C'est bien connu: si l'Ukraine a pu remporter d'importantes batailles ces derniers mois, c'est en large partie grâce aux équipements fournis par les pays occidentaux. Un type d'arme a notamment permis de faire la différence: l'artillerie.
L'armée ukrainienne a en effet reçu des dizaines d'obusiers de conception occidentale: le Caesar et le TRF1 français, le PzH2000 allemand, le SpGH Zuzana slovaque, le AHS Krab polonais, le FH70 fourni par l'Italie et l'Estonie et le M777 et le M109 américains. Toutes ces armes ont un point en commun: elles tirent des munitions de 155 millimètres de diamètre, le calibre adopté par la plupart des armées de l'Otan pour des raisons logistiques.
Les canons d'origine soviétique dont Kiev disposait au début du conflit tirent des projectiles de 152 millimètres. Lorsque ces munitions ont commencé à se faire rares, les obusiers occidentaux sont progressivement devenus l'épine dorsale de la stratégie ukrainienne, notamment au vu des vastes stocks d'obus compatibles détenus par les membres de l'Otan.
Les Etats-Unis ont livré, à eux seuls, des centaines de milliers de munitions de ce type et se sont engagés à en envoyer près d'un million au total.
Cette surabondance a permis à l'Ukraine de mettre en place les plus grands barrages d'artillerie jamais vus en Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, rapporte le New York Times. Actuellement, les forces de Kiev tirent entre 2000 et 4000 obus d'artillerie par jour.
Problème: à ce rythme, les Ukrainiens finissent par casser leurs obusiers. Littéralement. Pas moins d'un tiers des quelque 350 canons de fabrication occidentale dont Kiev dispose sont actuellement hors d'usage, révèle le quotidien américain.
Contrairement aux Himars, qui tirent des roquettes contenues dans des tubes préchargés, les obusiers sont essentiellement de grandes armes à feu: ils tirent des centaines ou des milliers d'obus, ce qui finit par user les pièces internes du canon.
La stratégie ukrainienne, qui consiste à tirer à très longue distance pour empêcher les contre-attaques russes, met les obusiers à rude épreuve. Les charges propulsives plus importantes, nécessaires à cet effet, produisent beaucoup plus de chaleur et peuvent entraîner une usure plus rapide des canons.
Le problème, poursuit le New York Times, c'est que le remplacement des pièces, qui peuvent mesurer jusqu'à six mètres de long et peser des centaines de kilos, dépasse les capacités des soldats sur le terrain. Il s'agit en outre d'une opération coûteuse. D'après les données de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, le canon d'un obusier M777 coûte plus de 700 000 dollars.
Ce problème est devenu une préoccupation de premier plan pour le Pentagone, qui a mis en place une usine de réparation en Pologne. Cette opération, révélée par le New York Times, a commencé au cours des derniers mois. L'état des armes de l'Ukraine est un sujet très sensible pour les responsables militaires américains, qui ont refusé de discuter des détails du programme.
Les Ukrainiens ont dit qu'ils aimeraient rapprocher ces sites de maintenance des lignes de front, afin que les canons puissent être remis en service plus rapidement. Le travail sur les obusiers pourrait bientôt relever d'un nouveau commandement, qui se concentrera sur la formation et l'équipement des troupes ukrainiennes. (asi)