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Mercato: les joueurs qui retournent chez leur ex prennent un gros risque

Alexandre Lacazette revient à Lyon cinq ans après.
Alexandre Lacazette revient à Lyon cinq ans après.

Les joueurs qui retournent chez leur ex prennent un gros risque

Lacazette à Lyon, Custodio à Lausanne, bientôt Lukaku à l'Inter: en langage sportif, on dit qu'ils «reviennent à leurs premières amours». Mais cet amour dure-t-il toujours?
17.06.2022, 12:05
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Sur la photo officielle, ils embrassent tous leur maillot. Tous autant qu'ils sont. Mais c'est une façon assez maladroite d'embrasser, un peu du bout des lèvres, un peu du bout des doigts. Façon délicate d'exprimer l'amour du maillot, de peur qu'il ne se brise à nouveau. Ou alors la gêne des retrouvailles. Qui sait?

L'an dernier, ce fut Dani Alves, revenu dans son club de cœur après avoir cédé aux faveurs d'une Vieille dame de Turin. Ce retour a ému les foules sentimentales du Barça. Rien à voir avec la crainte de rester en rade ou des émois de mec facile: Alves avait tout ce qu'un footballeur de 38 ans peut espérer. «Un choix purement affectif», soutient Alexandre Comisetti, qui est passé par là.

La photo

Dani Alves kisses a team shirt during his official presentation for FC Barcelona in Barcelona, Spain, Wednesday, Nov. 17, 2021. Veteran full back Dani Alves has returned to Barcelona at age 38 to fini ...
Dani Alves lors de son retour au FC Barcelone l'an dernier.Image: AP

Cet été, sur le marché des transferts, c'est encore la saison des amours. Alexandre Lacazette rentre à Lyon avec «des papillons dans le ventre», poussé par «une évidence». Plus près de nous, Olivier Custodio quitte Lugano pour «venir aider» son «club de cœur», Lausanne. Romelu Lukaku est si malheureux qu'il est prêt à rejoindre l'Inter Milan, son ex club, «à genoux».

Dans le football comme dans le hockey, ceux qui retournent chez leur ex sont forcément un peu nostalgiques, affreusement romantiques. «Il y a l'envie d'aider», confirme Raphaël Nuzzolo, revenu au chevet de Xamax après cinq ans aux Young-Boys. Le Neuchâtelois se reconnaît un peu dans la démarche de Custodio ou Alves: «Le club ne va pas bien, il essaie de reconstruire, tu n'as plus de grandes perspectives de carrière et pour ce choix-là, tu es prêt à abandonner beaucoup. Tu te sens redevable. Mais tu te sens aussi libre d'aider, sans attentes ni arrière-pensées. C'est une expérience valorisante.»

Le cœur a parfois ses raisons que la médiatisation ignore. Olivier Keller est revenu dans son club formateur... quinze ans après l'avoir quitté. Il révèle ce que presque personne n'a jamais su:

«Mon père était malade. Son vœu était de me voir avec le maillot de Genève-Servette sur les épaules. J'ai voulu lui faire ce cadeau avant qu'il parte»

Olivier Keller est encore revenu à ses deuxièmes amours, Lausanne, 18 ans après y avoir embrassé une carrière professionnelle. Il admet que la raison n'a rien à voir là-dedans.

«J'avais une profonde affection pour le LHC. J'ai fait le choix du cœur. Arrivé à un certain âge, quand on a déjà gagné des titres et de l'argent, on a souvent envie de réussir chez soi, de briller devant les gens qui nous aiment.» On veut être le roi du préau, le plus beau des frérots. «Franchement, je ne me voyais pas finir dans un club zurichois...», avoue Keller.

La démarche n'est pas seulement guidée par des sentiments poétiques ou magnanimes, car elle exige de se poser les bonnes questions. Des questions très pratiques...

Le magazine féminin Elle en recense six, parfaitement concrètes et adaptées à la haute compétition. «Six questions avant de retourner avec son ex»:

  • Pour quelle raison notre histoire s'est-elle arrêtée? (Exemples: il me réduisait à des tâches obscures, il voulait un joueur plus jeune)
  • Pourquoi ai-je envie de retourner avec lui?
  • Suis-je prêt à accepter ses défauts?
  • Suis-je prêt à changer et faire des efforts sur ce qu'il me reprochait? (Exemple: les efforts défensifs)
  • Qu'a-t-il fait pendant notre rupture?
  • Est-ce que j'imagine un avenir avec lui?

Si ces questions de tous les jours ressemblent aux choses de l'amour, elles sont toutes transposables au sport. «Retourner avec son ex par facilité: il connaît vos défauts et vos qualités», questionne le magazine Cosmopolitan. «Retourner dans ton ancien club? On te connaît, on te fait confiance», approuve Olivier Keller.

Olivier Keller discute avec une supportrice pendant une seance de signature lors de l'After season Party, une fete organise par le Lausanne HC, LHC, pour remercier les supporters et les joueurs e ...
Olivier Keller au LHC en 2010.Image: KEYSTONE

Plus rien à prouver: terrain conquis. Raphaël Nuzzolo ne le nie pas:

«A Xamax, j'ai retrouvé un environnement familial, l'affection des dirigeants que j'avais côtoyés avant»

«Retourner avec son ex par regret: vous n’avez pas confiance en vous et vous craignez de ne pas retrouver quelqu’un qui vous aime», poursuit Cosmopolitan. «Après mes années en France, je n'avais pas mille opportunités et j'aspirais à replanter mes racines. J'étais content de retrouver Lausanne (ndlr: treize ans après)», reconnaît Alexandre Comisetti.

Est-ce à dire que les bêtes de compétition auraient quelque faiblesse? «Bien sûr que oui», s'écrie l'agent Michel Urscheler. «S'il veut être performant, un joueur doit obéir à ses émotions. Son choix doit être sentimental. En grande partie. Toujours!»

Retourner d'où l'on vient, c'est aussi retrouver un confort, des habitudes, un vécu commun. Avec le risque qu'entre-temps, le club ait beaucoup changé. Qu'il ne soit plus aussi beau, grand et fort. Qu'il apparaisse soudain comme l'idole décatie d'une jeunesse ancestrale.

Alex Comisetti ne s'en cache pas: «Quand j'ai quitté le LS, il jouait le titre et remplissait son stade. Quand je l'ai retrouvé, il n'avait même plus de ballons, sinon les vieux ballons de marques très différentes que l'on a dégotés au fond d'une armoire. Mais ce n'était pas grave: je renouais avec une ville, une histoire, une relation intime.» Avec un club follement aimé que la pudeur vaudoise interdit de chérir.

Alexandre Comisetti, l'entraineur ad interim du FC Lausanne-Sport, pensif avant la rencontre de football de Super League entre le FC Lausanne-Sport, LS, et FC Lucerne, ce samedi 26 octobre 2013 a ...
Alexandre Comisetti au LS en 2013.Image: KEYSTONE

«Je n'ai pas non plus retrouvé le LHC que j'avais quitté», sourit Olivier Keller. «Mais il y avait toujours ces vestiaires, cette vieille odeur, les fans d'avant, la personne qui nettoyait la glace, tout ce qui constitue le lien affectif. J'ai vraiment eu l'impression de retourner chez mon ex. Et au fond de moi, j'avais très envie de lui plaire.»

«Tout le monde est content de te revoir. Tu te mets une pression personnelle pour ne pas décevoir»
Raphaël Nuzzolo
Le president du club neuchatelois Christian Binggeli, gauche, et le joueur neuchatelois Raphael Nuzzolo, centre, fetent le maintien en Super League avec les supporters apres la rencontre de football S ...
Raphaël Nuzzolo à Xamax en 2019.Image: KEYSTONE

Puisque la nature des sentiments est par définition profonde, donc obscure, il est difficile de distinguer la part de charité, à tout le moins de loyauté, dans certaines déclarations spontanées. «Je suis revenu au LS pour mon ami François Laydu, qui était directeur sportif, et pour plusieurs anciens du club», avoue Alexandre Comisetti. «Quand j'ai pris cet engagement moral, Lausanne évoluait encore en première ligue. Je n'en attendais rien. J'allais sur mes 32 ans et je voulais juste redonner un peu ce que j'avais reçu à 17-18 ans.»

Savoir donner, mais aussi, ce que l'on est capable de donner: a-t-on toujours le niveau? Est-on vraiment d'une grande aide? Comme dit un proverbe espagnol: «Offrir l'amitié à qui veut l'amour, c'est offrir du pain à qui meurt de soif.»

Redonner et ne pas décevoir, des responsabilités et des devoirs, confirme Olivier Keller:

«Il ne faut surtout pas arriver avec l'arrogance du gars qui a réussi. Au contraire, il faut te mettre à la page, notamment auprès des jeunes»

Un choix franchement affectif n'exclut pas quelques avantages purement logistiques. Alexandre Comisetti qui, dans la vraie vie, n'a jamais eu d'ex puisqu'il a «épousé la première fille dont il est tombé amoureux à l'école», est rentré au bercail pour permettre à sa femme de reprendre une activité professionnelle. Olivier Keller y avait sa belle-famille. Raphaël Nuzzolo toute sa vie.

Homme d'affaire, «et néanmoins de cœur», Michel Urscheler conseille-t-il à ses joueurs de retourner chez leur ex? «Ça dépend de tellement de facteurs», insiste l'agent valaisan (car on oublie trop souvent l'importance des facteurs dans les motifs de rupture).

«Si on a trouvé son bonheur ailleurs, il ne faut pas revenir. Je citerais l'exemple d'un de mes clients célèbres, Ivan Rakitic, dont la femme est de Séville, qui s'épanouit dans ce club et qui a lancé des activités dans la région: je ne le vois pas du tout revenir à Bâle. En revanche, si la situation personnelle du joueur le permet, s'il s'agit bien d'une histoire de cœur et non d'argent, un choix affectif est toujours un bon choix.»
Michel Urscheler

Un choix plus ou moins heureux, comme le montrent ces exemples illustres.

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Adaptation d'un article paru sur watson le 24 novembre 2021

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