Nous sommes le 26 février. Mon défi touche à sa fin.
La fin du mois se profile dans un curieux mix de soulagement et d'auto-satisfaction.
J'ai réussi.
Depuis le 1er février, je n'ai pas déboursé le moindre centime dans un magasin de grande distribution - que ce soit Coop, Migros, mais aussi Manor, Globus, ou encore leurs comparses, Zara, H&M et autres Starbucks démoniaques. Conformément à la règle numéro un de ce défi, je me suis limitée strictement aux petits commerces et aux établissements indépendants.
Pour être honnête, j'étais persuadée d’échouer malgré moi, en allant machinalement acheter un thé froid. 23 ans de réflexes jouaient contre moi.
A l'heure de méditer sur cette expérience éprouvante, je m’assieds avec mon carnet de notes, une pâtisserie (de boulangerie) et des principes écolo tout frais.
Avant d'oser vous-même l'expérience d'un boycott de l'industrie, quelques trucs à savoir.
Chaque course doit être planifiée avec un soin maniaque. Il faut savoir où dénicher quoi. Et tant pis pour vous si vous réalisez que vous avez omis d'acheter la moutarde au miel ou le navet qui compose la base de votre entrée, une fois arrivé chez vous, à mille lieues de toute épicerie.
Faites une croix sur l'invitation à la dernière minute, à 18 heures, de quelques amis chez vous pour un souper. (Non pas que j'ai tenté, mon goût du risque s'arrête au maintien de mes relations sociales.)
Le challenge s'avère nettement facilité si le seul estomac qui dépend de votre sens du planning est le vôtre. Une chose est sûre: j'ai été bien contente de ne pas avoir douze petites ventres vides qui m'attendaient à la maison tous les soirs.
Oui, malgré la promesse de mon gourou envertetcontretout.ch, qui m'avait garanti un mois bon marché (j'espère que vous avez saisi la blague lol). La plupart des produits que j'ai trouvé en petit commerce m'a coûté plus cher que dans un supermarché. Quant à savoir combien vaut réellement un kilo de carottes (1,9 francs à la Migros, quasiment le double au marché)... Enquête à suivre.
Sans compter l'envie et la motivation. Quand vous bossez à 100%, dur dur de vous rendre à Renens pour du papier sulfurisé en urgence, alors que vous bossez et vivez au centre de Lausanne.
Si vous éprouvez une joie incommensurable devant les plats préparés, biscuits apéritifs et autres saletés industrielles, ne tentez pas: dépression garantie. Les petits commerces ne dispensent ni raviolis en boîte, ni sticks de poisson pané. Tout au plus trouverez-vous des flûtes au beurre (mais soyez prêt à débourser 8 francs pour un paquet au lieu de 3,30 chez Fine Food. Mais bon, au moins, on apprend à les apprécier).
Aller au marché, c'est cool. Vous pouvez même y dénicher des concombres espagnols ou des avocats (bio!) péruviens en plein hiver. Mais à choisir... je préfère les bêtes pommes de terre labellisées «de la région» à la Migros. Désolée pour les adeptes du traditionnel marché du mercredi.
Les citadins ont le privilège d'avoir tout ce qu'ils veulent à portée de leurs baskets Veja. Facile d'envoyer bouler Coop quand fromager, maraîcher, boulanger et boucher se situent dans un rayon de 300 mètres. Sans compter les fameuses échoppes pakistanaises - qui m'ont sauvé la mise plus d'un fois.
En revanche, c'est moins facile à assumer quand vous habitez à Gerolfingen (BE) en pleine cambrousse suisse allemande, et que le seul magasin à cinq kilomètres à la ronde est un Denner. Dans ce cas, comptez sur la voiture (mais pas sûre que vous obteniez la validation des associations écologistes).
Je vous avais déjà chanté les louanges de Terre vaudoise et de son panel de biscuits artisanaux la semaine dernière. Mais ce mois sans grands distributeurs a été l'occasion de découvrir bien d'autres boutiques où je garderai mes habitudes. Avouons-le, c'est tellement valorisant d'être reconnue en passant la porte d'un petit commerce - plus compliqué quand vous vous fondez au milieu de la plèbe affamée à la Migros, à midi tapante.
Si j'ai effectivement payé de nombreux produits plus cher, j'ai également dépensé beaucoup moins en futilités et autres merdes industrielles inutiles.
Par exemple, j'assume être la première à craquer pour les étiquettes colorées estampillées «Nouveau». Ce mois-ci, adieu les tests de produits vegan débiles, je n'ai mangé que de la bidoche, de la vraie.
Au cas où vous ne l'auriez pas compris, j'aime excessivement manger. De ce fait, j'accorde plus d'importance que la moyenne à ce qui franchit le seuil de ma bouche. Ce mois au contact des commerçants m'a permis d'apprendre d'innombrables anecdotes sur des produits que j'affectionne (coucou fromage de chèvres cendré et vin biologique... dont vous entendrez bientôt des nouvelles!).
Pas super nouveau pour moi. A la différence que ce mois-ci, j'ai dû chercher des recettes pour savoir quoi faire de mon panier garni plutôt que des carottes de la Coop que j'avais choisies.
Spéciale dédicace à un lecteur attentif qui m'a apporté plus de caracs industriels que je n'en ai mérités.
Cette chronique a heurté d'innombrables bonnes âmes à la fibre déconsumériste autrement plus développée que la mienne. Loin de moi cette idée en sortant de ma confortable zone de confort capitaliste satanique.
Ce mois-ci a seulement mis en évidence une chose toute bête: ma chance infinie d'avoir le choix. Boycotter les supermarchés n'est pas une corvée. Ni même une bonne action. C'est un privilège à savourer copieusement.