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Zéro-Covid en Chine: «J'ai pris la fuite devant la police»

Le nombre d'infections à Pékin plus élevé que jamais.
Le nombre d'infections à Pékin plus élevé que jamais.Image: keystone

«A Pékin, j'ai pris la fuite en voyant la police Covid», ce Suisse raconte

Alors que la Chine est secouée par des émeutes s'opposant à la politique zéro-Covid, notre correspondant sur place raconte les mesures répressives appliquées par les autorités à Pékin. Il en a lui-même fait l'expérience.
28.11.2022, 12:0028.11.2022, 22:16
Fabian Kretschmer, pékin / ch media
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Alors que j'entre dans l'entrée de mon immeuble, un bâtiment fonctionnel et sans fioritures de 25 étages, je sursaute soudain: cinq hommes en combinaison intégrale blanche sont en train de barrer le passage vers les ascenseurs avec un ruban plastique coloré.

Avant même que les «géants blancs», comme on appelle le personnel de santé en Chine, ne m'invitent à les suivre, j'ai déjà pris la fuite.

Un champ de mines urbain

Au final, ce n'était qu'une question de temps avant que je sois confronté à un nouveau confinement à la chinoise. Le nombre d'infections à Pékin est actuellement le chiffre le plus élevé jamais observé en Chine.

Tracer son chemin à travers la vie quotidienne ressemble de plus en plus à la traversée dangereuse d'un champ de mine urbain. Derrière chaque passage au bureau, chaque soirée au restaurant, chaque passage au centre commercial, un confinement inattendu peut débarquer.

Un petit jeu malsain

Au centre de ce petit jeu malsain: une carte Covid, présente sur mon téléphone, où se trouvent des centaines de points rouges d'avertissement. Chacun d'entre eux représente une personne infectée et dont les données GPS du téléphone ont été partagées par les autorités.

Chaque point représente quelqu'un qui est allé travailler, manger ou est allé faire ses courses et qui a pu se retrouver, au mauvais moment, au mauvais endroit, en contact avec une personne infectée. Et aucun mouvement ne passe sous le radar des autorités de contrôle des maladies, toutes-puissantes en Chine.

Et maintenant, voici que les «géants blancs» sont arrivés dans mon immeuble, avec leurs rubans et leurs grilles en plastique. Cela veut dire que quelqu'un a été infecté ici, et que le risque s'est rapproché de moi, malgré toutes mes précautions.

Comme les 20 millions d'habitants de Pékin, je me suis déjà préparé à cette éventualité: mon garde-manger est rempli d'huile de cuisson, de riz et de pain.

Tests de masse

Alors que je réfléchis au «pire des cas», un message de chat provenant de mon comité de quartier s'affiche sur mon téléphone portable:

«Bonjour! Nous avons été informés qu'il y a une personne chez nous dont le test PCR pourrait être positif»

Une personne qui «pourrait» être positif, car la Chine utilise la méthode du dépistage de masse pour traquer le Covid-19. Tous les trois jours, tous les habitants de la capitale doivent aller se faire tester. Seulement, pour des raisons de coûts, les échantillons ne sont pas testés individuellement, mais par paquet de dix.

Dix prélèvements de dix gorges différentes dans le même tube, et hop! Si le prélèvement entier revient positif, les dix personnes qui ont pris part au test sont informées. Et, par précaution, mises à l'isolement par les autorités.

Ainsi, en Chine, il n'y a pas besoin d'avoir réellement le Covid pour être mis en quarantaine. Ne pas avoir de chance lors des tests de masse suffit à devoir rester cloîtré chez soi durant plusieurs jours.

A l'hôpital durant des semaines

Alors que le reste du monde s'est décidé pour une politique de «vivre avec le virus», la République populaire tente de maintenir sa stratégie «zéro covid». Et si, dans les pays occidentaux, cette période est lentement mais sûrement reléguée au passé, en Chine, la troisième année de pandémie bat son plein.

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Image: keystone

Les récentes «optimisations» des mesures anti-Covid n'y ont rien changé: tous les foyers d'infection doivent continuer à être contrôlés. Car selon les chiffres officiels du régime, personne n'est mort du Covid depuis des mois.

Les astronautes du Covid

Personnellement, ce n'est pas tant le virus qui m'effraie que le confinement imminent qui me guette dans mon appartement. Pour le repousser un peu, je tue les heures qui suivent dans les rues de Pékin.

J'y vois d'innombrables ambulances qui traversent la ville à toute vitesse, avec des feux de détresse bleus: elles emmènent les personnes atteintes du Covid dans des hôpitaux de quarantaine où elles doivent rester des semaines.

Une lointaine connaissance fait partie d'eux. Sur son dernier selfie, pris dans son appartement avant que l'ambulance ne vienne le chercher, il pose en combinaison blanche intégrale. Il a un peu l'air d'un astronaute.

Etrangement, il s'agit de la première personne que je connaisse, en Chine, à avoir été infectée par le virus. Alors qu'en Europe, c'est l'inverse: je ne connais presque personne qui n'a jamais eu le Covid.

Distribution de toilettes de camping

Après tout, ma quarantaine forcée ne devrait durer que quelques jours. Mais cela peut vite devenir désagréable, comme me le raconte une amie: elle habite dans une ruelle traditionnelle de Hutong, très appréciée depuis quelques années par les expatriés aisés et les hipsters pékinois.

Mais si les vieilles maisons à cour sont romantiques pendant les douces nuits d'été, elles sont d'autant moins pratiques pendant un confinement: comme tous les ménages ne disposent pas de leurs propres toilettes, les autorités y distribuent des seaux de toilettes de camping, qui sont ramassés après... cinq jours.

Le comité de voisinage veille

Le soir, alors que les températures approchent de zéro, je m'avoue finalement vaincu et je rentre, dépité, à la maison. Que puis-je faire d'autre? Mon passeport, dont j'aurais besoin pour me réfugier à l'hôtel, est dans le tiroir de mon bureau.

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Image: keystone

Mais le comité de voisinage, dont une poignée d'entre eux veille devant la porte d'entrée, m'en informe gentiment: une fois que je suis entré, je n'ai plus le droit de sortir.

Une liberté fragile

Finalement, l'isolation à domicile ne devra durer que quelques heures. Les résultats d'une deuxième batterie de tests sont arrivés avant 22 heures et le cas suspect de Covid s'est avéré être une fausse alerte.

De nombreux autres Chinois, en revanche, ont moins de chance: au Xinjiang, par exemple, de vastes zones sont entièrement bouclées depuis plus de 100 jours.

Ma liberté nouvellement acquise est elle aussi extrêmement fragile. Vendredi, les autorités se sont à nouveau manifestées par SMS: nul n'a plus le droit de sortir des limites du district pour le moment, à moins que cela ne soit «absolument nécessaire». Lors de mes promenades matinales, je ferai donc, à l'avenir, le tour du quartier.

Fabian Kretschmer est correspondant pour les titres du groupe CH Media, dont fait partie watson.

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