Les rumeurs les plus extravagantes courent sur l'équipe de Serbie: cocufiages, bagarres à l'entraînement, joueurs en surpoids. Ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas n'a aucune importance pour la Suisse: une telle agitation n'est jamais bon signe. On résume avec nos envoyés spéciaux au Qatar.
Dusan Vlahovic a ouvert la conférence de presse officielle de mercredi avec un message personnel. Motif de cette intervention: une source néerlandaise d'ESPN l'accuse d'entretenir une liaison avec la femme du gardien remplaçant de la Serbie, Predrag Rajkovic.
Problème: Vlahovic a passé la dernière rencontre de la Serbie sur le banc, officiellement par précaution, en raison d'une pubalgie tenace contractée avec la Juventus. Ce n'est peut-être qu'un fâcheux contre-temps mais dans ce cas, pourquoi le joueur répète-t-il inlassablement qu'il est «prêt»?
Outre ses éventuelles coucheries intempestives, Vlahovic serait en conflit ouvert avec le sélectionneur Dragan Stojkovic, ancienne gloire de l'OM. Selon plusieurs journalistes serbes présents à Doha, les deux hommes n'auraient «pas la même conception du professionnalisme»; une formule polie, toujours plus en vogue dans le football, pour qualifier les flemmards et les soiffards.
Les médias serbes affirment que Vlahovic a également déclenché plusieurs disputes à l'entraînement et plongé «le vestiaire serbe dans le chaos avec ses piques incessantes». Pour ne rien arranger, une autre rumeur colporte que Nemanja Gudelj aurait convoité la petite amie de son coéquipier Luka Jovic.
A chacune de ses conférences de presse, la délégation serbe rejette fermement toute question d'ordre géopolitique. Plus précisément toute allusion aux origines kosovares de certains joueurs suisses.
Mais tandis qu'elle s'efforce de dépolitiser le débat, l'ancien international serbe formé à Bâle, Zdravko Kuzmanovic, a allumé un incendie dans 20 Minutes. Le serbo-suisse a agi en franc-tireur et appelé à la vengeance:
Si la délégation serbe n'a pas réagi, les médias ont largement repris les déclarations de Kuzmanovic, en particulier les tabloïds.
Par ailleurs, le quotidien Alo! reproche à la Fifa d'avoir fait «une affaire d'État» du drapeau installé dans le vestiaire serbe, où un dessin propose une vision très personnelle du Kosovo et de ses frontières... La fédération kosovare est intervenue vigoureusement auprès de Gianni Infantino. «Cette fédération devrait se taire, ne pas créer de problèmes et ne pas déranger nos joueurs», a protesté Alo!
La forme de plusieurs joueurs interroge au pays, où une émission de télévision l'attribue non seulement à des problèmes physiques, mais à des insuffisances mentales. Le message subliminal: «Vous ne prenez pas la Coupe du monde assez au sérieux.»
Le buteur de Fulham Aleksandar Mitrovic, de retour de blessure, a visiblement une autonomie de 70 minutes. Il n'a jamais eu le physique d'un danseur étoile mais il arbore désormais quelques rondeurs suspectes. Luka Jovic (Fiorentina), lui non plus, n'est pas en forme (ou alors c'est un ovale). Idem pour Filip Kostic (Juventus), blessé récemment et à la recherche de son premier souffle.
Accrochée par le Cameroun après avoir mené 3-1 (3-3), la Serbie a arboré une forme de suffisance endémique. Le problème n'est pas la maladresse, tant s'en faux, puisque les «Brésiliens de l'Europe» affichent des taux de possession tyranniques (60% contre le Cameroun). «Mais lancés dans un "chacun pour soi" offensif, les Serbes ont ouvert des boulevards à l’abnégation camerounaise», rapporte l'envoyé spécial de So Foot.
Au gré des Coupes du monde, où elle n'est jamais sortie des qualifications depuis son indépendance, la Serbie inspire les mêmes reproches. C'est encore vrai au Qatar où la défaite face au Cameroun a révélé des «attaquants égoïstes», «une défense passoire» et «sur les pattes arrières», «un milieu peu travailleur», «un amoncellement d’individualités» «sans volonté réelle de l'emporter» «dans un stéréotype de jeu collectif».
Capitaine et numéro 10 dévoué de la Serbie, Dusan Tadic ne sort jamais du onze de départ, initialement construit autour de lui. A 33 ans, le joueur de l'Ajax (ex-Southampton) a bien perdu un peu de tonus mais il reste le pilier de la Serbie, l'homme sur lequel tout le staff s'appuie.
Sauf que, déjà inexistant face au Brésil, Tadic a récidivé contre le Cameroun. Dribbles bornés quand il était au milieu du terrain, passes alibis quand il approchait de la la surface adverse. Pour certains observateurs serbes, Tadic est le symbole d'une équipe égarée et disloquée. Mais une équipe qui a de l'orgueil et du talent, il ne faudra pas l'oublier.