, est un Etat prorusse autoproclamé indépendant depuis 1992. Comme le rappelle Libération, il a tout d'un «véritable» Etat:
Le seul problème, c'est que la Transnistrie n’est reconnue par aucun membre de l’Organisation des Nations unies (ONU). Ni même par la Russie.
Pourtant, des forces russes sont stationnées sur le territoire depuis 30 ans. A l'heure actuelle, estime Franceinfo, quelque 1500 soldats russes et plusieurs milliers de miliciens se trouveraient en Transnistrie.
Cette bande de terre à quelques kilomètres d’Odessa revêt donc un intérêt stratégique important. Certains observateurs redoutent qu’elle ne serve de base russe pour attaquer la ville portuaire ukrainienne placée à quelques encablures.
La Moldavie a un autre problème: quoi que se revendiquant proeuropéenne, elle n'est membre ni de l’Union européenne (UE) ni de l’Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan). Et elle entretient une relation ambiguë avec la Russie.
Sa nouvelle présidente Maia Sandu, 49 ans, se dit également proeuropéenne. Elle a succédé fin 2020 au prorusse Igor Dodon. Poussé par son électorat et par la guerre en Ukraine, son gouvernement vient de demander officiellement l’adhésion à l’UE. Il faut dire que Moldavie et UE sont associées de longue date: suite à un accord signé en 2014, l'Europe est la destination principale des expatriés moldaves. Ils sont un million à y vivre - contre 100 000 Moldaves, seulement, en Russie.
Malgré ce rapprochement évident, la Moldavie demeure très divisée quant à son futur, rappelle Ouest-France. Environ 54% de ses habitants souhaitent rejoindre l'UE, tandis que 32% préféreraient rejoindre l’Union économique eurasiatique (UEE), mise en place par la Russie.
Par ailleurs, la Moldavie s’est démarquée des Européens en refusant les sanctions contre la Russie, rapporte Le Parisien.
Ajoutons finalement que ce tout petit Etat est très sensible à la propagande russe. Une véritable guerre des médias fait rage et elle s'est accrue depuis le début de la guerre, raconte Franceinfo.
La Moldavie a beau être très largement roumanophone, en particulier depuis son indépendance de l'URSS, son héritage soviétique reste prégnant. Reflet de ce phénomène: trois chaînes d’Etat russes sont les principales émettrices d'informations et elles dominent largement le marché. Toutes les chaînes de cinéma et de musique sont en langue russe.
Du coup: «La propagande russe est toujours aussi forte, ils injectent beaucoup d’argent là-dedans. C’est gravissime», a expliqué à FranceInfo, Vasile Munteanu, présentateur de la chaîne de télévision TVR Moldova (une chaîne de télévision nationale moldave). L'offensive russe en Ukraine aurait encore renforcé la propagation de fake news.
Selon le présentateur vedette, 30 ans après l’indépendance moldave, Moscou n’a toujours pas accepté sa perte d’influence. Reste à voir s'il compte réfréner ses ambitions territoriales.
En attendant, la Moldavie retient son souffle. Et attend.