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Qui est Issei Sagawa, le «Japonais cannibale»

Issei Sagawa escorté par un policier en civil, à l'issue de son interrogatoire, le 17 juin 1981.
Issei Sagawa escorté par un policier en civil, à l'issue de son interrogatoire, le 17 juin 1981.

«D'abord, j'ai mangé sa fesse»: Issei Sagawa, le Japonais cannibale est mort

Il s'est rendu tristement célèbre pour avoir tué et violé une étudiante, avant d'en grignoter des morceaux avec de la moutarde: le 24 novembre dernier, le meurtrier Issei Sagawa, dit le «Japonais cannibale», est décédé à l'âge de 73 ans. Retour sur un fait divers qui a pris la France aux tripes.
03.12.2022, 08:3103.12.2022, 12:17
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Ce 11 juin 1981, il fait beau à Paris. Renée Hartevelt, étudiante de 24 ans, se présente au numéro 10 de la rue Erlanger, dans le 16e arrondissement. La jolie blonde doit filer un coup de main à son ami Issei Sagawa, un autre expat' qu'elle a rencontré sur les bancs de la fac, durant un cours de littérature comparée.

La Néerlendaise s'est prise d'affection pour ce petit bout d'homme «discret et poli» d'un mètre 52, à la tête démesurément grosse pour ses 35 kilos et ses jambes si maigres qu'elles «ressemblent à des crayons». Séquelle d'un accouchement difficile et d'une encéphalite contractée à l'âge de deux ans, dont il a réchappé de justesse.

Les deux amis vont régulièrement boire des cafés sur Saint-Germain-des-Prés pour papoter littérature ou regarder des films au cinéma du Quartier latin. Ce que Renée ignore, c'est que son camarade l'a repérée depuis longtemps.

Le traqueur japonais

Issei Sagawa alimente ses fantasmes de cannibalisme depuis son plus jeune âge.

«C'était en première année d'école primaire. Quand j'ai vu la viande frémissante sur les cuisses d'un camarade de classe. J'ai soudainement pensé: "Mmm, ça a l'air délicieux"»
Issei Sagawa dans une interview pour Vice, en 2009

Il a grandi à Kobe, grande ville dans la baie d’Osaka, entre une mère possessive et sur-protectrice qui le force à manger sans cesse pour survivre, et un père chef d'entreprise richissime et très permissif.

A 23 ans, Issei a déjà été arrêté par la police japonaise pour tentative de meurtre sur une touriste allemande. La rescapée accepte de retirer sa plainte contre un généreux dédommagement financier du père Sagawa. Issei s'en tire sans poursuites et achève de brillantes études à l'université réputée d'Osaka.

Cinq ans plus tard, en 1977, Sagawa s'installe en France, pour suivre des cours à la Sorbonne.
Cinq ans plus tard, en 1977, Sagawa s'installe en France, pour suivre des cours à la Sorbonne.

Le crime

Tout cela, Renée Hartevelt l'ignore. Le 11 juin 1981, absorbée par sa lecture à haute voix d'un poème en allemand, elle ne prête aucune attention à son hôte. Issei Sagawa lui tire une balle dans la nuque. Une seule, à bout portant, avec une carabine 22 long rifle. La jeune femme meurt sur le coup.

Ce moment, Issei y songeait depuis longtemps. Alors, il prend son temps. Il déshabille le cadavre de Renée, place la jeune femme dans sa baignoire et la viole. Avant d'entreprendre un dépeçage méticuleux de son corps avec une scie électrique.

«La première chose que j'ai faite a été de lui couper la fesse»
Issei Sagawa, Vice

L’ogre au physique d’enfant assouvit son fantasme ultime et croque dans un bout de chair.

«Au début, j'ai mordu dans ses fesses avec l'intention de mâcher jusqu'au bout, mais c'est impossible. La peau humaine est si épaisse. J'ai fini par avoir mal à la mâchoire, même si j'ai réussi à laisser des traces de dents»
Issei Sagawa, Vice

Il prélève le nez, les lèvres, la langue, les bras, les épaules, les cuisses, les parties génitales et l'anus de sa victime: sept kilos de chair au total qu'il consomme crus ou cuits, assaisonnés de moutarde, dans les jours suivants.

«Je crois en fait que la viande humaine est la plus savoureuse de toutes les viandes»
Issei Sagawa, Vice

Son problème? Il ne dispose pas de congélateur.

Alors, deux jours plus tard, Issei se résout à appeler un taxi.

La scène du crime

Sur les rives du bois de Boulogne, un couple profite de ce samedi soir ensoleillé du 13 juin 1981 en se lançant dans une balade au bord du lac. Les promeneurs sont interpellés par le comportement d'un petit homme asiatique, qui trimballe péniblement deux valises dans un caddie de supermarché. Dans une pente, il perd le contrôle du chariot. Les bagages se renversent.

«Elles sont à vous, ces valises?»

Issei Sagawa sursaute et s'enfuit, en abandonnant son chargement. Il laisse aux deux amoureux le soin de signaler à la police leur macabre découverte: un drap ensanglanté et des morceaux de cadavre.

«Toute personne qui, entre 19 heures et 20h15, samedi, s’est étonnée de voir, dans le bois de Boulogne, un homme tirant un chariot à bagages chargé de deux lourdes valises, est priée de contacter la brigade criminelle au numéro suivant: 260 33 22.»

Un appel à témoins plus tard et le chauffeur de taxi se manifeste. Il n'a pas oublié son jeune client qu'il a amené du 10 rue Erlanger, jusqu'au bois de Boulogne.

Arrêté par les policiers, Issei Sagawa n'émet aucune résistance. Au contraire: il revendique son crime qu'il décrit comme un «acte artistique».

Le 17 juin 1981, Sagawa à sa sortie de la préfecture de police de Paris, après un interrogatoire.
Le 17 juin 1981, Sagawa à sa sortie de la préfecture de police de Paris, après un interrogatoire.

La perquisition de son appartement achève de prouver sa culpabilité.

«A la Crim’, on est habitués à ne pas s’étonner, mais, jamais, dans ma carrière, je n’ai vu quelque chose comme ça»
L'inspecteur Ange Mancini, au Parisien

Papiers d'identité de Renée Hartevelt, taches de sang, carabine 22 long rifle, pellicule photo avec 39 clichés du dépeçage du cadavre, dictaphone contenant un enregistrement du crime, shampouineuse pour la moquette et un exemplaire de Charlie hebdo du 16 août 1979.

«Barbecue monstre dans le Var: le cul rôti aux herbes de Provence.»
«Barbecue monstre dans le Var: le cul rôti aux herbes de Provence.»image: charlie hebdo

Et finalement, dans le frigidaire, conservés dans de petits sacs-poubelle et sur des assiettes en carton: sept kilos de tissus humains.

Le détenu

Au terme d'un an d'examens psychiatriques pendant lesquels trois experts indépendants se penchent sur le cas Issei Segawa, on conclut à un acte commis sous la pulsion «cannibalique» dans un état de «démence». Le meurtrier est jugé pénalement irresponsable. Toutefois, son «extrême dangerosité» conduit à son internement à l'Unité pour malades difficiles de Villejuif, dans le Val-de-Marne.

Segawa ne séjournera qu'un an dans ce pavillon ultra-sécurisé. Le 21 mai 1984, à 11h40, encadré d’un médecin et d’un policier, le «cannibale japonais» monte à bord du vol Air France 272, direction Tokyo.

«Franchement, je ne comprends pas pourquoi tout le monde ne ressent pas cette envie de manger les autres. Je dirais qu'un léger grignotage me suffit»
Issei Sagawa, Vice

De retour dans son pays natal, «l'étudiant français», ainsi surnommé par les médias, est transféré à l'hôpital psychiatrique Matsuzawa de Tokyo. Il jouit d’un régime assez souple, mange de bon appétit, dort bien, lit beaucoup, mais ne se mêle pas aux autres. En revanche, il apprécie les balades dans le parc d’attractions de Kawasaki, où il peut faire du kart à pédales et assister à des spectacles d'otaries qui le font rire aux éclats.

Ses médecins lui diagnostiquent des «troubles de la personnalité», mais aucun symptôme psychotique. Plus rien ne justifie son internement: au bout de quatorze mois, le patient, jugé sain d'esprit, est un homme libre.

En France, un non-lieu a été prononcé. La police japonaise n'a donc aucune raison de le poursuivre.

L'homme libre

Sorti d'hôpital, le cannibale japonais entame son extravagante saga médiatique et sa quête d'un travail.

Outre le remake de son propre crime, Sagawa tourne dans plusieurs pubs pour des restos de viande japonais.
Outre le remake de son propre crime, Sagawa tourne dans plusieurs pubs pour des restos de viande japonais.image: twitter

S'en suivent une quinzaine de livres au succès mitigé, mais gorgés de détails scabreux (et aux titres aussi appétissants que J'aimerais être mangé ou Ceux que j’ai envie de tuer), un manga, des tournages de films pornos (dont un remake du meurtre du 11 juin 1981) et des publicités pour des chaînes de restaurants de... viande. Ainsi que beaucoup, beaucoup d'interviews.

«Pouvez-vous s'il vous plaît appeler des personnes qui seraient volontiers mangées par moi dans votre magazine? Il y a cependant une condition: ce doit être de jeunes et belles femmes»
Issei Sagawa, Vice

Las de sa médiatisation, le «piètre artiste, mais redoutable pervers» finit par se retirer dans son bungalow tokyoïte au style rococo, où il collectionne bibelots et faux tableaux de Renoir. Il occupe ses journées en peignant des aquarelles et des nus de femmes, sur fond de sonates de Mozart.

Jugé «pervers maniaque» et «exhibitionniste narcissique» par son psychiatre, Issei n'a jamais caché que des pensées cannibales l'habitent encore.
Jugé «pervers maniaque» et «exhibitionniste narcissique» par son psychiatre, Issei n'a jamais caché que des pensées cannibales l'habitent encore.image: afp
«Il est largement admis que la viande humaine n'a pas bon goût, mais ils ne font que répandre cette rumeur parce que c'est un tabou. Si les gens découvraient la vérité, je suis sûr que les hommes commenceraient tous à manger des femmes»
Issei Sagawa, Vice

Au milieu des années 2010, retiré et un peu oublié, l'ogre japonais fait encore l'objet d'un documentaire. Diminué par du diabète et un AVC, il ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant. Affaibli, il n'en reste pas moins glaçant lorsqu’il confesse, en plan serré, être encore tenaillé par son appétit de chair humaine.

Issei Segawa meut d'une pneumonie le 24 novembre 2022, à l'âge de 73 ans. Des funérailles ont déjà eu lieu en présence de ses seuls proches. Aucune cérémonie publique n'était prévue, selon un communiqué transmis par son éditeur.

Aucune récidive n'a été découverte.

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