Ce qui distingue la guerre en Ukraine d'autres conflits, actuels ou passés, c'est qu'elle peut être suivie presque en temps réel, et ce depuis le monde entier. Toutefois, malgré le flot d'informations qui tombent à un rythme régulier, certains évènements restent flous. Parmi eux, citons les mouvements de troupes et des gains ou reconquêtes de territoires par les armées russe et ukrainienne.
George Barros, analyste auprès du think tank américain «Institute for the Study of War» (ISW), a expliqué sur Twitter ce que l'on sait pour l'heure de l'évolution sur le front. Pour l'instant, il semblerait que les Russes progressent - à un rythme extrêmement lent, certes, mais réel.
L'armée russe se trouve toujours principalement dans l'est de l'Ukraine, dans la région du Donbass. La ligne de front se déplace de Kharkiv, au nord du pays, à Kherson, au sud-ouest, en passant par la ville de Louhansk, plus au sud. L'accès à la mer d'Azov est donc désormais contrôlé par la Russie.
Au nord de la ligne de front, la ville de Roubijné a été reprise par les troupes russes au cours des derniers jours, comme l'explique George Barros. Il est probable que Roubijné se trouve à nouveau aux mains des Russes depuis le 19 mai, comme le présume l'ISW dans son rapport quotidien de la situation. Pour aboutir à cette conclusion, l'institut et George Barros s'appuient sur des messages Telegram, émis notamment de l'agence de presse publique russe Ria novosti.
L'armée russe tente de s'emparer des grands centres situés sur la ligne de front. L'un de ces centres est la ville de Sievierodonetsk dans l'oblast de Louhansk, au sud-est de Roubijné.
Selon l'état-major ukrainien, les forces armées ukrainiennes ont repoussé plusieurs attaques russes autour de la ville de Sievierodonetsk le 22 mai. «L'ennemi a subi des pertes et a été contraint de se replier sur ses anciennes positions», a écrit l'état-major ukrainien sur Telegram. Ce qui pourrait indiquer que les forces armées ukrainiennes contrôlaient la région de Sievierodonetsk.
Au sud de Sievierodonetsk se trouve la ville de Popasna, qui aurait entre-temps été détruite. Selon l'ISW, d'importants gains de territoire ont été réalisés par l'armée russe au cours des derniers jours.
La mairie de Popasna avait déjà été conquise par les troupes russes en avril 2022, et le 8 mai, les troupes ukrainiennes ont abandonné la ville aux Russes. Selon l'administration militaire ukrainienne, la population restante a été déportée en Russie, comme l'a annoncé mi-mai le chef de l'administration militaire du district de Popasna, Mykola Chanatov.
Le 22 mai, des prisonniers de guerre ont été capturés par l'armée russe dans le petit village de Wiktoriwka, au nord de Popasna - ce qui laisserait présager que les forces russes contrôlent la région et y continuent leur progression. L'ampleur de l'avancée russe autour de Popasna n'était toutefois pas claire le 22 mai. De plus, les combats se poursuivent encore dans cette zone: la situation est susceptible d'évoluer d'heure en heure.
Sur la ligne de front sud, les attaques d'artillerie (de roquettes, par exemple) qui durent depuis plusieurs jours se sont poursuivies sur les villes de Zaporijjia, Kherson, Dnipro et Mykolaïv.
Au nord, près de la ville de Kharkiv, les forces russes vont probablement renforcer leurs troupes à grand renfort de chars. Selon l'ISW, l'objectif est d'empêcher une nouvelle avancée de la contre-offensive ukrainienne, en direction de la frontière russe.
Au sud de Roubijné se trouve la ville d'Izioum, laquelle se trouve déjà entre les mains des Russes. Pendant des semaines, elle a été le théâtre d'intenses combats, avant de tomber sous contrôle russe fin mars 2022.
Les forces russes se prépareraient désormais à une reprise de l'offensive au sud-est de la ville, comme l'écrit l'ISW. Selon des observateurs, les troupes russes tirent sur des agglomérations situées sur la ligne de front au sud-est et au sud-ouest d'Izioum.
Les forces russes vont probablement continuer à tenter de s'emparer de Sievierodonetsk par le sud, selon les prévisions de l'ISW. Pour ce faire, elles couperont probablement la dernière autoroute qui relie cette ville au reste de l'Ukraine.
L'armée de Vladimir Poutine a également réussi à s'emparer de la ville de Marioupol, après une série de combats apparemment difficiles et sanglants. La semaine passée, les derniers combattants qui siégeaient à Azovstal ont été évacués. La résistance ukrainienne dans cette ville portuaire stratégique a été brisée.
Les forces russes à Marioupol se concentreront probablement sur le contrôle de la ville, le siège d'Azovstal étant terminé. Depuis Marioupol, les forces russes pourraient se préparer à des contre-offensives ukrainiennes ainsi qu'à des opérations de longue durée dans le sud de l'Ukraine.
La Russie a désormais des avantages pour l'approvisionnement de la Crimée et va probablement bientôt remettre le port en service, comme l'a écrit l'ISW le 16 mai.
Un conflit couve dans le Dombass depuis 2014 déjà, où des séparatistes, qui se sentent culturellement et linguistiquement proches de la Russie, veulent de longue date détacher cette pointe orientale du territoire ukrainien de l'Ukraine. Si la Russie parvenait à mettre la main sur l'ensemble du Donbass, il s'agirait d'une victoire particulièrement symbolique pour Vladimir Poutine.
L'étape suivante serait alors l'annexion du Donbass - comme pour la Crimée, qui a été annexée par la Russie par le biais d'un référendum en 2014. Les leaders séparatistes de Louhansk ont déjà parlé d'un référendum dans un «avenir proche», bien que l'idée d'un vote fictif dans une zone de guerre puisse paraître absurde.
(traduit et adapté de l'allemand par yam)